Distillé un peu partout dans les villes, le mobilier urbain fait partie intégrante de l'architecture des métropoles. Si son orientation vers le développement durable est indéniable, les designers ne délaissent pas pour autant l'aspect esthétique. Quelles sont les nouvelles tendances en la matière ? Quels sont les enjeux du secteur ? Enquête.
Alors que les métropoles amorcent leur mutation avec la création d'éco-quartiers, de villes durables, les secteurs liés à ces problématiques donnent également la réplique.
Parmi eux, il y a ce qu'on appelle le mobilier urbain : des objets venant faciliter et embellir la vie des citoyens : bancs publics, jardinières, jeux pour enfants, éclairages, vélos, abribus… «Ce ne sont pas de simples moyens de transition, mais de véritables produits qui font partie du quotidien», explique Anna Loporcaro, commissaire de l'exposition Design City Luxembourg, qui s'est tenue du 23 avril au 6 juin au Luxembourg. Et l'imagination ne manque pas pour étonner le public. Récemment, on a pu voir des grenouilles collées aux abribus lors de la sortie du DVD du dessin animé La princesse et la grenouille, mais aussi des espaces composés de Leds ou encore des panneaux avec des plugs pour écouter de la musique.
Confort et solidité
D'autre part, avec l'apparition du développement durable, des stations de vélos en libre-service, la multiplication des moyens de transport (tramway, bus, train…) et des espaces verts, le mobilier urbain a dû s'adapter sans oublier pour autant ses principes fondamentaux : le confort et la solidité. «Le souci du secteur est surtout que cela tienne dans le temps et au temps. C'est pourquoi la tôle, l'acier sont des matériaux toujours aussi prisés», note Anna Loporcaro. C'est également la raison pour laquelle les villes font appel à des grands groupes comme JC Decaux pour leur mobilier. En effet, ces derniers prennent en charge non seulement la pose des produits, mais aussi le service après-vente : réparation, entretien et maintenance.
Un design adapté à chaque ville
Si ces critères de résistance et de fonctionnalité sont primordiaux, les villes sont aujourd'hui prêtes à y associer l'esthétique. Pour preuve, la mairie de Paris a demandé au designer Patrick Jouin d'imaginer ses nouveaux modules de toilettes publiques : «D'abord, c'est un objet pour Paris. Ici, l'image du mobilier urbain est très forte dessinée essentiellement par Guimard et les stations de métro. S'inspirer du végétal, pour garder une filiation avec le courant art déco, tout en l'interprétant différemment était un point de départ pour le design des toilettes», explique le créateur.
Le défi des architectes et des designers résident donc à laisser une empreinte, une identité au territoire : «Chaque ville s'identifie, à ses propres particularités. Par conséquent, il est intéressant de faire un travail d'analyse pour proposer des projets adaptés», renchérit Anna Loporcaro. Dans cet esprit, le designer Marc Aurel a imaginé des bancs en céramique pour Tripoli en Lybie traduisant la culture méridionale du pays : «Coulée, la céramique nous a permis de donner à la collection un aspect très précieux et de varier les effets de surfaces à l'image des ornementations et des tapis orientaux. Il nous a ainsi été possible de recréer, à travers ces objets urbains, une ambiance qui nous avait imprégnés lors de nos visites de la ville de Tripoli», indique l'artiste.
Démocratisation du design
L'utilisation du design dans le mobilier urbain est donc une nouvelle marque de sa démocratisation : «Ici, on atteint le grand public car c'est monsieur et madame-tout-le-monde qui est visé», précise Anna Loporcaro. Toutefois, elle souligne que les grands groupes s'octroient aussi les services des designers dans leurs catalogues. «Si les plus petites entités veulent se créer un chemin, il faudrait repenser un système établi par facilité. Les villes pourraient par conséquent mettre en place des services de maintenance, ce qui générerait de l'emploi mais pour cela, il faudrait repenser le système», confie Anna Loporcaro. Les débats semblent donc ouverts et nul doute que ces problématiques alimenteront la future Biennale internationale de mobilier urbain qui aura lieu prochainement à La Défense à Paris.
Découvrez l'interview du président du syndicat des professionnels du mobilier urbain et un panorama des différents éléments de mobilier urbain design en cliquant sur suivant.
