Lafarge vient de publier d'excellents résultats 2006. Retour sur cette année écoulée et focus sur les perspectives de développement du groupe avec Bruno Lafont, directeur général du groupe depuis un an. Interview.

Batiactu : Vous venez de publier un chiffre d'affaires en hausse de 16,6% à 16,9 Md' et un bénéfice net part du groupe en hausse de 25% en 2006 à 1,372 Md', comment expliquez-vous cette progression ?
Bruno Lafont : En effet, nous avons des motifs de satisfaction pour l'année qui vient de s'écouler. Sur toute l'année et dans toutes nos activités, nous avons enregistré des résultats en progression, avec une croissance organique soutenue. Ces bons résultats se sont poursuivis au quatrième trimestre, qui se comparait pourtant à un niveau d'activité particulièrement élevé au quatrième trimestre 2005. Ces excellents résultats sont le premier reflet de la mise en oeuvre du plan stratégique Excellence 2008 lancé en juin 2006, et démontrent la qualité de notre portefeuille d'activités et tout le potentiel du Groupe.

Batiactu : Un an après votre nomination au poste du directeur général, quel bilan tirez-vous de l'année écoulée et du plan stratégique Excellence 2008?
B.L. : Derrière les bons chiffres que nous venons d'annoncer, il y a une nouvelle réalité du Groupe, une nouvelle identité, vers laquelle nous avançons, en grande partie grâce au talent de tous nos collaborateurs. Pour y parvenir, nous avons engagé des actions spécifiques tout au long de l'année 2006. Nous avons mis l'accent sur la sécurité de nos collaborateurs, qui est la priorité numéro 1 du Groupe. Le plan stratégique Excellence 2008 a été lancé pour être durablement le meilleur du secteur, avec des orientations claires. Dans le cadre de ce plan, nous avons clarifié notre stratégie, centrée en priorité sur le ciment dans les marchés en forte croissance, et sur l'innovation, notamment dans le béton. Nous avons simplifié notre organisation, nous avons racheté les intérêts minoritaires de Lafarge North America et cédé notre activité Toiture. Nous avons simplifié nos processus, accéléré les prises de décisions, et responsabilisé davantage nos managers pour mobiliser tous nos collaborateurs autour d'une culture de résultats. Nous avons lancé un programme ambitieux de réduction de nos coûts. Nous avons accéléré notre programme de développement interne pour tirer le plein parti du potentiel du Groupe. Et enfin, nous avons choisi des indicateurs clairs pour mesurer notre performance : bénéfice net par action et retour sur capitaux engagés. Nous sommes en train d'amorcer notre transformation en un Groupe plus focalisé, plus clair, et donc plus réactif.

Batiactu : Vous affirmez avoir accru la maîtrise des coûts en 2006, de combien les avez-vous réduits et de quelle manière ?
B.L. : Nous avons lancé ce programme de réduction de coûts en juin 2006. Nous avons d'abord identifié les zones de réduction de coûts et, ensuite, le second semestre 2006 a été consacré à la mise en place de plus de 600 plans d'action, lancés dans toutes nos activités. Ces plans d'action font l'objet d'un reporting et d'un suivi mensuel. En 2006, nous recueillons déjà les premiers résultats de cette maîtrise accrue des coûts, avec déjà plus de 10% des réductions prévues enregistrées et visibles dans nos comptes. Ainsi, nos frais généraux sont en baisse en pourcentage de nos ventes, représentant 10,4% des ventes en 2006 contre 11,4% en 2005.
Une partie substantielle des réductions de coûts sera réalisée en 2007 et j?ai confiance dans notre capacité à atteindre notre objectif de 340M ? de réductions de coûts (hors Toiture) d'ici 2008.
Au-delà de cet objectif, l'attention que nous portons à la réduction des coûts a créé une dynamique et une attitude que nous allons entretenir et qui se poursuivra bien au-delà de 2008, car nous voulons conserver sur le long terme la meilleure base de coûts de notre secteur et installer de façon pérenne cette culture de la maîtrise des coûts.

Batiactu : Vous venez de céder l'activité Toiture, quel sera l'impact sur les résultats du groupe ?
B.L. : L'opération vient tout juste d'être finalisée et devrait avoir un effet positif sur notre résultat net par action en 2007.

Batiactu : Lafarge conservera une participation de 35% dans la nouvelle entité, quel est votre intérêt ?
B.L. : Nous avons cherché la meilleure solution pour notre activité Toiture et pour nos actionnaires. La Toiture enregistre une amélioration notable de ses performances en 2006, en ligne avec les objectifs de redressement que nous avons fixés. La participation significative de 35% que nous conservons dans la nouvelle entité traduit notre volonté de rester associé à cette activité et de favoriser son développement, pour tirer parti de ses futurs succès.

