REPORTAGE. Deux députés LREM missionnés par le Premier ministre pour un rapport sur l'habitat indigne se sont rendus à la cité du parc Corot à Marseille, cas symptomatique de ces copropriétés tombées dans l'insalubrité et l'abandon.
En ce deuxième jour de printemps, le soleil qui cogne sur l'édifice ocre du parc Corot ne masque pas les premiers étages murés de cette tour "A", évacuée en décembre 2018, quelques semaines après l'effondrement de deux immeubles, rue d'Aubagne.
La députée de secteur, Alexandra Louis, foule régulièrement le sol poussiéreux de la cité du parc Corot, accompagnée ce 22 mars 2019 de Guillaume Vuilletet, député du Val d'Oise. La première est en charge d'un rapport sur l'habitat dégradé à Marseille, qui intégrera un document national, élaboré par le second à la demande du Premier ministre Edouard Philippe.
Face à une tour A fantôme soumise à un arrêté de péril, la tour C est encore occupée, et laisse échapper depuis quelques balcons les visages curieux d'habitants, jetant leur regard sur la déchetterie à ciel ouvert que sont les espaces extérieurs du parc Corot. Les 16 étages du bâtiment C concentrent insalubrité et fragilité du bâti, aggravées par des fuites d'eau régulières, et des incendies.
"Une gestion très malheureuse de la copropriété"
Avec 357 logements construits au début des années 60, le parc Corot est une de ces copropriétés dégradées tombées au fil des décennies dans la mauvaise gestion des syndics, et un amoncellement de dettes, qui atteindrait aujourd'hui "500.000 euros ", selon Brigitte Gerling, fonctionnaire hospitalière et propriétaire-occupante depuis 2002. "Pour ne pas parler de gestion frauduleuse, il s'agit d'une gestion très malheureuse de la copropriété", relate Alexandra Louis, auprès de Batiactu.
Placée en 2017 sous administration judiciaire, la cité du parc Corot est l'un des cinq ensembles marseillais qui bénéficieront du programme "Initiatives copropriétés", lancé en novembre dernier par l'Etat. Certains logements, abandonnés par leur propriétaire sont le lieu de passages de squatteurs, quand les espaces communs ne sont pas aussi occupés, comme le confie un habitant de la cité qu'il surnomme "la jungle".
Pour les propriétaires qui ne parviennent pas à vendre, et ne parviennent pas à trouver un autre logement ailleurs, "on a appris à se débrouiller tous seuls", confie la mère de Brigitte Gerling. Elle déplore : "Les encombrants s'accumulent, nous avons beau appeler la mairie mais elle ne vient pas les récupérer alors certaines personnes font des feux pour les enlever, récemment, un feu s'est produit juste à côté du placard électrique", montrant du doigt un transformateur électrique, dont l'un des murs a été atteint par les flammes.
Coordonner le jeu d'acteurs
Pour la parlementaire des Bouches-du-Rhône, cette incurie généralisée traduit en filigrane un manque de réactivité des services municipaux en matière de diagnostic et de suivi des signalements. Elle a, elle-même, fait parvenir des signalements auprès des services d'hygiène, mais également au procureur, comme pour M.Abdallah, locataire depuis 2017 d'un 70 m2 qui lui coûte 650 euros de loyer.
Régulièrement malade du fait d'une forte humidité causée par des infiltrations d'eau, il a récemment reçu un courrier de la mairie, qui elle, fait état d'un logement "trop petit". "Cette lettre est complètement à côté du sujet", s'étonne le député valdoisien Guillaume Vuilletet qui pointe "un manque de coordination entre les acteurs".
Partageant ce besoin de coordonner le jeu d'acteurs, Alexandra Louis pointe par ailleurs "la carence de réponse aux signalements, et une négligence des conséquences de l'insalubrité sur la santé des locataires" par les services d'hygiène de la mairie.
Plan de sauvegarde
Ce manque de synchronisation, la députée l'a également constaté lors de l'évacuation de la tour A qui "s'est mieux passée que les déménagements, où les locataires découvraient le jour même où ils allaient être relogés, et les réponses n'étaient pas toujours adaptées aux besoins et aux attentes des locataires".
En février 2018, la métropole Aix-Marseille-Provence a lancé un plan de sauvegarde pour les 7 tours qui composent la cité du parc Corot. Dans un rapport d'analyse sur la situation du parc Corot rédigé en juillet 2018, la députée Alexandra Louis préconisait, entre autres, de démolir les tours A et C qui présentent les plus grandes fragilités. Pour Brigitte Gerling, qui dit avoir versé toutes ses économies dans des travaux de rénovation de son appartement, "je vivrais mieux s'ils démolissaient, car moi, je ne peux plus déménager".