«Le mobilier urbain est un vecteur du remodelage des villes», V.Schaller (Promu)
Créé en juin 2009, le syndicat des professionnels du mobilier urbain (Promu) souhaite apporter sa contribution aux nouveaux enjeux de l'aménagement de l'espace public notamment en termes de développement durable et d'accessibilité. Quels sont les défis du secteur ? Les tendances ? Les budgets ? Réponses avec Vincent Schaller, président de Promu.
Batiactu : Comment le mobilier urbain a-t-il évolué depuis une dizaine d'années ?
Vincent Schaller : Le mobilier urbain suit l'évolution de l'aménagement urbain, dont il est l'un des éléments d'usage de confort. La volonté d'amélioration du cadre de vie, ainsi que le remodelage des villes et de l'espace public, avec notamment la redéfinition des modes de transport et leur interconnexion en font une composante majeure. Toute évolution en matière de déplacement urbain implique, de la part des citoyens, d'utiliser plus la marche à pied entre les diverses propositions de transport urbain, sans parler de l'extension des zones piétonnières.
Ces changements de configuration de l'espace public s'accompagnent également d'une volonté d'amener plus de végétal dans l'environnement urbain, les arbres et les espaces végétaux reprennent position. On a donc besoin de canaliser et séparer les flux entre le piéton, le vélo, la voiture, le tram, le métro, etc... Les mobiliers de protection et de sécurité, de repos, de propreté, se positionnent comme des solutions à ces problématiques. Les grilles et protections d'arbres ainsi que les mobiliers de fleurissement favorisent l'extension du végétal en ville.
Par ailleurs, le remodelage de la ville a besoin d'une image forte, dont le mobilier est un excellent vecteur.
Vincent Schaller : Le mobilier urbain suit l'évolution de l'aménagement urbain, dont il est l'un des éléments d'usage de confort. La volonté d'amélioration du cadre de vie, ainsi que le remodelage des villes et de l'espace public, avec notamment la redéfinition des modes de transport et leur interconnexion en font une composante majeure. Toute évolution en matière de déplacement urbain implique, de la part des citoyens, d'utiliser plus la marche à pied entre les diverses propositions de transport urbain, sans parler de l'extension des zones piétonnières.
Ces changements de configuration de l'espace public s'accompagnent également d'une volonté d'amener plus de végétal dans l'environnement urbain, les arbres et les espaces végétaux reprennent position. On a donc besoin de canaliser et séparer les flux entre le piéton, le vélo, la voiture, le tram, le métro, etc... Les mobiliers de protection et de sécurité, de repos, de propreté, se positionnent comme des solutions à ces problématiques. Les grilles et protections d'arbres ainsi que les mobiliers de fleurissement favorisent l'extension du végétal en ville.
Par ailleurs, le remodelage de la ville a besoin d'une image forte, dont le mobilier est un excellent vecteur.
Batiactu : Peut-on distinguer plusieurs périodes de ce secteur ?
V.S : Pas vraiment même si l'on est passé progressivement d'un mobilier urbain d'usage à des mobiliers intégrant plus de fonctionnalités, et dont l'esthétique est devenue un élément déterminant dans les choix des villes.
Batiactu : Quels sont les enjeux du mobilier urbain ?
V.S : L'enjeu majeur du mobilier urbain est de faciliter la vie tant des usagers de l'espace public, que des services techniques de villes qui les exploitent et les maintiennent.
L'implantation des mobiliers doit être lisible pour tous afin d'être efficace, car ils traduisent et viennent en appui des politiques d'aménagement des villes en matière d'aménagement du cadre de vie, de propreté, de fleurissement et de déplacement urbain.
Batiactu : Quelles sont les tendances actuelles ?
V.S : Nous sentons une tendance vers plus de cohérence dans les choix des mobiliers urbains, afin de souligner les lignes directrices et les objectifs des projets d'aménagement.
Nous sentons également une volonté des pouvoirs publics de prendre mieux en compte les personnes à mobilité réduite dans l'espace public, de manière à ce que les mobiliers soient utiles et confortables pour tous et ne soient pas des obstacles ou des dangers pour certains.
Batiactu : Sur quels éléments a-t-on le plus avancé ces dernières années ?
V.S : Sans aucun doute sur la qualité des produits tant en matière de solidité, que d'esthétique et de fonctionnalité. La dimension «implantation», c'est-à-dire la manière d'organiser le mobilier dans l'espace public, fait également beaucoup pour le confort des usagers.
Batiactu : Quel budget les villes réservent-elles à ce thème ?
