RÉGLEMENTATION. Les particuliers et agriculteurs sont-ils contraints de faire appel à des entreprises certifiées pour des travaux de sous-section 3 ou 4 ? Réponses avec Farouk Benouniche, avocat à la Cour, cabinet Michel Ledoux et associés.
Il est de notoriété publique que l'utilisation de l'amiante fut, pendant près d'un siècle, une tragédie pour la santé des travailleurs jusqu'à son interdiction en 1997. Pour autant, nombre d'entre nous ignore que ce magic mineral est encore à ce jour source de dangers pour l'ensemble de la population. En effet, si la commercialisation et l'utilisation de produits contenant de l'amiante sont désormais prohibées, il n'en demeure pas moins que la gestion de l'amiante en place utilisée avant 1997 et toujours présente dans nos immeubles reste un sujet de préoccupation pour les pouvoirs publics en ce qu'il concerne quasiment l'ensemble du parc immobilier français et qu'avec le temps l'état de conservation des matériaux contenant cette fibre a tendance à se dégrader.
Rappelons que le Code du travail impose à tout donneur d'ordres qui envisage de réaliser des travaux consistant au retrait de matériaux amiantés de confier cette intervention à une entreprise certifiée pour réaliser des travaux relevant de la sous-section 3 du Code du travail consacré aux risques d'exposition à l'amiante (articles 4412-125 à R4412-143). De même, les interventions susceptibles de libérer des fibres d'amiante doivent être confiées à des entreprises dont les salariés justifient d'une qualification en sous-section 4 du même Code (articles R4412-144 à R4412-148).
Les agriculteurs et particuliers, profanes, sont-ils assujettis au code du travail ?
Face à une réglementation de plus en plus astreignante, la question s'est posée de savoir si les propriétaires particuliers ou agriculteurs, qui sont profanes en la matière, étaient assujettis auxdites dispositions du Code du travail, au même titre que les employeurs.
La direction générale du travail a été amenée à fournir un premier éclairage sur le champ d'application de cette réglementation dans une note du 19 janvier 2017. Rappelant les termes de l'article R4412-96 qui définit le donneur d'ordre assujetti à la réglementation amiante comme le chef d'entreprise utilisatrice, le maître d'ouvrage ou l'armateur, elle y précise que les particuliers comme les agriculteurs ne peuvent se voir considérés comme des donneurs d'ordre au sens du code du travail. De sorte, "ces profanes" ne seraient pas soumis à l'obligation de recourir à des entreprises certifiées lorsque des travaux de retrait d'amiante sont envisagés.
Cette position ne manquait pas d'interpeller tant elle paraissait juridiquement critiquable, le particulier ou l'agriculteur pouvant assurément assumer la casquette de maître d'ouvrage tel que visé à l'article L4531-1 du code du travail et pouvant donc endosser les obligations et responsabilités d'un donneur d'ordre. D'autant que cette position est très éloignée des objectifs de prévention pour la santé des travailleurs comme de l'ensemble de la population qui ont présidé à la mise en place de cette réglementation.
La DGT a revu sa copie
C'est probablement la raison pour laquelle la direction générale du travail (DGT) a pris l'initiative de revoir sa copie et de reconsidérer la position qu'elle avait exprimée par le biais d'une nouvelle note du 24 août 2017.
L'administration du travail concède désormais que le particulier comme l'agriculteur peuvent se voir reconnaître la qualité de maître d'ouvrage et donc de donneur d'ordre. Il en résulte que ces personnes doivent comme les autres faire appel à une entreprise certifiée. Dans un tel contexte, l'agriculteur ne peut faire réaliser ces travaux par ses propres salariés et, s'il s'adresse à un prestataire extérieur, ce dernier devra être certifié.
Cet assujettissement aux règles de prévention en matière d'amiante ne souffre finalement que d'une exception : celle du particulier qui effectue lui-même les travaux de retrait ou de l'agriculteur qui réalise lui-même ces travaux dans ses propres locaux d'habitation.
Encore faudra-t-il s'assurer que lesdits travaux n'engendrent pas de pollution nocive pour les éventuels voisins. A cette fin, il sera rappelé que les particuliers et les agriculteurs doivent prendre soin de respecter les dispositions relatives à la protection de la population et à l'évacuation des déchets amiantés relevant des Codes de la santé publique et de l'environnement qui leur restent applicables.
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