COMMERCE. Le grand plan de rénovation énergétique des bâtiments est une occasion, pour les négoces de matériaux, de jouer un rôle central, en prodiguant à la fois des conseils et des offres adaptées. Différents acteurs du secteur étaient réunis par la FNBM pour en débattre à l'occasion du 6e Rendez-vous du Négoce.
Quel sera le rôle des négoces dans le vaste plan de rénovation énergétique des bâtiments ? Pour Jacques Pestre, directeur général adjoint de Saint-Gobain Distribution et chef du projet Ville Durable au sein du programme de la Nouvelle France Industrielle, il est clair : "Le négoce et les industriels doivent être à fond derrière ce plan ; 500.000 logements à rénover c'est déjà énorme, mais le gisement potentiel de 7 millions est encore plus considérable pour nos métiers. Avec 5.000 points de vente pour les seuls matériaux en France, nous sommes au cœur des territoires et là partout pour conseiller et orienter les clients poseurs. Le négoce a un rôle fondamental, pourtant souvent oublié, et gratuit ! Il faut en profiter." Il s'exprimait ainsi lors d'une table ronde qui s'est tenue le 21 juin 2018 sur le sujet, lors du sixième Rendez-vous du Négoce, à Paris.
Créer une offre "standardisée" chez les négoces
Le délégué général du Club de l'amélioration de l'habitat, Jean-Pascal Chirat, répond : "Il faut viser large, adopter une démarche globale qui entraînera la rénovation énergétique. Par exemple créer une offre chez les négoces qui soit standardisée, packagée, pour les combles ou le remplacement des chaudières fioul, pour assurer la qualité finale et instaurer une relation de confiance." Une idée qui semble faire l'unanimité chez les participants à cette table ronde organisée par la Fédération des négoces bois matériaux de construction, y compris Jérôme Gatier, directeur général du Plan Bâtiment Durable : "Il faut une offre 'prêt à réagir' pour que lors des travaux de rafraîchissement des logements à l'occasion d'une acquisition d'un bien par exemple, on puisse embarquer la rénovation thermique sans retarder l'emménagement."
Interrogé sur d'éventuelles actions préventives plutôt que d'attendre la nécessité de travaux curatifs, Jean-Pascal Chirat ajoute : "C'est une vraie question pour creuser un gisement dormant de 150.000 logements par an. L'offre doit être argumentée par une action conjuguée des filières. Les négoces seront les lieux de rencontre et d'information des professionnels, en plus des structures publiques qu'il faudra coordonner avec le privé." Pour tous les participants à la table ronde, le négoce jouera donc un rôle crucial d'interface.
"Les négoces sont au cœur de l'écosystème de la rénovation, aux côtés des artisans, pour relayer les informations", Jacques Pestre (Saint-Gobain Distribution)
Reste la question de la formation de tous les acteurs de la chaîne. Jacques Pestre fait valoir : "De très bons produits existent, il faut le faire savoir aux artisans. Les faire monter en compétence est essentiel." Pour lui, les professionnels seraient le plus souvent experts dans leur domaine mais une offre cohérente reposerait sur trois ou quatre solutions différentes. Le dispositif RGE, très critiqué, pourrait, selon lui, évoluer, afin d'intégrer des étoiles récompensant les artisans qui se forment en continu aux innovations. De son côté, Jérôme Gatier ne croit pas aux préconisations globales formulées par des artisans.
Éviter les éco-délinquants
Le représentant de l'Agence nationale de l'Habitat (Anah), Eric Lagandré, souhaite que la lutte contre la précarité énergétique et l'éradication des passoires thermiques soit accompagnée à la fois par des travailleurs sociaux et des techniciens, "pour éviter les éco-délinquants et assurer le gain de 25% de performance". Une couverture totale du territoire nationale nécessitera que toutes les parties travaillent ensemble. Il évoque le dispositif "Habiter mieux Agilité" qui se passe de Diagnostic de performance énergétique (DPE), lui aussi décrié, pour se concentrer sur des travaux dont l'efficacité est prouvée : changement de chaudière, isolation des combles et des murs. Il entrevoit donc que les offres packagées des négoces répondront à ces interventions, notamment via l'isolation thermique par l'extérieur (ITE).
Des progrès sont encore à réaliser, notamment au niveau des connaissances sur les différentes aides disponibles et sur les possibilités de demandes de subventions en ligne, par les artisans ou les négoces. Ce qui fait dire à Jacques Pestre : "Il nous faut des outils digitaux, ne serait-ce que pour s'y retrouver entre les aides nationales et locales, puis pour faire un devis." L'ambition reste cependant très forte pour tous les acteurs de la rénovation, qui vont devoir proposer de nouvelles démarches et des offres adaptées à la demande qui se profile.
Jérôme Gatier a glissé une allusion à la future marque ombrelle de tous les professionnels de la rénovation énergétique, qui doit entrer en vigueur à la rentrée prochaine. Elle se nommera "FAIRE", un acronyme de Faciliter - Accompagner - Informer sur la Rénovation Énergétique. Cette signature, chère à Philippe Pelletier, le président du Plan Bâtiment Durable, fera partie du programme de communication à destination du grand public, programmé pour la fin d'année par l'Ademe. Les messages adopteront des aspects différents de la pure performance thermique ou des économies potentielles sur les consommations, pour mettre en avant le gain de confort été comme hiver et la valeur patrimoniale retrouvée du bien immobilier.