Capable d'atteindre des hauteurs record au viaduc de Millau, le béton a largement prouvé ses qualités tant techniques et qu’esthétiques. Mais ce matériau sait se faire encore plus résistant. A terme, il pourra même devenir auto-nettoyant, voire dépolluant.

Avec ses 205.000 tonnes de béton renforcé d’acier, les piles du viaduc de Millau représente à la fois une prouesse pour le constructeur, mais aussi pour les industriels, et notamment le fabricant de béton Lafarge.
Le viaduc de Millau , a précisé à l'AFP un chercheur du CNRS à l'Université Paris 6, Henri Van Damme, a été rendue possible par l'utilisation d'un béton faisant appel aux plus récentes découvertes : "Il a été enrichi en particules très fines pour diminuer la porosité" et les molécules utilisées pour garder sa viscosité étaient des "super-plastifiants de 3e génération".
La porosité, rappelle-t-il, est "le point faible" du béton. Plus le diamètre des grains de sable, des cailloux, est important, plus il y a de vide entre eux et plus le matériau est poreux, comme dans un sac de billes. Or
c'est la porosité qui fait du béton un matériau qui "se fait attaquer, qui vieillit".
Déjà, avec l'ajout de particules très fines, le béton B 60 du viaduc de Millau est quatre fois plus résistant que ceux utilisés de manière classique dans les murs des bâtiments. L'ouvrage est garanti 120 ans, et durera en fait beaucoup plus longtemps. "La durabilité du matériaux ne suffit pas à assurer la durabilité de la structure" a rappelé Thierry Thibaux, de Eiffage TP, lors d’une réunion organisée le 30 novembre dernier par le CSTB sur les "performances, durées de vie et durabilité des produits de construction". "Il faut aussi prendre en compte la conception générale, les règles de calcul, les disposition constructives, la qualité d’exécution et l’entretien" souligne-t-il.

La durabilité n’est d’ailleurs par le seul objectif recherché par les industriels. Les chercheurs visent à faire encore mieux, et connaissent déjà la technique pour fabriquer des bétons deux fois et demie plus résistants que
celui de Millau, le béton ultra haute performance (BUHP) comme le Ductal. Déjà essayé sur des passerelles piétonnières - 120 m d'une seule portée à Séoul -, il pourrait à terme remplacer les tabliers en métal des ponts routiers.
Utilisé pour la construction, ce BUHP permettrait de réduire nettement l'assise au sol des bâtiments. Mais les murs seraient tellement fins que ce serait peut-être "psychologiquement inacceptable" pour les résidents potentiels, reconnaît M. Van Damme en soulignant par ailleurs que les perceuses n'en viendraient pas à bout.

Le béton va également évoluer "vers le beau" en devenant auto-nettoyant, et même dépolluant. A terme, explique Henri Van Damme, des semi-conducteurs - de l'oxyde de titane - pourront être incorporés dans la partie superficielle de la couche de béton. L'action de la lumière solaire produira alors des transferts d'électrons, qui "décomposeront les salissures" et les surfaces des murs se nettoieront d'elles-mêmes.

Mais ces semi-conducteurs ont une autre propriété : ils décomposent les oxydes d'azote produits par les voitures, les composés organiques volatils et l'ozone de l'air pollué de nos villes.
Pour lutter contre ce type de pollution, le béton des nouveaux bâtiments pourrait donc en comporter. A terme, souligne M. Van Damme, les rues et les routes pourraient même être recouvertes d'une couche alliant bitume et béton ayant reçu le même traitement.
En ce qui concerne les oxydes d'azote, précise-t-il, l'action de ces semi-conducteurs les réduit de moitié, "les décomposant en oxygène et en azote, deux éléments de l'air".

Un projet très avancé conduit par le groupe GTM avec le soutien de l’Union Européenne devrait permettre de mettre au point une gamme d’enduits de façade ayant des propriétés autonettoyantes et dépolluantes par l’incorporation de dioxyde de titane. L’enjeu est important et on estime qu’en Ile-de-France, entre 229 millions et 1,1 milliard d’euros sont consacrés chaque année au ravalement des façades.
Alors que jusqu’à présent, toutes les techniques industrielles utilisant le dioxyde de titane ont toujours été appliquées à chaud, ce projet appelé PICADA conduit à une série de produits applicables à froid, tant en neuf qu’en réhabilitation, et commercialisable sous plusieurs formes (enduit, mortier, peintures...). "Il s’agit d’un véritable défi scientifique, compte tenu du fait que le caractère translucide semblait difficilement compatible avec son efficacité photocatalytique" explique-t-on chez GTM.


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