Cent ans après, deux expositions reviennent sur la crue exceptionnelle qui toucha Paris en janvier 1910. Devant des clichés parfois dramatiques ou insolites, les visiteurs s'interrogent sur la possibilité de revivre, un jour, une telle inondation. Visite.
Par son ampleur exceptionnelle, la crue qui toucha Paris en 1910 continue de fasciner. En ce début d'année, deux expositions lui sont consacrées. Au travers de plusieurs centaines de documents, pour certains inédits, la bibliothèque historique de la ville de Paris et le Pavillon de l'eau reviennent sur un évènement majeur du début du siècle dernier, qui pourrait bien se reproduire dans les années à venir.
Paris-Venise
Soumises à de fortes précipitations pendant l'été 1909 puis pendant l'hiver 1910, les terres saturées d'eau commencent à provoquer une montée de la Seine. Mais c'est à partir du 18 janvier que la situation bascule. Des pluies torrentielles s'abattent sur toute l'Europe. Elles déclenchent des crues abondantes du fleuve et de ses affluents, qui pulvérisent les records de montées des eaux des siècles passés. Le 28 janvier 1910, la Seine atteint 8,50 mètres de haut : du jamais vu depuis février 1658.
Pas moins de 300 rues sont innondées et douze arrondissements touchés. Une situation qui donne à la capitale, pendant plus de quarante jours, des allures de Cité des Doges. Peintres et photographes rivalisent d'images pour capter ce Paris-Venise inédit où le temps semble s'être arrêté. Quand la décrue s'amorce enfin, l'heure est au bilan : un mort, 150.000 personnes sinistrées, 20.000 immeubles inondés sur les 80.000 que compte Paris et 200.000 caves submergées. Résultat : un coût estimé à 400 millions de francs-or, l'équivalent d'un milliard d'euros.
Et aujourd'hui ?
Cette date anniversaire est aussi l'occasion d'avoir un regard lucide sur la situation actuelle. Car le risque persiste. La région parisienne ayant connu une soixantaine de crues majeures depuis le Vème siècle, il est à parier que ce territoire structuré autour d'un fleuve en subira d'autres. Néanmoins, au cours du XXème siècle, plusieurs mesures de protection ont été mises en place pour limiter ses conséquences : des lacs-réservoirs régulent désormais le débit des cours d'eau, un plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) délimite les constructions en fonction des zones inondables et, plus récemment, la ville de Paris a renforcé l'imperméabilité des quais, réhaussé leurs parapets et fait l'acquisition de protections amovibles.
En attendant, la montée des eaux reste une source d'inspiration pour les artistes, dont Hervé Bernard. Le photographe livre une série de photomontages du Paris d'aujourd'hui sous les eaux au Pavillon de l'eau : le résultat est saisissant.
Pour avoir un aperçu de ces clichés, cliquez sur suivant.
Gare d'Orsay
1910
Le grand hall de la gare d'Orsay
VIIème arrondissement
VIIème arrondissement
En janvier 1910, Paris connaît durant une "semaine terrible" une inondation exceptionnelle, provoquée par des conditions météorologiques exécrables, la plus importante de son histoire après celle de 1658.
Pont de l'Alma
1910
Le pont de l'Alma
L'eau, empruntant les voies récemment ouvertes souterraines et de surface destinées aux transports et aux égouts, débordant de la Seine ou surgissant du sous-sol, gagne les quais et les rues limitrophes, remontant jusqu'à la gare Saint-Lazare.
Approvisionnement
1910
Des provisions sont apportées aux personnes des quartiers inondés. Une gestion de fortune se met en place : on construit des parapets, on édifie des passerelles, on circule en barque, on rentre chez soi en échelle, on déménage...
Déchets sur l'eau
1910
rue Jacob
VIème arrondissement
VIème arrondissement
Pour éviter les risques d'épidémie, le préfet Lépine ordonne que les tombereaux des éboueurs soient déversés dans la Seine à partir du pont de Tolbiac et du viaduc d'Auteuil. L'opération "Ordures au fil de l'eau" durera plus de 15 jours, malgré les protestations des communes situées en aval.
Voiture
1910
Voiture transportant un ministre vers le ministère.
