ETAT DES LIEUX. Six mois après l'entrée en vigueur de l'obligation de reprise des déchets issus du bâtiment par les négoces, la FNBM fait le point sur l'implication de ses adhérents. Une très large majorité se dit concernée mais très peu de sites disposent, à ce jour, d'une solution de reprise en propre. Les distributeurs de matériaux invoquent de nombreuses difficultés.
Depuis le 1er janvier 2017, les négoces ont l'obligation de reprendre les déchets issus de chantiers du bâtiment. Une décision vécue comme arbitraire par ces professionnels qui avancent de nombreuses explications pour une certaine lenteur à l'allumage. Selon les chiffres d'une enquête menée par la Fédération du Négoce de Bois et des Matériaux de construction (FNBM) auprès de ses 1.200 adhérents seuls 300 points de vente sur 3.000 disposeraient à ce jour d'une solution de reprise sur place, soit 13 % des répondants.
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Pas les moyens, pas la place, pas compris…
Ce qui impliquerait que les 87 % restant ont nécessairement passé un accord avec une déchetterie, publique ou privée, située dans un rayon de 10 km alentours. Pourtant, seuls 274 adhérents de la FNBM ont adopté le modèle de conventionnement proposé par la fédération, soit 23 % du total. Les autres (65 %) éprouvent donc des difficultés à se mettre en conformité avec l'obligation de reprise. Ils évoquent tout d'abord l'insuffisance de leurs ressources financières, l'absence de déchetterie à proximité ou l'absence de foncier disponible pour y installer les bennes de récupération. Dans un second temps, les négoces invoquent également une méconnaissance des textes, le refus de certaines déchetteries de reprendre les matériaux issus des chantiers ou enfin une interdiction de le faire, liée au PLU/POS.
Carl Enckell, avocat spécialisé en droit de l'environnement, précise : "Organiser la reprise n'est pas reprendre les déchets, nuance. Il faut jouer les intermédiaires pour faire se rencontrer les négoces et le monde du déchet. Il en va de l'intérêt général". Une démarche qui doit également se faire en lien avec les collectivités dans le cadre des plans de prévention et de gestion des déchets de chantier du bâtiment. Car les gisements sont très importants : en excluant les travaux publics, dont les volumes sont sans commune mesure, il est estimé que le bâtiment seul génère environ 40 millions de tonnes de déchets par an. Une quantité qui impose d'établir un réseau de collecte très dense ou de trouver des solutions de valorisation en amont, notamment par la collecte sur les chantiers dans des "big bags", tout en tentant de réduire les volumes par des phases d'études plus poussées. Denis Michel, membre de la commission Environnement à la Fédération française du bâtiment, révèle : "La filière du bâtiment à de grosses difficultés à gérer ses déchets. Trouver un exutoire supplémentaire grâce aux négoces est une bonne chose".
Un besoin de dialogue et d'accompagnement
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Cependant, la gestion des déchets est une affaire de professionnels, comme le souligne Jean-Marie Lane, président de la commission Environnement, Hygiène & Sécurité à la FNBM : "C'est un métier, qui n'est pas celui des négociants. Des prestataires doivent donc nous aider dans la formation des personnels, dans les aspects administratifs (autorisations, etc.) et dans les financements". Les savoir-faire existent déjà, comme le prouvent certaines filières de valorisation spécifiques, liées au béton, au bois ou au plâtre. "Le défi est de construire une offre car il y a des questions de rentabilité qui entrent en jeu", soutient Florence Collot, directrice déléguée de Praxy, un réseau d'entreprises spécialisées dans le recyclage. Il serait même possible de faire des contraintes des opportunités commerciales, comme l'avance Nicolas Garnier, délégué général de l'association Amorce, qui évoque l'émission de bons d'achats ou de réductions pour les clients qui amènent leurs déchets de chantiers dans les négoces volontaires. Pour Jean-Yves Burgy, du cabinet Recovering, la situation est simple : "Il faut faire ce qui doit être fait. Le panel des possibilités est assez large avec la solution de conventionnement de partenaires privés", répond-il. Il reconnaît le besoin d'accompagnement par une tierce-partie, non impliquée dans le recyclage, et estime que le ticket d'entrée reste relativement peu exigeant : "Avec deux bennes et un accès contrôlé, la facture est de 10.000 €", assure-t-il.
Concernant les accords passés avec des déchetteries voisines, financés par les négoces ne disposant pas des surfaces nécessaires à la collecte des matériaux, Hervé Biancarelli, président de la commission Economique de la FNBM, monte au créneau : "Le critère des 10 km pour tous n'est pas pertinent en Creuse ou en Lozère, où 30 km seraient suffisants, alors qu'en Île-de-France, 3 km seraient nécessaires compte tenu de la densité de population". Il plaide donc, avec de nombreux adhérents de la fédération, pour une évolution du dispositif, solution que n'écartent pas les représentants de la Direction générale de la prévention des risques au ministère de la Transition écologique et solidaire. Nicolas Garnier reprend : "Personne ne conteste l'importance du sujet, ni les difficultés. Mais le PLU n'est pas nécessairement bloquant : il faut réunir les acteurs des territoires. Le rayon de 10 km ne sera pas forcément strict mais laissé à l'appréciation des préfets". Le délégué général d'Amorce est toutefois critique envers les négoces qui n'ont, selon lui, pas encore fait leur travail pour satisfaire à l'obligation. Et Carl Enckell, avocat, rappelle que les contrevenants s'exposent à des sanctions pénales avec un maximum de 2 ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende. Des peines qui ne devraient toutefois pas atteindre ces sommets, d'autant que les contrôles ne sont pas encore menés. Il n'en reste pas moins que la tendance doit bien aller vers le tri et le recyclage et que les négoces, par leur nombre et la densité de leur maillage, peuvent répondre à cette problématique.