De retour d'Allemagne, Claude Vasconi marque le rappel : réception d'une école de danse, retour dans la cour de récré française et enfin inauguration d'une exposition personnelle. Trois bonnes raisons d'analyser ses démarches formelles pour atteindre les sommets...
Longue vague, souple et fluide, façade arrière lourde et massive, couleur gris du verre et granit, noir du métal, rue intérieure, forum lumineux, chaleur du bois... Vous l'aurez sans doute reconnu, tous les idiomes sont présents, là, dans ce nouvel espace culturel de Vélizy-Villacoublay. L'architecte strasbourgeois Claude Vasconi inaugure en même temps la livraison d'une école de musique et de danse, son grand retour à la commande française (après sa période allemande, berlinoise plus exactement) et essuie les plâtres d'une exposition de ses travaux les plus récents.
Entre Icare, Minos et le Minotaure
L'Onde, puisque c'est comme cela qu'il faut l'appeler, est issu d'une volonté politique forte. Pour recoudre les trois parties de cette ville fabriquée, le centre culturel doit devenir à terme un centre ville et une installation qui contaminera son environnement. Pour preuve, la façade noble, l'onde en tant que telle (façade ondoyante) est orientée vers une sorte de chaos urbain, alors que l'entrée et l'arrivée en voiture se fait par l'arrière, comme par une porte dérobée. Mais, Vasconi n'en est pas à un paradoxe près. C'est ce qui fait certainement sa richesse. Sans signalétique, c'est un vrai labyrinthe. Comme pour l'exposition qui lui est consacré actuellement dans la grande salle du batiment. Vasconi se rêve-t-il en Minos ? En Icare aux ailes brûlés ? Ou engendre-t-il un Minotaure ?
L'exposition qui s'ouvre "ne se veut pas rétrospective, car je ne suis pas encore mort", explique l'architecte qui fait doucement comprendre qu'il va falloir encore compter pas mal sur lui dans le milieu professionnel. Entre concours perdus, primés ou en cours, le visiteur sera un peu dérouté pour s'y retrouver, faute d'indication. Mais les panneaux de présentation des projets, sobres, font appel en grande largeur à la photographie. Comme une légende à ses images synthétiques, de petits textes tentent de signifier l'enjeu, avec en bas de chaque panneau, comme une signature, le nom de la maîtrise d'ouvrage. Cela rappelle sans grand mal, le dispositif utilisé par Jean Nouvel lors de rétrospective au centre Pompidou.
Tabula rasa contre contexte nada
En faisant le tour des projets mis en valeur par Vasconi lui-même, on découvre un homme talentueux, avec un vocabulaire affirmé et qui sait très bien s'entourer. En revanche, dans son désir irrémédiable d'accéder à la commande, on décèle chez lui un petit côté flagorneur, signe d'un compromis, légèrement honteux, avec ses maîtres d'ouvrage. Tout commence, en "number one", par une tour, symbole même de la puissance créatrice d'un architecte, celle de Lilleurope. Tout comme le palais de Justice de Grenoble, la tour vient s'inscrire dans un site entièrement fondateur de nouvelle urbanité, comme pour signifier l'adage moderno, non plus de la Tabula Rasa, mais du contexte nada.
A l'inverse avec le projet de Hallen Am à Berlin, Vasconi met en place une expression de réhabilitation forte d'un site industriel. Retour à l'idéalisme fonctionnaliste, le radôme du grand ballon des Vosges redessine le paysage environnant, façon fortification de Vauban en proposant à l'architecte la plus belle commande qui soit pour un architecte. Dans la solitude herbeuse de ces vallons, la sphère et la rampe rappellent les cadrans solaires de l'observatoire de Jaipur.
Peut-être le projet le plus spirituel de Vasconi. A Rouen, Vasconi expérimente l'imaginaire pop du streaming des années 50 en proposant une usine de revalorisation des déchets carénée comme une navette spatiale.
