EUROPE. Alors que la nouvelle commission européenne, présidée par l'allemande Ursula von der Leyen, vient tout juste de prendre ses fonctions, le monde HLM français fonde beaucoup d'espoirs sur la volonté de l'instance supranationale d'élever la question du logement abordable et celle du logement social dans ses actions. Le chantier est colossal, d'autant plus que le Logement ne relève pas des compétences européennes. A l'occasion d'une matinée consacrée au sujet, la Fédération des ESH a dévoilé ses attentes et les tractations qu'elle entend mener pour donner une dimension européenne au logement social, avec les financements ad hoc.
Avec l'entrée en fonction de la nouvelle commission européenne le 1er décembre 2019, s'ouvre la saison du lobbying. Pour les acteurs du logement social français, les tractations auront pour but de faire infléchir la politique européenne en faveur de la production de logement abordable. Il faut dire que depuis la campagne des européennes, les signaux positifs n'ont pas manqué, envoyés tantôt par des commissaires sortants, tantôt par ceux fraîchement entrés en fonction.
"Il y a une prise de conscience politique au plus haut niveau sur le fait qu'il y a une crise du logement dans toutes les métropoles européennes, et qu'il faut investir dans le logement abordable en aidant les Etats-membres en ce sens. Pour nous, c'est un boulevard pour faire des propositions politiques", confie Laurent Ghékière, représentant l'Union sociale pour l'habitat à Bruxelles, à Batiactu.
Le chemin, lui, reste long avant de donner une place à part au logement dans les politiques européennes. Car ce volet n'est pas une compétence de l'instance supranationale, mais se situe plutôt à la confluence d'actions pour un socle européen des droits sociaux ou pour la transition énergétique par exemple. "La question est transversale, et touche plusieurs thématiques qui sont entrain d'être prises à bras le corps, les droits sociaux, la transition énergétique, les modalités de financement et la question de la future politique de cohésion", opine l'eurodéputée Valérie Hayer, du groupe Renew Europe.
Vers un parc locatif social minimal ?
Sur ces politiques qui restent encore à construire, certaines briques ont déjà été posées. Preuve que la commission européenne n'est pas totalement imperméable au sujet du logement social, le co-financement par la Banque européenne d'investissement (BEI) d'une opération de 1.300 logements neufs et 4.200 rénovations pilotée par le réseau Canopée (union de quatre bailleurs), par un prêt de 107 millions d'euros.
Discours de @AdeMontchalin : Via le logement social, c'est la question du modèle économique et social européen que nous voulons construire.
- Fédération des ESH (@FederationESH) December 4, 2019
Actuellement, travaux en cours sur un projet de socle de droits sociaux européens, dont l'accès au logement fait partie pic.twitter.com/wdlfeMRrIU
Mais le monde HLM veut dépasser l'effet Canopée pour insuffler auprès de la commission européenne une politique plus affirmée en faveur de la production de logement social, dans des Etats membres aux politiques hétéroclites. "Pourquoi ne pas aller plus loin ?", s'interroge Daniel Biard, vice-président de la Fédération des Entreprises sociales pour l'habitat (ESH). "Dans les fonds structurels européens, nous pourrions avoir une partie fléchée sur les politiques énergétiques dès lors qu'elles encouragent la production de logements sociaux", propose-t-il.
Financer le logement abordable en Europe, un problème de "tuyauterie"
Sur le Vieux continent, certains Etats comme l'Allemagne travaillent à la reconstruction d'une offre de logement social, après avoir massivement vendu son parc à des foncières au début des années 90, réunification allemande oblige. Un retour en arrière, dans le sens d'un parc locatif social minimum, qui pourrait être poussé par l'Europe sur le plan du financement, en affectant par exemple "une partie de l'épargne populaire au finalement du logement social, ce qui donnerait de la sécurité aux européens en vue d'avoir des ressources stables et longues", ajoute Daniel Biard.
Instiller le modèle français du livret A au reste de l'Europe ? L'idée fait son chemin, ou du moins, questionne l'idée d'une épargne européenne. Pour la secrétaire d'Etat aux affaires européennes, Amélie de Montchalin, le Vieux Continent a bien un problème de "tuyauterie"."Il y a environ 500 milliards d'euros sur les comptes en banques européens, qui ne sont ni consommés, ni investis, et cela doit nous interroger", pose-t-elle.
Il faudra notamment compter sur le "green deal" européen, nouveau pacte qui fixe la feuille de route pour atteindre un objectif de neutralité carbone à l'horizon 2050, et qui renvoie la France à ses propres chantiers en la matière. Piloté par le vice-président néerlandais Frans Timmermans, ce plan prévoit "toute une série de normes, d'analyse des impacts environnementaux des différents investissements, des directives et un fonds d'investissement qui sera un créer en janvier", confie Laurent Ghékière, où le volet logement devrait notamment être traité par le bais de la rénovation thermique.
Alors que Daniel Biard évoquait la question des financements, le gouvernement français doit également redoubler d'efforts sur l'accessibilité du Fonds européen de développement régional (Feder) et du Fonds social européen (FSE): "nous menons un travail pour un choc de simplification, nous ne pouvons pas demander de recourir à ces fonds si l'on complique leur accès", a affirmé la secrétaire d'Etat en charge des affaires européennes, Amélie de Montchalin.