ANNONCE. Devant la Convention citoyenne pour le climat (CCC), le président de la République vient d'écarter, pour le moment, l'introduction d'une obligation de travaux de rénovation énergétique. Il rouvre la piste du tiers-financement.
Devant la Convention citoyenne pour le climat (CCC), Emmanuel Macron a écarté l'idée d'introduire dans le futur projet de loi découlant de ses propositions une obligation de travaux de rénovation énergétique globale, notamment en maison individuelle. Les citoyens avaient pourtant proposé, en juin dernier, d'instaurer une série d'obligations de rénovations énergétiques globales des logements d'ici à 2040, date à laquelle l'ensemble du parc aurait dû répondre aux exigences d'une étiquette A ou B de l'actuel diagnostic de performance énergétique (DPE). Comme moyen de pression, la CCC prévoyait d'instaurer des obligations de travaux au moment des mutations, ou d'instaurer un système de malus sur la taxe foncière. Le président de la République a clairement repoussé cette idée, du moins pour l'instant. Selon lui, elle ferait porter la contrainte sur chaque ménage, or "certains ont les moyens, d'autres non". Assurant par ailleurs que le coût d'une rénovation globale (permettant d'arriver à un niveau BBC) était de "50 à 60.000 euros", il estime qu'une telle mesure réduirait de manière très importante la "capacité à avoir une chance de vendre sa maison individuelle" (et cela, que l'obligation porte sur le propriétaire actuel ou sur le futur propriétaire). C'est ainsi à un blocage du marché que l'obligation de rénovation globale mènerait, selon le chef de l'État. Il rejoint ainsi les conclusions des organisations patronales du secteur du Bâtiment.
Le retour de la piste du tiers-financement
Que propose Emmanuel Macron, avant d'en arriver, éventuellement, à des solutions plus radicales ? Il a remis sur la table l'idée de faire appel à des tiers-financeurs. Un travail de trois mois sera ainsi lancé, dans le cadre des débats sur le projet de loi CCC, début 2021, pour parvenir à un accord permettant à des tiers-financeurs tels que la Caisse des dépôts, les réseaux bancaires et d'assurance, les acteurs de l'énergie, de participer au financement des rénovations globales de toutes les passoires thermiques d'ici à 2030. Ces tiers-financeurs financeraient en partie et porteraient ces opérations, y compris s'il y a changement de propriétaire du bien en cours de route. "Les remboursements seraient égaux à l'économie d'énergie réalisée", a précisé le Président, évoquant probablement les gains sur la facture post-rénovation. "Nous devons penser ce mécanisme avant d'aller vers des mesures coercitives", a assuré Emmanuel Macron. Si une solution "innovante" n'était pas trouvée début 2021, le Président s'engage à instaurer une clause de revoyure avec la CCC. "On vous doit un retour" à ce sujet, a-t-il conclu.
La ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a reconnu que cette idée de tiers-financeur était dans les cartons depuis "vingt ans", mais a souligné le fait qu'une solution pourrait enfin être trouvée dans les trois mois. Engager les banques dans ce processus de tiers-financeur, pour des ménages à faible revenu, est quoi qu'il en soit un objectif ambitieux dans la mesure où elles se sont toujours montrées frileuses, par exemple, à proposer des éco-PTZ auprès de ce type de public.
Le Président a aussi assuré qu'il voulait pérenniser les crédits de MaPrimeRénov et maintenir la puissance du dispositif des certificats d'économie d'énergie au-delà du plan de relance (donc après 2022). Et a salué l'idée d'un guichet unique, poussé par la convention, qui sera reprise dans le projet de loi qui découlera des propositions de la CCC - ce guichet unique correspond aux services d'accompagnement pour la rénovation énergétique (Sare), financés par les certificats d'économie d'énergie, en cours de déploiement. "Nous avons commencé à le mettre en place, et nous irons au bout", a assuré Emmanuel Macron. Le Gouvernement reprendra aussi l'idée d'interdiction de location des passoires thermiques, "mesure révolutionnaire" pour le chef de l'État. "Nous allons faire peser sur les propriétaires bailleurs des conditions pour qu'ils puissent continuer à louer." Il est toutefois à noter que cela n'est pas à proprement parler nouveau, puisque la loi énergie-climat votée en 2019 prévoyait déjà, d'ici 2028, à ce que la loi inscrive "une obligation de travaux dans les passoires thermiques avec un objectif d'atteindre la classe E".
"Je serais déjà très content si on faisait pour 4,5 milliards d'euros de travaux de rénovation"
Le Gouvernement ne souhaite donc pas aller dans le sens de l'obligation, mais plutôt à "embarquer les gens", selon l'expression d'Emmanuel Macron. Tancé par un citoyen qui demandait à ce que 22 milliards d'euros par an soient mis sur la table pour assurer le bon niveau de rénovation énergétique, Emmanuel Macron a répondu qu'il ne pensait pas que les entreprises et artisans du bâtiment qualifiés seraient assez nombreux pour réaliser la quantité correspondante de travaux - il a aussi rappelé la présence d'éco-délinquants ("chasseurs de primes") qui pourraient profiter de ces aides. "Je serais déjà très content si on faisait pour 4,5 milliards d'euros" de travaux de rénovation, a-t-il répliqué. Ces 4,5 milliards correspondent à l'addition des crédit de MaPrimeRénov pour France relance (2 milliards sur 2021 et 2022) et à une évaluation des certificats d'économies d'énergie (2,5 milliards). Enfin, le Président a également assuré que la réglementation environnementale 2020, qui entrera en vigueur en juillet 2021, correspondait aux demandes de la convention citoyenne, sous-entendant que la radicalité de leurs propositions de juin 2020 sur la rénovation et le bas-carbone avaient encouragé l'État à aller encore plus loin sur le neuf. Ce qui pourrait expliquer, ainsi, les annonces récentes sur la fin du gaz en maison individuelle neuve dès 2021, ou la place importante accordée aux biosourcés.
Passoires thermiques : qu'avait vraiment promis Emmanuel Macron candidat en 2017 ?
Questionné par un citoyen de la CCC sur son engagement, en 2017 en tant que candidat, d'éradiquer l'ensemble des passoires thermiques, le président de la République a répondu qu'il s'était engagé uniquement, à l'époque, sur la rénovation des bâtiments publics. Après vérification, cette réponse n'est pas correcte : interrogé dans les colonnes de Batiactu avant la présidentielle, Emmanuel Macron s'était en effet engagé à lancer "un vaste plan de rénovation des logements", de manière à supprimer "les passoires énergétiques des propriétaires les plus précaires en 10 ans". L'objectif était d'en avoir rénové la moitié "dès 2022". Pour rappel, on comptabilise un peu moins de 5 millions de passoires thermiques en France.