Spirit of Ecstasy : l'alliance du mécano et de l'aristo
En référence à la marque anglaise de la belle époque, l'architecte métamorphose la ville de Turin en véhicule de luxe façon Silver Ghost. Il dote la ville d'un bouchon de radiateur façon Spirit of Ecstasy, et l'hôtel de région devient la vaste calandre d'une automobile d'une ville pourtant dédiée à Fiat. Peut-être la plus belle expression symbolique que pouvait rêver le potentat local qui se retrouve allégorisé en victoire de Samothrace revisitée. Pour la petite histoire, la version agenouillée de la Flying Lady, qui paraît avoir inspiré le bâtiment, indique, dans le jargon automobile, que la Rolls Royce est conduite, non par un chauffeur, mais par son propriétaire même. On ne peut faire métaphore plus frappante de la transparence politique !
Tour : la vanité Babel
Pour le projet du Nouvel Opéra d'Oslo, Vasconi mélange les genres en rapprochant une énorme lentille (voir Paul Andreu et son Opéra de Pékin), des espaces festifs capotés à la Jean Nouvel et une fabrique totalement Vasconienne... Foin de scrupule, autant prendre ce qu'il y a de meilleur chez chacun !
Du côté parisien, l'hôtel projeté à la Défense est proche de la schizophrénie. En effet, vue d'en bas, le soubassement est dans la ligne de l'architecte, mais plus on s'élève et plus on arrive à une image "corporate". Est-ce le cri d'un architecte qui renie son propre vocabulaire pour aspirer à des commandes plus prestigieuses mais bien plus contrôlées ? Elle reste pourtant son oeuvre la plus "léchée".
Comme en signe de clin d'oeil, Vasconi referme son exposition comme il l'avait commencé, par deux tours, une à La Défense et l'autre à Munich. Reconnaître Vasconi dans ces deux tours qui jouent sur le vocabulaire de la spirale est chose difficile. Entre la ziggourat, la Tour Sans Fin et le Guggenheim de Wright, serait-ce la tour de Babel de Vasconi ? A force de vouloir s'élever, Dieu lui aurait-il donné plusieurs langages afin qu'il ne monte pas trop haut mais qu'il se disperse dans une production plus horizontale ? Par sa maîtrise formelle des différents formalismes, Claude Vasconi, ne serait-il pas en train de perdre ses propres convictions et sa propre image ? La période mythique de Vasconi se termine, un constructeur est né !
Entre Icare, Minos et le Minotaure
L'Onde, puisque c'est comme cela qu'il faut l'appeler, est issu d'une volonté politique forte. Pour recoudre les trois parties de cette ville fabriquée, le centre culturel doit devenir à terme un centre ville et une installation qui contaminera son environnement. Pour preuve, la façade noble, l'onde en tant que telle (façade ondoyante) est orientée vers une sorte de chaos urbain, alors que l'entrée et l'arrivée en voiture se fait par l'arrière, comme par une porte dérobée. Mais, Vasconi n'en est pas à un paradoxe près. C'est ce qui fait certainement sa richesse. Sans signalétique, c'est un vrai labyrinthe. Comme pour l'exposition qui lui est consacré actuellement dans la grande salle du batiment. Vasconi se rêve-t-il en Minos ? En Icare aux ailes brûlés ? Ou engendre-t-il un Minotaure ?
L'exposition qui s'ouvre "ne se veut pas rétrospective, car je ne suis pas encore mort", explique l'architecte qui fait doucement comprendre qu'il va falloir encore compter pas mal sur lui dans le milieu professionnel. Entre concours perdus, primés ou en cours, le visiteur sera un peu dérouté pour s'y retrouver, faute d'indication. Mais les panneaux de présentation des projets, sobres, font appel en grande largeur à la photographie. Comme une légende à ses images synthétiques, de petits textes tentent de signifier l'enjeu, avec en bas de chaque panneau, comme une signature, le nom de la maîtrise d'ouvrage. Cela rappelle sans grand mal, le dispositif utilisé par Jean Nouvel lors de rétrospective au centre Pompidou.
