PASSOIRES THERMIQUES. Un amendement prévoyant l'entrée en vigueur d'une forme d'obligation de travaux de rénovation énergétique est soutenu par le réseau pour la transition énergétique (Cler). Pourtant, l'idée est loin de faire l'unanimité. Explications.

Un amendement au projet de loi Energie vient proposer de retirer les "passoires thermiques" (logements classés F et G en DPE) du marché locatif. Une idée appréciée par le Cler, réseau pour la transition énergétique, qui a réagi par communiqué de presse. "En France, 3,1 millions de logements mis en location (soit 47% du parc locatif privé) sont des passoires énergétiques correspondant aux étiquettes énergétiques F ou G", rappelle tout d'abord l'organisation. Tout en liant cette donnée à celles de l'observatoire Clameur, pour qui "l'effort d'amélioration et d'entretien des logements (les relocations après travaux) a reculé en 2018, pour s'établir à 13,3%, le plus bas niveau que Clameur a observé depuis 1998". D'où l'idée de mettre la pression sur les propriétaires pour effectuer les travaux.

 

Obligation ou incitation ?

 

L'idée d'obligation est toutefois loin de faire l'unanimité, notamment du côté des entreprises - qui aurait pourtant, à première vue, tout à y gagner. "Quand on parle d'obligation, c'est que l'on ne se donne pas les moyens de l'incitation", nous expliquait récemment Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment (FFB). "Il nous faut donner aux Français les moyens de faire des travaux !" De son côté, le président de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), Patrick Liébus, affirmait récemment : "Si l'on instaure ce procédé d'obligation, connaissant les Français, ils feront tout pour le contourner ! Introduire une contrainte signifierait par ailleurs que l'on supprimerait probablement les aides incitatives, puisque pourquoi maintenir de l'incitatif s'il y a une obligation ?"

 

Le président du CSTB, Étienne Crépon, a également eu l'occasion de faire connaître son point de vue sur le sujet. Sans s'exprimer pour ou contre l'idée, il a prévenu qu'un tel dispositif serait "horriblement compliqué" à imaginer. "J'ai eu à travailler sur cette question dans une vie antérieure. Et je ne sais pas aujourd'hui de quelle manière pourrait-on fixer cela au plan national compte tenu de la diversité des bâtiments, des usages..."

 

 

De son côté, Matthieu Paillot, président de Teksial, délégataire dans les certificats d'économie d'énergie (CEE), s'inquiète de possibles effets pervers de la mesure. "Je mets un point de vigilance majeur : d'après une étude réalisée par l'Agence nationale de l'information pour le logement il y a quelques années, la plupart des propriétaires sont de petits propriétaires, souvent des retraités qui n'étaient pas éligibles aux caisses de retraite et se sont constitué un patrimoine", explique-t-il à Batiactu. "Ils sont souvent situés dans des petites villes, des communes rurales... Et pour ce qui est des grandes villes, où les logements vacants sont de plus en plus nombreux, si l'on taxe encore davantage, on risque de réduire le parc, d'augmenter encore la vacance et tendre le marché locatif." Matthieu Paillot milite plutôt pour l'encouragement à proposer des offres uniques, clé en main, où l'opérateur ne fait régler au client que le reste à charge (une fois les aides déduites par ses soins). "Il faudrait également que le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) soit ouvert aux propriétaires bailleurs, comme l'était à l'époque le crédit d'impôt pour le développement durable (CIDD)", continue Matthieu Paillot.

 

Les exemples du Cler

 

Certains de ces contre-arguments ne sont pas valables, selon le Cler, qui connaît ces critiques. "Plusieurs exemples montrent que l'augmentation des critères minimums de confort imposés par la loi n'ont pas empêché le marché locatif de se développer par le passé : en 1984 par exemple, 15% des logements ne disposaient pas du confort sanitaire de base", avance l'organisme. "En trente ans, ce taux a été réduit à moins de 1% (selon l'Insee, en 2015, la quasi-totalité des logements métropolitains disposent désormais d'eau chaude, de WC intérieurs et d'une installation sanitaire). Cette évolution importante et pouvant parfois nécessiter des investissements significatifs pour faire des travaux n'a pas eu d'impact sur le marché locatif, et a permis à plusieurs millions de ménages de bénéficier d'une augmentation de leur confort de base."

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