Catherine Jacquot, présidente du Conseil national de l'ordre des architectes (Cnoa), revient en cette rentrée sur les différents thèmes qui ont ébranlé le secteur de l'architecture ces derniers mois : marchés globaux, affichage tarifaire et difficultés économiques de la profession. Interview.

Batiactu : La loi Macron, et plus particulièrement l'ordonnance sur les marchés publics, a secoué ces derniers mois le secteur de l'architecture, où en est-on ?

 

Catherine Jacquot : La transposition de l'ordonnance des marchés publics par le ministère de l'Economie présentait de nombreux enjeux. A l'origine, cette ordonnance ne reconnaissait pas les marchés publics de maîtrise d'œuvre comme des procédures spécifiques. Après six mois de lutte acharnée, nous avons obtenu gain de cause : le concours d'architecture reste la procédure obligatoire au dessus des seuils européens, les procédures adaptées (MAPA) gardent leurs définitions spécifiques de marchés de maitrise d'œuvre, les marchés de conception réalisation ont réintégré la loi MOP et un seuil plancher a été fixé pour la passation des marchés en partenariat public-privé (PPP). En revanche, nous restons inquiets sur les marchés globaux. Les marchés publics de conception-réalisation-entretien-maintenance (Crem) baptisés dans la loi "contrats de performance" ne sont plus encadrés par la loi MOP qui garantit une maitrise d'œuvre identifiée, une mission de performance énergétique. Une contrainte forte : beaucoup de bâtiments annoncés comme passifs, économes… n'atteignent pas à l'usage les résultats escomptés, qui auraient besoin d'une maitrise d'œuvre forte.

Batiactu : Que vous font craindre ces contrats de performance ?

Catherine Jacquot : Ils représentent surtout un marché global supplémentaire. Ce type de contrat n'offre pas toute la latitude pour innover : le fait d'associer une entreprise dès le début de la conception, c'est un frein à l'innovation et donc un frein à la performance. De plus, cela limite le champ concurrentiel, qui se restreint bien souvent aux grands groupes.

Batiactu : Que souhaitez-vous ?

Catherine Jacquot : Nous souhaitons participer activement à l'amélioration du bilan énergétique des bâtiments neufs ou existants ainsi qu'à la diminution significative des émissions de gaz carbonique. C'est une priorité pour les architectes et la maitrise d'œuvre. Ce challenge ne peut être gagné que si tous les acteurs du bâtiment, chacun à leur niveau ont les coudées franches pour innover donc pour le moins, sur l'ensemble de ces contrats globaux, nous voudrions que la conception soit un lot indépendant de l'entreprise et qu'elle soit accomplie par une maîtrise d'œuvre indépendante. Réintégrons les contrats de performance dans la loi Mop et encadrons dans tous ces contrats les missions de la maitrise d'œuvre pour que la conception des projets puisse être réellement autonome par rapport aux intérêts économiques à court terme. Aujourd'hui, l'ordonnance est promulguée, nous sommes dans l'attente des décrets, sur lesquels nous pourrons faire des propositions de rédaction.

 

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