Tabula rasa contre contexte nada
En faisant le tour des projets mis en valeur par Vasconi lui-même, on découvre un homme talentueux, avec un vocabulaire affirmé et qui sait très bien s'entourer. En revanche, dans son désir irrémédiable d'accéder à la commande, on décèle chez lui un petit côté flagorneur, signe d'un compromis, légèrement honteux, avec ses maîtres d'ouvrage. Tout commence, en "number one", par une tour, symbole même de la puissance créatrice d'un architecte, celle de Lilleurope. Tout comme le palais de Justice de Grenoble, la tour vient s'inscrire dans un site entièrement fondateur de nouvelle urbanité, comme pour signifier l'adage moderno, non plus de la Tabula Rasa, mais du contexte nada.
A l'inverse avec le projet de Hallen Am à Berlin, Vasconi met en place une expression de réhabilitation forte d'un site industriel. Retour à l'idéalisme fonctionnaliste, le radôme du grand ballon des Vosges redessine le paysage environnant, façon fortification de Vauban en proposant à l'architecte la plus belle commande qui soit pour un architecte. Dans la solitude herbeuse de ces vallons, la sphère et la rampe rappellent les cadrans solaires de l'observatoire de Jaipur.
Peut-être le projet le plus spirituel de Vasconi. A Rouen, Vasconi expérimente l'imaginaire pop du streaming des années 50 en proposant une usine de revalorisation des déchets carénée comme une navette spatiale.
Spirit of Ecstasy : l'alliance du mécano et de l'aristo
En référence à la marque anglaise de la belle époque, l'architecte métamorphose la ville de Turin en véhicule de luxe façon Silver Ghost. Il dote la ville d'un bouchon de radiateur façon Spirit of Ecstasy, et l'hôtel de région devient la vaste calandre d'une automobile d'une ville pourtant dédiée à Fiat. Peut-être la plus belle expression symbolique que pouvait rêver le potentat local qui se retrouve allégorisé en victoire de Samothrace revisitée. Pour la petite histoire, la version agenouillée de la Flying Lady, qui paraît avoir inspiré le bâtiment, indique, dans le jargon automobile, que la Rolls Royce est conduite, non par un chauffeur, mais par son propriétaire même. On ne peut faire métaphore plus frappante de la transparence politique !
Tour : la vanité Babel
Pour le projet du Nouvel Opéra d'Oslo, Vasconi mélange les genres en rapprochant une énorme lentille (voir Paul Andreu et son Opéra de Pékin), des espaces festifs capotés à la Jean Nouvel et une fabrique totalement Vasconienne... Foin de scrupule, autant prendre ce qu'il y a de meilleur chez chacun !
Du côté parisien, l'hôtel projeté à la Défense est proche de la schizophrénie. En effet, vue d'en bas, le soubassement est dans la ligne de l'architecte, mais plus on s'élève et plus on arrive à une image "corporate". Est-ce le cri d'un architecte qui renie son propre vocabulaire pour aspirer à des commandes plus prestigieuses mais bien plus contrôlées ? Elle reste pourtant son oeuvre la plus "léchée".
Comme en signe de clin d'oeil, Vasconi referme son exposition comme il l'avait commencé, par deux tours, une à La Défense et l'autre à Munich. Reconnaître Vasconi dans ces deux tours qui jouent sur le vocabulaire de la spirale est chose difficile. Entre la ziggourat, la Tour Sans Fin et le Guggenheim de Wright, serait-ce la tour de Babel de Vasconi ? A force de vouloir s'élever, Dieu lui aurait-il donné plusieurs langages afin qu'il ne monte pas trop haut mais qu'il se disperse dans une production plus horizontale ? Par sa maîtrise formelle des différents formalismes, Claude Vasconi, ne serait-il pas en train de perdre ses propres convictions et sa propre image ? La période mythique de Vasconi se termine, un constructeur est né !