FEUILLE DE ROUTE. Loi logement, plan de rénovation, permis d'aménager, bim... les architectes comptent se faire entendre en 2018. Le nouveau président du Conseil national de l'Ordre des Architectes (CNOA), Denis Dessus revient pour Batiactu sur les sujets qui seront au coeur de son action.
Qu'il s'agisse du projet de loi logement ou du plan de rénovation énergétique, les sujets à traiter ne manqueront pas à Denis Dessus et son équipe pour cette année 2018. A l'occasion de ses vœux, ce 17 janvier, le Président du Conseil National de l'Ordre des Architectes a redit que son action s'inscrivait dans la "continuité du précédent mandat" et entend bien continuer à faire avancer l'intérêt de l'architecture. Et les sujets à traiter seront nombreux pour l'ordre des architectes. A commencer par la loi logement et le plan de rénovation énergétique.
De l'importance de gérer la maquette numérique
Denis Dessus a cependant évoqué deux sujets qui lui tiennent à cœur : le permis d'aménager et la maquette numérique. Pour le premier, il insiste :l'architecte est incontournable de par la loi dans la conception du projet d'aménager et "la conception ne se sous-traite pas". Concernant le Bim et la maquette numérique, il rappelle que cela fait quatre ans que l'ordre des architectes est impliqué sur ce sujet et a participé à de nombreux groupes de travail avec les différents acteurs de la construction et a audité tous les acteurs. Il rappelle que des formations ont été mises en place par la profession, formations qui permettent aux architectes et à l'équipe de maîtrise d'œuvre d'être dès 2018 "en situation d'intégrer le process bim dans toutes ses composantes". "Si le bim doit avoir pour conséquence de créer de nouveaux métiers comme le bim manager ou autre, nous aurons le résultat inverse de l'efficacité recherchée avec l'outil maquette numérique", nous a-t-il confié. Il explique : "La simplification et l'efficacité passent par la compétence des acteurs, et non pas leur multiplication". Denis Dessus estime que "les architectes sont et doivent rester à l'avant-garde de la révolution numérique, nous devons être leader sur l'intelligence artificielle, sur son utilisation et leur développement maîtrisés au profit de l'acte de conception".
Autre sujet, et de taille, sur le bureau du président du CNOA : le projet de loi logement. Et l'ambition de Denis Dessus est "d'améliorer le projet de loi logement pour qu'il soit un véritable outil pour améliorer le logement des Français". S'il "y a des points que l'on approuve comme le renforcement de certaines structures telles que l'Anah pour revitaliser les centre-ville, l'élargissement à l'échelon territorial des opérations d'intérêt national (OIN) qui développent un urbanisme concerté", tout en demandant qu'elle soient exemplaires dans leur production de la ville en mettant des procédures qualitatives de définition des projets urbains et architecturaux. En revanche le président de l'Ordre des architectes considère que "dans la rédaction actuelle du projet de loi", "on n'arrivera pas à produire plus et mieux". "Il faut absolument améliorer le projet de loi", en permettant d'élargir l'accès au logement social, en proposant des solutions de rénovation pour le parc privé dégradé, et des modèles de mise à disposition du foncier public pour baisser le coût de production. Le projet, en l'état, "comporte des risques", à commencer par les procédures de la commande publique.
"Le concours d'architecte n'est pas un frein mais une chance pour les bailleurs sociaux", Denis Dessus
Concernant l'article 25, Denis Dessus nous le rappelle avec force : "le concours d'architecte n'est pas un frein mais une chance pour les bailleurs sociaux", "c'est un excellent outil qui permet, comme le démontrent toutes les études, de concevoir des projets de meilleure qualité urbanistique et architecturale, de favoriser l'innovation, d'inventer la ville de demain en évitant la standardisation des constructions" et qui "permet également de limiter les recours et contentieux, et d'obtenir l'accord de la collectivité, des associations sur le projet" en les associant au sein d'un jury de concours.
Denis Dessus en profite pour rappeler qu'il soutient le monde HLM et qu'il "serait assez catastrophique" que ce dernier "perde l'exemplarité que l'on attend de lui" en réclamant une sortie du cadre de la maîtrise d'ouvrage publique. Pour le président de l'Ordre des architectes, il "serait constructif et efficace de collaborer au contraire pour une mise en oeuvre pertinente des procédures de la commande de maîtrise d'œuvre".
"Bannissons le critère de l'urgence comme guide de la réflexion", Denis Dessus
Toujours pour le projet de loi logement, le CNOA réclame "une révision de l'achat incontrôlé de logements en Vefa" qui selon Denis Dessus "déstructure pour la maîtrise d'ouvrage publique sociale et produit des logements et un urbanisme de piètre qualité". A propos de la simplification des normes, il rappelle que la problématique est la mise en cohérence, plus que la suppression des normes, notamment pour améliorer la flexibilité des usages des bâtiments.
Denis Dessus appelle aussi de ses vœux à bannir "le critère de l'urgence comme guide de la réflexion : il ne faut pas construire vite, mais il faut une production continue, qualitative, en concordance avec la demande".
Une maîtrise d'œuvre essentielle pour la qualité des rénovations
Autre chantier de taille cette année : celui du plan de rénovation énergétique. Sur ce sujet, Denis Dessus tient absolument à faire comprendre "que ce n'est pas l'objectif énergétique qui motive des travaux, mais l'amélioration de la valeur d'usage et patrimoniale, l'adaptation à un événement familial etc." Selon lui, "il faudra également que l'on comprenne qu'une maîtrise d'œuvre indépendante est essentielle pour diagnostiquer, concevoir, consulter les entreprises, veiller à la bonne exécution des travaux". Il nous rappelle d'ailleurs qu'elle "est obligatoire en maîtrise d'ouvrage publique" pour obtenir une maîtrise des coûts et de la qualité bâtie.
Sur la question financière justement, Denis Dessus souhaite que "le financement et la fiscalité de la rénovation de logements soient simples et pérennes" et réclame que l'accompagnement, "en incluant le diagnostic global, ou audit, mais aussi la maîtrise d'œuvre indissociable de l'enveloppe travaux " soient "indissociables de travaux à financement aidé" tel que le CITE par exemple.
Denis Dessus tient également à dire son opposition au terme d'industrialisation de la rénovation qui est utilisé dans le plan. Le président du CNOA est formel : "On ne peut pas dupliquer des solutions constructives". La rénovation nécessite, encore plus que le neuf, une analyse au cas par cas "si on veut qu'elle soit efficace".
Enfin, le patrimoine ne sera pas oublié en 2018 et il nous rappelle d'ailleurs avoir défendu récemment au Sénat le rôle des architectes des Bâtiments de France et la nécessité économique et historique de protéger et valoriser le patrimoine ancien et contemporain.