Imaginée par la junte Birmane pour remplacer la capitale Rangoon, Naypyidaw est une ville démesurée, fastueuse, conçue intégralement au milieu de la jungle. La "Demeure du roi" propose aux rares touristes une sensation de ville fantôme et vide. Détails.
C'est l'une des métropoles les plus absurdes au monde. Naypyidaw, la nouvelle capitale de la Birmanie, connaît un étrange paradoxe. D'une superficie de 4.800 km2, soit six fois la taille de New-York, la ville se compose d'autoroutes à 20 voies, de centres commerciaux gigantesques, d'une reproduction de la pagode Uppatasanti, de terrains de golf, de ronds-points ornés de fleurs en béton. Mais les habitants ne courent pas les rues. Officiellement, un million de personnes y vivent. Naypyidaw, qui signifie "Demeure du roi", laisse surtout une sensation de ville fantôme. "Un dimanche après-midi ensoleillé, les rues sont silencieuses, les restaurants et les hôtels sont vides. Cela ressemble à une image terrifiante d'une banlieue américaine après l'apocalypse, comme un film de David Lynch filmé en Corée du Nord", ont pu observer deux journalistes du Guardian lors d'un voyage.
Des travaux en toute discrétion
La ville, fondée en 2005 pour délocaliser l'ancienne capitale Rangoon, a été conçue de toutes pièces par la dictature birmane en plein milieu de la jungle. Elle s'organise autour d'une dizaine de zones aux fonctions bien précises : hôtel, boutiques, marchés ou encore parc à thème.
Le général Khin Nyunt, en charge de la construction, a été motivé par un astrologue qui lui aurait prédit sa chute s'il ne changeait pas de capitale. De manière plus pragmatique, le projet aurait été dicté par le souhait de ne plus se soustraire aux mouvements de contestations de la population de Rangoon.
Sa conception aurait coûté la somme de quatre milliards de dollars alors que le pays dépense à peine 0,4% de son PIB pour la santé de sa population. Le début des travaux aurait même débuté dans les années 90 en toute discrétion. La ville n'avait alors pas de nom. Le 6 novembre 2005, la junte déplaçait ses fonctionnaires vers cette nouvelle métropole sortie de nulle part. La plupart d'entre eux apprenait leur départ la veille.
Dix ans après, Naypyidaw reste une énigme...
Grand Témoin : Anne Démians, architecte élue à l'Académie des beaux-arts
