PATRIMOINE. Une partie du siège des tombeaux de 75 rois et reines de France est en travaux. Cette restauration est l'un des plus emblématiques chantiers patrimoniaux actuels en France.
Le chantier de l'édification de la tour nord et le remontage de la flèche gothique de la basilique de Saint-Denis, en région parisienne, a démarré. L'un des plus grands chantiers patrimoniaux de l'Hexagone a récemment accueilli les tailleurs de pierre pour permettre la reconstruction. Ils œuvrent à la création de la base de la tour et de la flèche.
Lancé en 2020, ce projet de reconstruction est soutenu par une convention-cadre signée en 2018 par le ministère de la Culture, et chapeauté par Jacques Moulin, architecte des monuments historiques. Il vise à réédifier la flèche et la tour Nord, dégradées au fil du temps. Construite vers 1180, la flèche qui culminait à 90 mètres de hauteur avait été démontée pierre par pierre en 1847 par Eugène Viollet-le-Duc, suite à un ouragan qui avait mis en péril la tour.
"Un chantier zéro déchet"
La "grande sœur" de Notre-Dame de Paris, premier chef d'œuvre de l'art gothique et nécropole des rois et reines de France, va mobiliser des techniques de restauration "exemplaires", une "expertise artisanale et occidental", déclare Mathieu Hanotin, président de Suivez la flèche (maîtrise d'ouvrage) et maire de Saint-Denis, lors d'un point presse le 7 janvier dernier.
La première pierre de la flèche sera posée en mars prochain. Les pierres choisies correspondent exactement aux bandes calcaires exploitées au Moyen-Age pour l'édification du monument. Elles sont taillées sur place et toutes les chutes sont réemployées, permettant de mettre en place un chantier "zéro-déchet".
Plus de 15.000 pierres pour ce chantier
Un échafaudage de plus de 90 mètres de hauteur est en train d'être monté et aidera les 130 artisans - dont certains des entreprises H Chevalier, SNBR et l'Atelier des sculpteurs - à travailler sur cette reconstruction qui devrait durer jusqu'en 2030. Les porteurs de projet peuvent s'appuyer sur la modélisation numérique de 15.228 pierres nécessaires à la reconstruction, extraites d'une carrière de Saint-Maximin (Oise), pour mener à bien ce chantier.
"Nous mettons en place une opération exceptionnelle. La flèche sera remontée dans les conditions qui sont requises par la protection du patrimoine et par sa valorisation", indique Laurent Roturier, directeur de la DRAC Île-de-France. La reconstruction s'appuie à la fois sur des modes constructifs traditionnels et des technologies actuelles, comme la modélisation numérique des pierres.
"Ce projet unique représente à la fois un hommage à notre passé et une promesse pour les générations futures", considère Stéphane Bern, journaliste spécialisé en patrimoine. L'animateur télé a d'ailleurs annoncé soutenir le projet en devenant son parrain. "A quelques stations de métro de Notre-Dame de Paris, nous avons cette basilique extraordinaire, revêtue, à mes yeux, d'une symbolique particulière puisque c'est ici que se faisaient enterrer les rois de France."
Chantier ouvert au public
Au pied de la basilique, au sein du jardin Pierre de Montreuil, le dispositif "La fabrique de la flèche", ouvrira ses portes dès septembre prochain. Géré par le Centre des monuments nationaux, il servira à informer les visiteurs sur ce projet patrimonial et permettra - durant toute la durée des travaux - de découvrir le chantier de remontage en présence des artisans. Le nouveau lieu proposera une expérience immersive présentant l'édifice religieux et les savoir-faire mis en œuvre pour ces grands travaux.
Des artisans-médiateurs, tailleurs de pierres et forgerons, seront présents pour partager leurs techniques et méthodes de travail avec le public. Les pierres taillées lors des présentations seront toutes intégrées dans la construction de la flèche. D'autres métiers comme verrier, sculpteur sur bois ou maître d'œuvre seront présentés. Des dispositifs interactifs, des projections et espaces de médiation seront par ailleurs proposés.
Chaque jour, plus de 1.500 visiteurs pourront être accueillis. "La Fabrique de la flèche viendra enrichir le parcours de visite intégrant la nécropole royale et ses 70 tombeaux sculptés des rois et reines de France", affirme Marie Lavandier, présidente du Centre des monuments nationaux. "Il sera un espace où l'on pourra admirer le travail des bâtisseurs et réécrire l'histoire ensemble. J'appelle chacun à contribuer à cette odyssée, à travers l'opération de collecte organisée par la Fondation du patrimoine", ajoute Stéphane Bern.
Le financement de ce projet, à hauteur de 37 millions d'euros (dont 10 millions pour le chantier ouvert au public), est permis grâce à des collectivités (Département, Région, Métropole du Grand Paris) et de nombreux fonds privés (dont Vinci, Europequipements et Icade).
Apprentis et tradition
Des dizaines d'apprentis tailleurs de pierre sont formés sur ce chantier patrimonial, dont Mathilde Bretz, de l'entreprise H Chevalier. "Huit personnes de la société travaillent actuellement sur place à l'atelier, au pied de la cathédrale. On enlève et remplace des éléments, et bientôt, deux équipes collaboreront. Une en haut de la cathédrale et une autre au pied, qui continuera de tailler. Une autre équipe œuvre dans un atelier à Saint-Leu-d'Esserent (Oise)", raconte la jeune femme à Batiactu. "Ce qui est intéressant sur ce chantier est qu'une partie de la taille est réalisée à la main. Nous évitons les outils électroportatifs, ce qui est rare sur un chantier en région parisienne. L'architecte a souhaité que cela soit réalisé de manière traditionnelle. Cette façon de faire permet de maîtriser tous les gestes."
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