INTERVIEW. Malgré la prudence affichée des investisseurs et les différences selon les régions, le marché international des professionnels de l'immobilier s'est achevé à Cannes dans un contexte porteur en France. De façon inédite, les 23.500 décideurs, responsables de l'urbanisme et personnalités politiques ont pu voir, cette année, comment les villes s'adaptent aux défis de la croissance démographique et de l'efficacité énergétique, avec pour thème "Loger le monde". Interview de Béatrice Gravier, directrice commerciale du Mipim, chez Reed Midem.
Batiactu : L'immobilier de bureaux - ventes et locations confondues - a attiré l'an dernier 29 milliards d'euros d'investissements, le plus important montant depuis 2007, selon l'étude Immostat. Malgré tout, la prudence est de mise chez les professionnels. Quels sont leurs derniers retours ?
Béatrice Gravier : Les décideurs du secteur ont l'habitude de répéter que le Mipim est le reflet du marché de l'immobilier. Cette année, les professionnels de l'immobilier et les investisseurs ont exprimé un mélange d'optimisme et de prudence à l'égard du marché mondial. Malgré des différences selon les régions et les catégories d'actifs, l'état des lieux 2016 est globalement positif.
Béatrice Gravier : Les décideurs du secteur ont l'habitude de répéter que le Mipim est le reflet du marché de l'immobilier. Cette année, les professionnels de l'immobilier et les investisseurs ont exprimé un mélange d'optimisme et de prudence à l'égard du marché mondial. Malgré des différences selon les régions et les catégories d'actifs, l'état des lieux 2016 est globalement positif.
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On a attiré l'attention des investisseurs internationaux, qui veulent diversifier leur portefeuille, en intégrant d'autres actifs que les traditionnels bureaux, commerces et entrepôts, sur les établissements de santé, l'hôtellerie et les résidences étudiantes, qui suscitent un intérêt croissant. Au final, il en ressort un sentiment : l'argent est là, l'optimisme aussi ! Mais, c'est un optimisme plus raisonné. Désormais, les professionnels ont du capital mais ils n'investissent plus dans des projets 'irrationnels', par exemple, sur des tours, où l'on ne sait pas quand est-ce qu'elles seront livrées. Il leur faut à tout prix un retour sur investissement.
Batiactu : Quel bilan dressez-vous de cette 27ème édition du Mipim à Cannes ?
Béatrice Gravier : Ce bilan n'est que le reflet du marché, il est donc positif. La fréquentation, cette année, a enregistré une hausse de 8 % comparée à 2015. Ainsi, ce sont près de 23.500 décideurs de l'immobilier, responsables de l'urbanisme et personnalités politiques originaires de quelque 90 pays qui se sont retrouvés au Palais des Festivals de Cannes pour ce temps fort de l'immobilier mondial. Au final, on a enregistré 9.000 sociétés présentes, soit une augmentation de 7 %. Il faut bien se rappeler qu'au Mipim, on reçoit toute la chaîne de valeur englobant les collectivités, les architectes, les promoteurs, les utilisateurs finaux, mais aussi les assureurs, les banquiers.
Autre particularité : nombreuses sont les villes et municipalités à avoir opté pour une stratégie marketing groupée à destination des investisseurs. Et, par exemple, pour la première fois au Mipim, l'ensemble des exposants de la région Ile-de-France se sont réunis autour d'un seul et même projet, le Grand Paris Express.
Batiactu : Cette année, près de 1.900 architectes étaient présents au Mipim contre près de 50, il y a dix ans, comment expliquez-vous cette augmentation accrue ?
Béatrice Gravier : Avec plus de 1.900 architectes, le Mipim est devenu sans aucun doute un événement majeur pour les architectes internationaux, qui viennent en support des promoteurs. Nous avons clairement, cette année, un besoin réel d'être vu, identifié, reconnu par rapport aux promoteurs.
C'est pour eux l'occasion unique de présenter leurs réalisations à de potentiels donneurs d'ordre parmi les promoteurs, collectivités locales et investisseurs internationaux. De plus, aux côtés d'architectes de renommée internationale, c'est également une rampe de lancement exceptionnelle pour les jeunes encore peu connus de la communauté de l'immobilier
C'est pourquoi, pour la première fois, sur le nouveau stand Architecture (by) France, les participants du Mipim ont pu découvrir des projets des Grand Prix Nationaux d'architecture et des AJAP, mais aussi assister à une série d'interventions afin de débattre des enjeux du logement pour les années à venir. Une belle initiative sous le patronage du Ministère français de la Culture et de la Communication, de l'Afex et du CNOA pour mettre en valeur la promotion de l'architecture.
"Incontestablement, les architectes jouent un rôle crucial dans le futur aménagement urbain."
Batiactu : Pourquoi avoir choisi cette année la thématique "Housing the world", ("Loger le monde") à laquelle les villes doivent s'adapter pour relever les défis de la croissance démographique et de l'efficacité énergétique ?
Béatrice Gravier : Si par le passé les investisseurs ont parfois envisagé de miser sur l'immobilier résidentiel, aujourd'hui les mouvements de population, leur concentration dans les grandes métropoles et les évolutions sociétales et environnementales sont autant de facteurs qui confirment l'importance grandissante de ce secteur au niveau économique, politique et social.
Effectivement, la thématique "Loger le monde" a mis, pour la première fois, l'immobilier résidentiel, qui représente près de 70 % du marché, au cœur des débats du Mipim. Ce choix stratégique reflète le poids grandissant de l'habitat dans le secteur de l'immobilier et son importance aux yeux de l'ensemble des acteurs du marché.
Avec la pénurie de logements résidentiels, qui sévit dans de nombreux centres urbains en Europe, le besoin de collaboration entre acteurs publics et privés à chaque étape, depuis la conception jusqu'à la construction des aménagements urbains, se fait de plus en plus sentir. Incontestablement, les architectes, jouent un rôle crucial dans le futur aménagement urbain.
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Il est clair à Cannes que les investisseurs du monde entier ont cherché à diversifier leur portefeuille et à y incorporer des investissements "alternatifs", de type établissements de santé, logements étudiant, hôtels, logements locatifs et maisons de retraite.
C'est pourquoi l'immobilier résidentiel, vu sous l'angle du développement urbain, a mis en lumière les exigences du secteur public par rapport à celles du privé ainsi que les problématiques relatives à la densité, les infrastructures, la responsabilité politique.
Batiactu : Enfin, vous avez également axée cette édition sur la "demande en bâtiments intelligents, combinant une technologie respectueuse de l'environnement et une approche attentive aux besoins des utilisateurs", pourquoi ?
Béatrice Gravier : L'efficacité énergétique est l'aspect central généralement mis en avant dans l'ensemble des projets découverts à Cannes. Mais les promoteurs se sont appliqués à mettre en œuvre de plus en plus de solutions de réduction de l'impact environnemental, certifiées LEED et HQE. Parmi les aspects mis en avant dans les projets, on peut citer : la réduction des émissions de carbone ; l'utilisation de matériaux de construction écologiques ; la production d'énergie ; l'intégration d'espaces verts ; l'accès piétonnier, ou la réduction de la consommation d'eau.
D'autres projets participent également à cette démarche de façon indirecte, notamment via la création d'emploi pour une activité de production sans impact sur l'environnement.
Au final, sur un espace dédié de 1.300 m², le Mipim Innovation Forum a accueilli des conférences axées sur trois thématiques majeures : la ville, les bâtiments intelligents et l'architecture. Incontestablement, l'avènement de l'immobilier intelligent et connecté est une tendance forte depuis quelques années, qui pourrait être davantage développée l'année prochaine.