V.S : C'est difficile à dire puisque les investissements se font dans le cadre de projets globaux, mais également dans l'équipement de la ville hors projet particulier. Toutefois, on peut affirmer que le budget réservé par les villes est relativement faible en comparaison de l'apport des mobiliers en confort pour les usagers.
Batiactu : Comment le mobilier urbain intègre-t-il le développement durable ?
V.S : Le développement durable devient une composante importante dans les choix des collectivités. Ainsi sont privilégiés les matériaux nobles et recyclables ou recyclés, sans oublier la qualité environnementale liée au process de fabrication, aux traitements de surfaces, à la provenance de bois issus de forêts durablement gérées par exemple.
Batiactu : Votre syndicat a été créé en juin 2009, quel est votre objectif ? Votre rôle ?
V.S : Notre défi premier est de faire reconnaître un métier ou une profession qui a ses spécificités, et de réelles compétences. Nous souhaitons être un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics en matière mobilier urbain (guide de bonnes pratiques, normalisation etc.) ainsi que d'autres associations professionnelles telle la FFP, L'AITF, les ATTF, etc., avec qui nous souhaitons mener toutes les réflexions en matière de mobilier urbain.
Banc - Sébastien Wierinck
Pour l'exposition Design City Luxembourg, Sébastien Wierinck a créé une série d'assises réalisée à partir d'un matériau unique : le tube PE rigide.
Vase chaise - Philippe Starck
Un vase qui est aussi une assise. Signé Philippe Starck, cet élément est à la fois une sculpture, un objet de décoration et un objet d'utilité publique.
Banc - Lucile Soufflet
Le Soft Bench de Lucile Soufflet remplit deux fonctions : s'asseoir ou s'allonger. A l'utilisateur de choisir !
Assise publique - Peter Newman and futurecity
Skystation est une assise publique de groupe, elle invite à la contemplation et au regard vers le haut.
Eclairage - Ross Lovegrove
Baptisées BD Love Lamp, ces sculptures sont à la fois des lampes et des assises. Pour assurer leur stabilité, on peut les remplir d'eau ou de sable.
Ondine - Michael Bihain & Cédric Callewaert
Le banc Ondine, à la fois mobilier aux assises multiples, sculpture et sculpture modulable.
Bitte d'amarrage - Art Bollarts
Six artistes belges de renommée internationale donnent leur propre interprétation à la bitte d'amarrage anversoise. La collection des six Art Bollarts a été sélectionnée pour le pavillon euro-belge de l'Exposition Universelle 2010 à Shanghai.
Réverbère solaire - Thierry Vidé
On peut distinguer trois panneaux solaires sur le haut du réverbère.
Toilettes publiques de Paris - Patrick Jouin
C'est le designer Patrick Jouin qui a dessiné les récentes toilettes publiques de la ville de Paris.
Sitting urbain - Damien Gires
Damien Gires a eu l'idée en observant la rue devant son agence... Comment redonner de la vie aux trottoirs ? En retissant les liens grâce à du mobilier urbain.
Eclairage - Aurel (s) studio design
Conception d'une gamme de luminaires décoratifs « Cristella » par la designer Marc Aurel pour la ville de Marseille.
Block Bank - agence d'architecture Block
L'agence d'architecture Block, basée à Nantes, a imaginé les Block Bank à la suite d'une commande des organisateurs de la manifestation culturelle nantaise Estuaire pour son édition 2009. La contrainte imposée étant le matériau, issu du recyclage de briques d'emballage alimentaires.
Banc végétalisé - Philippe Nigro
Lors de la manifestation Jardin, jardin, qui s'est déroulée en juin aux Tuileries, des designers, architectes et étudiants font découvrir aux visiteurs, réalisations à l'appui, leur savoir-faire en matière de mobilier Outdoor. Ici, le banc "Saturnia", conçu par Philippe Nigro.
Banc écolo - Les Sismo
Banc fabriqué à partir d'emballages de briques alimentaires usagées, création des Sismo pour Tétra Pack.
Voûte végétalisé - Ensad Reims - Thibaut Faverie
Pour la manifestation "Jardin, jardin", Thibaut Faverie a imaginé un projet de voûte végétalisée en pleine ville.
Cabine téléphonique - Paris
Paris vient de se doter, à titre expérimental et pour une période initiale de 6 mois, de nouvelles cabines téléphoniques avec écran tactile, connexion à Internet et de nouveaux services aux utilisateurs, plus en phase avec les usages contemporains.