ASSISES DU LOGEMENT. Le numérique entre progressivement dans nos bâtiments et nos logements. Mais quelle place faut-il lui attribuer ? Pour des acteurs de la construction et de l'habitat, il faudra privilégier le numérique en tant qu'outil et non le réduire à un gadget "serviciel". Avant d'atteindre ce postulat, il reste bien des chantiers pour mettre tout le monde d'accord, notamment celui de la donnée.
La révolution du numérique, de la conception d'un bâtiment à la gestion d'un logement, semble inéluctable. Pourtant, le champ d'interrogations reste vaste, et laisse craindre à certaines parties prenantes que la charrue ne soit mise avant les bœufs. Au sein de l'association Smart Building Alliance (SBA), on réfléchit déjà à la manière dont le numérique pourra abattre les cloisons de l'habitat classique.
"Nous n'avons pas encore compris qu'avec Internet, on pourra partager et attribuer des espaces en temps réel. Il faut absolument avoir ça en tête quand on sait qu'un bâtiment est utilisé 30% de son temps", rappelle Emmanuel François, président de SBA. Avant un tel pilotage des espaces, "le prérequis sera d'avoir des infrastructures numériques et de la confiance", soulève-t-il.
A l'heure où l'étalement urbain se fait de plus en plus d'ennemis, la mutualisation des espaces sera potentiellement l'une des clés. Les services qui rendront possible cette optimisation soulèvent toutefois des inquiétudes. Pour Emmanuelle Durandau, secrétaire permanente adjointe au Plan urbanisme construction architecture (Puca), il faudra différencier les innovations "susceptibles de bouleverser des usages" et "les solutions gadgets".
Le numérique comme "facilitateur" du jeu d'acteurs
Un risque contre lequel Marianne Louis alerte également. Pour se prémunir d'une nouvelle fracture territoriale qui se creuserait entre les logements "dits classiques" et ceux "dits serviciels", la directrice générale de l'Union sociale pour l'habitat (USH) appelle à ne pas oublier que l'innovation "doit rester sous l'angle du service rendu au locataire".
Un autre risque, encore plus grand selon elle, est celui du partage de la donnée, depuis l'un des lieux les plus intimes pour les individus, le logement. "Jusqu'à maintenant, l'individu avait le sentiment qu'une fois chez lui, en évitant d'allumer sa télé ou sa radio, il ne serait plus soumis à la publicité. Quand on est dans un flux de données, se pose la question de la sécurisation et de l'exploitation faîte des données individuelles", alerte-t-elle.
"On va déjà vers un changement fondamental de paradigme, poussé par de nouveaux modèles économiques", lance le président de SBA, pour qui la priorité doit aller vers "les infrastructures numériques, la sécurisation des données, du bâtiment et de la ville connectés".
Avant qu'un tel scénario se confirme ou s'infirme, le numérique pourrait déjà être exploité dans l'acte de construire et le jeu d'acteurs gravitant autour. "Il faut que le numérique soit un facilitateur dans toutes ces manières de communiquer entre nous pour mieux faire", plaide Christine Leconte, présidente du Conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France. Avis partagé par Dominique Sutra del Galy , président de Cinov, pour qui "le numérique doit changer les méthodes collaboratives pour arriver à travailler mieux".