Paris est une des métropoles du monde les mieux équipées en transports en commun. On y recence 11 compagnies de tramways, à cheval, à vapeur, à air comprimé, électriques. Puisque les sources d'énergie moderne sont inopérantes, les vieux omnibus hippomobiles sont remis en service et les 75.000 chevaux encore présents dans la capitale s'avèrent très utiles.
Paris est une des métropoles du monde les mieux équipées en transports en commun. On y recence 11 compagnies de tramways, à cheval, à vapeur, à air comprimé, électriques. Puisque les sources d'énergie moderne sont inopérantes, les vieux omnibus hippomobiles sont remis en service et les 75.000 chevaux encore présents dans la capitale s'avèrent très utiles.
A pied
1910
rue Bonaparte
VIème arrondissement
VIème arrondissement
L'inondation suscite un puissant élan de solidarité nationale. Des souscriptions, lancées dans les mairies, par les journaux ou au sein de certaines corporations, font appel à la générosité de tous pour venir en aide aux sinistrés, et récoltent des fonds souvent supérieurs à ceux que débloquent dans un premier temps les pouvoirs publics.
"Paris-Venise"
1910
rue de Lyon
Dans ses parties inondées, la ville est métamorphosée et tous la comparent à Venise.
"Paris-Venise"
1910
rue de Lyon
Cette vision inédite de Paris attire les foules qui se pressent sur les ponts et en bordure des zones inondées, mais également les photographes et les peintres, séduits par l'esthétique poétique d'un Paris qui se reflète dans des rues devenues canaux, où flottent mélancoliquement les pavés de bois.
Vue d'un balcon
1910
boulevard Saint-Germain
A partir du 29 janvier, la Seine cesse de monter. Deux crues secondaires se produisent encore en février et en mars. Il faudra finalement attendre le 15 mars avant que la Seine ne regagne définitivement son lit.
Protections permanentes
Aujourd'hui
Plan des protections mises en place actuellement
La Ville de Paris a entrepris de nombreux travaux afin d'être le mieux protégée possible en cas de crue. Il a donc été procédé à la remise en état et à la rehausse des parapets dont l'étanchéité et la hauteur étaient insuffisantes.
Barrière anti-crue
Aujourd'hui
Barrière mobile anti-crue, voir Mazas, XIIème arrondissement.
Les protections mobiles sont des ouvrages métalliques légers (en partie en aluminium) et manipulables aisément, au moins pour ceux de hauteur courante. Ces matériels nécessitent une préparation minimum et peuvent être mis en oeuvre rapidement par une petite équipe.
Edification de murs
Aujourd'hui
Ce mur a nécessité la réalisation d'un ouvrage important, intégré dans un dispositif de barrages et de rehausses des parapets.
Odéon
Et demain ?
L'escalator de la station de métro Odéon envahi d'eau.
Eau de Paris qui gère la distribution de l'eau dans la capitale a proposé au photographe Hervé Bernard de rendre un hommage à la crue de 1910 tout en sensibilisant l'opinion à ce risque de catastrophe naturelle.
Bir-Hakeim
Et demain ?
La station du métro aérien Bir-Hakeim
Les oeuvres que l'artiste propose sont des "photographies retravaillées" qui, par leur évocation d'une catastrophe, nous transportent en même temps du côté de l'humour et du saisissement.
Grand-Palais
Et demain ?
Le Grand-Palais
On pourrait croire que chaque image est comme une vision d'apocalypse, à ceci près qu'elle fait ou peut faire aussi sourire. En effet : un hors‐bord et une mouette dans le grand Palais, un nageur place de la Bastille, un torrent dévalant un escalier de métro...
Concorde
Et demain ?
La station de métro Concorde
L'humour, on le sait, est un moyen de calmer les angoisses que des phénomènes inattendus peuvent faire naître en nous.
Bastille
Et demain ?
La place de la Bastille.
Si la réponse à la question posée reste angoissante : Oui, la possibilité de revivre, un jour, une telle inondation existe, ces clichés parfois insolites permettent d'envisager le futur quelqu'il soit, sur un mode un peu plus léger...
jusqu'au 28 mars
à la Galerie des bibliothèques de la ville de Paris
22 rue Malher (métro Saint-Paul)
Jusqu'au 17 avril
au Pavillon de l'eau
77 avenue de Versailles (métro Javel ou Mirabeau)