Batiactu : Le secteur Granulats & Béton a connu la plus forte hausse, comment expliquez-vous cette hausse ?
B.L. : En effet, cette activité a enregistré des résultats tout à fait remarquables en 2006. Cette bonne performance s'explique par des tendances favorables sur la plupart de nos marchés, accompagnées d'un contrôle strict des coûts et d'une bonne gestion des prix, dans un environnement de forte inflation des coûts. Le rachat des intérêts minoritaires de Lafarge North America a également eu un impact significatif sur les Granulats & Béton, puisque l'Amérique du Nord représente environ 50% de l'activité. Cela a permis d'accélérer la mise en oeuvre d'un plan d'action global pour cette branche. Enfin, plus spécifiquement sur nos activités Béton, soulignons la contribution accrue des produits à valeur ajoutée, avec, à titre d'exemple, les volumes d'Agilia en hausse de 36% sur l'année et ceux d'Artevia, nos bétons décoratifs, en hausse de 35%. Je salue ce succès, qui reflète l'intérêt croissant que portent nos clients à ces produits qui créent de la valeur pour leur activité.

Batiactu : Sur quelles branches souhaitez-vous mettre l'accent en 2007 ?
B.L. : Toutes nos branches évidemment. Dans le cadre d'Excellence 2008, nous avons dit que le vecteur principal de notre croissance serait le Ciment, en priorité dans les marchés en forte croissance, avant tout par croissance interne avec la construction de nouvelles capacités. Nous avons annoncé un programme de développement interne sans précédent pour le Groupe, de 40 millions de tonnes de capacités supplémentaires dans les quatre années qui viennent, essentiellement dans les marchés en croissance. Mais nous poursuivrons également notre développement dans les Granulats, où des acquisitions ciblées nous ont permis d'augmenter nos capacités de 33 millions de tonnes dans les trois dernières années, et nous continuerons à investir dans notre activité Plâtre pour accompagner l'évolution de nos marchés. Excellence 2008 met également l'accent sur l'innovation, surtout dans le béton et dans le plâtre. J?ai déjà évoqué la contribution de plus en plus importante de nos produits à valeur ajoutée, Agilia et Artevia. Sachez que notre portefeuille de nouveaux produits dans le Béton va s'enrichir en 2007 avec le lancement de deux produits innovants : Extensia, un béton qui permet de réaliser des grandes surfaces sans fissures, et Chronolia, un béton à prise rapide. Ces deux innovations majeures sont le résultat de nombreuses années de recherche et de développement et nous en sommes fiers, car elles créent de la valeur pour nos clients comme pour nous.

Batiactu : Vous avez quasiment triplé vos investissements entre 2006 et 2005, quel était l'objectif ? Et quel est le montant des investissements prévu en 2007 ?
B.L. : C'est surtout le rachat des minoritaires de Lafarge North America pour 2,8 milliards d'euros qui explique cette différence en 2006. Mais au-delà de cette acquisition, nous avons également investi 978 millions d'euros dans l'entretien et la modernisation de nos installations existantes, et 549 millions d'euros dans la construction de nouvelles capacités, un chiffre en progression de plus de 50% par rapport à l'an passé. En 2006, nous avons inauguré 6 millions de tonnes de nouvelles capacités dans le Ciment au Bangladesh, en Chine, au Maroc, au Mexique et au Vietnam. Nous avons également modernisé notre usine de plaques de plâtre de Buchanan près de New York, et doublé la capacité de notre usine de plaques de plâtre de Silver Grove aux Etats-Unis. En 2007, nous allons poursuivre notre programme de croissance interne, avec la construction de nouvelles capacités de production, essentiellement dans les marchés en croissance. Ces investissements représenteront plus d'1 Md' en 2007 et se rajouteront à 1 Md' d'investissements de maintien et de modernisation de notre outil industriel permettant notamment de réduire nos coûts.

Batiactu : Quels sont les effets de l'acquisition des intérêts minoritaires de Lafarge North America ?
B.L. : Comme prévu, le rachat des minoritaires de Lafarge North America a eu un impact positif sur notre résultat net par action en 2006. C'est également une splendide réussite en termes d'organisation, de mobilisation sur les résultats et de réduction des coûts, qui démontre tout le potentiel que nous possédons. L'alignement de l'organisation managériale par métiers s'est fait très rapidement, avec le raccourcissement des lignes hiérarchiques. Cela a eu un impact favorable sur la standardisation des systèmes du Groupe et, comme je l'ai évoqué tout à l'heure, a permis à notre activité Granulats & Béton d'accélérer la mise en oeuvre d'un plan d'action global, avec des ambitions revues à la hausse. Au total, cet alignement de nos opérations nord-américaines nous a permis et nous permettra de dégager des résultats sur ce marché clé.

