MAQUETTE NUMERIQUE. Depuis 2 ans, le ministère de la Défense et le CSTB travaillent ensemble à déployer le BIM au sein du Service d'Infrastructure de la Défense. Le général Fontan et les équipes techniques des deux institutions présentent deux projets pilotes, menés à Brest et Versailles, pour de la construction neuve et de l'exploitation.

Etienne Crépon, président du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), et le général Bernard Fontan, commandant du Service d'infrastructure de la Défense (SID), travaillent main dans la main au déploiement de la maquette numérique chez les ingénieurs militaires. "Les travaux ont été engagés voilà deux ans, pour que le ministère de la Défense s'approprie les outils du BIM", révèle le premier. Car les armées possèdent un patrimoine immense, qui représente à lui seul près de 40 % de tout celui de l'Etat, soit 80.000 bâtiments et 30 millions de m² ! "Un énorme patrimoine avec une forte activité de construction", poursuit Etienne Crépon qui note que la maquette numérique transformera profondément les métiers du maître d'ouvrage autant que ceux de l'exploitant.

 

 

Le BIM dans la construction neuve

 

Le général Fontan ajoute : "Le SID est un service unique pour le ministère, qui s'est professionnalisé pour la construction, la restructuration mais aussi la gestion et l'entretien de l'immobilier de l'Etat. Et nos équipes qui s'intéressent au BIM depuis longtemps se sont donc logiquement tournées vers le CSTB, qui est un autre service public". L'intérêt pour les militaires est double : d'une part assurer le suivi des opérations neuves afin de continuer à travailler en bonne intelligence avec les entreprises (majors ou pas) qui utilisent de plus en plus le BIM. D'autre part, avoir une bonne connaissance de leur propre patrimoine en utilisant un outil collaboratif commun.

 

La démarche BIM multi-échelle, prônée par le CSTB, a donc été testée au sein d'un commando du SID, constitué d'hommes et de femmes triés sur le volet et appartenant, pour la plupart, au Cetid (Centre d'expertise technique de l'infrastructure de la Défense). Une structure qui prend la forme d'un gros bureau d'études de 80 personnes et qui se trouve en pointe dans les questions technologiques. Etienne Crépon reprend : "Quelques opérations cobaye ont été faites pour progresser et pour que les équipes s'approprient les outils". C'est notamment le cas d'une construction neuve, sur la base navale de Brest, où un bâtiment scientifique a été construit en mode BIM. Ce Laboratoire d'analyse, de surveillance et d'expertise de la Marine (Lasem), a ainsi permis de définir différents profils d'usagers pour la maquette numérique en phase de construction puis en phase d'exploitation : "aménageur", "conducteur d'opération", "exploitant"… Des métiers qui donnent accès à des fonctionnalités différentes au sein du BIM. Le lieutenant-colonel Jardel (SID) et Thibaut Delval (CSTB), détaillent certaines de ces spécificités : "Il y a par exemple un outil de vérification de la charte BIM, entre DOE (dossier des ouvrages exécutés) et maquette exploitation, qui systématise les contrôles. On peut aussi s'assurer de la présence et de la localisation des équipements techniques avec précision".

 

… mais également dans l'incroyable patrimoine des Armées

 

 

Autre cas pratique, cette fois dans l'existant, celui du camp des Matelots, situé à deux pas du palais de Versailles. Les deux spécialistes expliquent : "Le bâti est très disparate et il existe des plans papiers, d'autres informatiques, 2D ou 3D… Trois technologies d'acquisition différentes ont été utilisées : la photogrammétrie par drone, puis le scan des plans ensuite, et enfin la télémétrie laser, pour l'intérieur des bâtiments". Les efforts ont cependant moins porté sur les techniques elles-mêmes, que sur l'aspect d'intégration des données d'exploitation et de gestion du patrimoine, en poussant jusqu'à des détails infimes : éclairages, parements et huisseries, ont été renseignés. Deux autres expertes du BIM, Annick Bousrez (SID) et Mélanie Tual (CSTB), ajoutent : "C'est l'humain qui a été placé au cœur de la démarche de façon à mettre en adéquation le BIM avec les besoins des professionnels du Service, qui présentent des profils très divers, en conception, construction, exploitation, déconstruction…". Elles insistent sur les efforts de pédagogie déployés pour augmenter l'efficacité des utilisateurs et accroître leur intérêt pour ces solutions numériques, notamment grâce à une grande intuitivité de la prise en main. Une analyse très fine des différents métiers a donc été réalisée afin d'identifier leurs missions, pratiques, contraintes et attentes. Les professionnels, qui attendent une totale interopérabilité, travaillent sur des logiciels différents : G2D (gestion), Sigap (plans), Géosid (données géographiques), GTB… La solution, évoquée par Etienne Crépon : "Ne pas être prisonnier d'un format propriétaire", et donc travailler à des ponts avec le format IFC.

 

Le général Fontan conclut : "Le partenariat ne fait que démarrer. Il y a de nombreuses autres pistes à intégrer pour essaimer dans l'ensemble du réseau, acculturer les responsables puis diffuser dans les équipes". Car le SID emploie pas moins de 6.700 personnes qu'il faudra former à la démarche BIM. Le CSTB devrait donc fournir un support également dans ce domaine et dans celui de la protection des données pour certaines constructions spécifiques, très sensibles, comme les dépôts de munitions ou les bases abritant des sous-marins de la force de dissuasion par exemple. L'accord entre les deux institutions se poursuivra au moins jusqu'en décembre 2019.

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