Batiactu : La majorité des investissements en 2006 concerne de nouvelles capacités cimentières à l'international ? Pourquoi l'étranger ?
B.L. : Le programme de construction de 40 millions de tonnes de capacités supplémentaires entre 2006 et 2010 dans le Ciment traduit clairement notre volonté de capter toute la croissance que nous procure notre présence dans les marchés à fort potentiel. Mais, nous investissons également en Europe. En France, nous avons investi 260 M' environ en 2006, notamment dans des investissements de modernisation et dans la construction de nouvelles capacités de broyage. Une partie de ces investissements est aussi consacrée à des installations qui nous permettront de tenir nos objectifs de réduction de nos émissions de CO2, pris dans le cadre de notre partenariat avec WWF. Bien entendu, nos investissements en Europe sont à la mesure de l'évolution du marché européen de la construction, qui présente un potentiel de croissance moindre comparé à celui des pays émergents.

Batiactu : Vous vous développez fortement en Asie, notamment en Chine et en Inde. Quel est le potentiel de ces régions ? Et Quels y sont vos objectifs de développement et de chiffre d'affaires ?
B.L. : 70% de la croissance mondiale du ciment se trouve dans les pays émergents, où l'on assiste à une croissance démographique et à un phénomène d'urbanisation accéléré. Plus de 25 des 40 plus grandes métropoles du monde sont situées dans les pays émergents, essentiellement en Asie. C'est en pressentant ce phénomène que Lafarge s'est développé en Asie avant tous ses concurrents. Et nous ne sommes sans doute qu'au début de ce mouvement.
Le marché cimentier chinois représente à lui seul la moitié du marché mondial du ciment, avec environ 1 Md de tonnes vendues par an. Le marché indien arrive en deuxième place, avec environ 130 millions de tonnes, soit environ six fois le marché français. Ces marchés, où il reste encore un potentiel de croissance considérable, sont donc prioritaires pour nous. Nous avons développé des positions régionales fortes dans ces deux pays ? dans le sud-ouest de la Chine, et dans l'est de l'Inde. Nous voulons poursuivre notre développement sur ces deux marchés. Nous avons annoncé en 2006 deux projets en Inde ? le doublement de la capacité d'une de nos usines existantes dans l'est du pays et la construction d'une nouvelle usine dans le nord pour porter notre capacité de production de 5,5 millions de tonnes à 12 millions de tonnes environ d'ici 5 ans. En Chine, nous venons d'inaugurer une nouvelle ligne de production dans notre usine de Dujiangyan près de Chengdu et à moyen terme, nous voulons doubler notre capacité de production qui est actuellement de l'ordre de 20 millions de tonnes.

Batiactu : Quelles sont les autres zones du monde où vous souhaitez renforcer votre présence ?
B.L. : Nous avons dit que nous privilégierions les marchés en forte croissance, qui se trouvent en Asie, bien sûr, mais aussi en Europe de l'Est, en Afrique, en Amérique Latine et dans le Bassin méditerranéen. Le Groupe a déjà une forte exposition aux marchés émergents et nous sommes donc véritablement en mesure de capter la croissance de ces marchés en privilégiant les développements internes à partir de nos positions existantes, dans des marchés que nous connaissons, où nous disposons d'une base de clients existante, où nous avons déjà établi une position de leadership, une notoriété de notre marque, une image, et une prime de prix correspondant à la qualité de nos produits et services. Mais nous avons aussi des projets en Amérique du Nord et en France.

Batiactu : Comment envisagez-vous l'année 2007 ?
B.L. : En 2007, nous voulons continuer sur la dynamique de 2006 et même faire mieux. Les perspectives sont bonnes. Sur la base des tendances récentes, nos marchés devraient rester globalement favorables.

Batiactu : Justement, quels sont les grands projets de l'année ?
B.L. : En 2007, nous réduirons nos coûts et nous continuerons à innover pour nos clients avec le lancement de nouveaux produits béton à valeur ajoutée. Nous continuerons à nous développer de façon accélérée, essentiellement par croissance interne, pour suivre la croissance de nos marchés. Et enfin, nous poursuivrons nos efforts en matière de santé et sécurité de nos collaborateurs, car il s'agit de notre priorité numéro 1, le meilleur signe de l'amélioration de la performance globale mais aussi le signe que nos valeurs ont un sens.

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