ENTRETIEN. Les demandes de la Fédération française du bâtiment (FFB) sont nombreuses, à quelques semaines de l'élection présidentielle. L'organisation s'active pour infuser ses messages auprès des candidats. Explications avec Olivier Salleron, son président.
Olivier Salleron avait été nommé à la tête de la Fédération française du bâtiment (FFB) au tout début de la crise sanitaire. Près de deux ans après, c'est un nouveau moment-clé qui se présente pour la France et le secteur de la construction, avec l'élection présidentielle. L'occasion pour l'organisation professionnelle de faire passer plusieurs propositions auprès des candidats déclarés. Tour d'horizon avec Olivier Salleron, président de la FFB, questionné par Batiactu.
Batiactu : Quelles sont les priorités de la FFB actuellement ?
Olivier Salleron : Nous sommes, bien sûr, très mobilisés sur la campagne présidentielle. Nous avions reçu, dès octobre 2021, de nombreux candidats [lire notre article ici, NDLR]. Pourquoi ? Car nous craignions que les sujets bâtiment et logement ne soient pas assez abordés durant la campagne. Il y a pourtant matière à débattre : rénovation énergétique, construction de logements neufs environnementaux et durables, transformation de bureaux en logements... Sans oublier la dimension sociale de l'efficacité énergétique, qui permet de diminuer la facture de chauffage des ménages. Et, comme l'a récemment rappelé la fondation abbé Pierre, nous sortons d'un quinquennat raté en matière de logement. Il s'agit, pour nous, d'une véritable bombe à retardement. Je rappelle qu'il y a trois ans une crise sociale est née de l'inflation des prix des carburants ; aujourd'hui, nous vivons toujours dans ce climat explosif. Il suffirait d'une étincelle qui parte, par exemple, de la pénurie de logements, pour que nous connaissions à nouveau ce type de mouvement social. Prenez, par exemple, les chiffres décevants du logement social en 2021...
"Nous constatons un manque de culture de notre secteur"
Batiactu : Êtes-vous parvenu à échanger avec l'ensemble des candidats ?
O.S. : Nous sommes en train de le faire. C'est d'ailleurs l'occasion pour nous de constater un manque de culture de notre secteur chez les candidats et leurs équipes. De la même façon, il y a très peu de députés et de sénateurs qui connaissent vraiment la filière. C'est donc à nous de les sensibiliser à nos enjeux et de diffuser nos messages.
Batiactu : Vous estimez-vous entendus ?
O.S. : J'ai l'impression que nous le sommes, notamment lorsque je vois les chiffres annoncés dans certains programmes de candidats en faveur de la rénovation énergétique. Les prétendants parlent de logement, c'est indéniable, nous l'avons vu ces derniers jours. Est-ce que c'est lié à l'activisme de la FFB, ou non ? Quoi qu'il en soit, le petit tapage que nous faisons autour de ce sujet commence à porter ses fruits. Et nous sommes relayés, sur ce point, par la fondation abbé Pierre ou encore l'Union sociale pour l'habitat (USH). Nous prévoyons d'ailleurs de monter avec ces partenaires, le 9 mars prochain, un évènement autour de la présidentielle.
Le secteur confronté à une deuxième vague d'enchérissement des prix
Batiactu : Vos adhérents s'inquiètent-ils du prochain changement de chef de l'État et de gouvernement ?
O.S. : Ils sont surtout inquiets des sujets qui ont déjà été décidés, comme l'application de la réglementation environnementale 2020 (RE2020), la filière de reprise des déchets, autant de textes qui vont renchérir le coût de la construction. Y aura-t-il des clients, en face, ayant les moyens de financer leurs projets ? Un autre sujet d'inquiétude est celui de la crise des matériaux. Nous envisagions une détente fin 2022, mais la hausse des prix de l'énergie a pris le relais et va maintenir l'effet inflationniste. Comme 80% de nos devis sont à prix fixes, la situation est bien évidemment compliquée à gérer pour les entreprises.
Mais le point le plus inquiétant, c'est le coup de frein sur la construction de logements collectifs neufs. Le ralentissement ne date pas d'il y a un ou deux ans, mais des quatre dernières années, durant lesquelles le concept de sobriété foncière a produit ses effets. Il y a très peu de permis de construire délivrés sur ce segment, et cela devient un problème pour les entreprises en termes de chiffre d'affaires.
Batiactu : Économiquement, comment se portent les entreprises de bâtiment ?
O.S. : Les niveaux de carnets de commandes sont bons, les Français veulent consommer et lancent des projets. Nous nous félicitons notamment du succès du marché de la rénovation énergétique. Si l'on y investissait encore plus d'argent, comme le souhaitent de nombreux candidat à la présidentielle, nous pourrions faire encore plus. Le modèle économique de nos entreprises semble évoluer, puisque l'an dernier 58% de notre chiffre d'affaires a concerné la rénovation - il y a encore trois ans, nous étions à 50%. Bien sûr, les subventions telles que MaPrimeRénov' y sont pour beaucoup.
Batiactu : Face aux pénuries et hausses de coûts, vous demandez le recours au 'carry back' (1). Avez-vous été entendus sur ce point ?
O.S. : Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a récemment reconnu qu'il s'agissait d'une bonne solution pour améliorer la trésorerie des entreprises. Nous suivons donc le dossier de près.
La FFB souhaite "une révision des prix sur tous les marchés"
Batiactu : Que proposez-vous d'autres pour limiter les conséquences néfastes des hausses de prix ?
O.S. : Nous demandons une révision des prix sur tous les marchés pas encore passés. Cela pourrait commencer par les marchés publics passés par l'État et les collectivités ; puis concerner les contrats passés avec les bailleurs sociaux ; nous pourrions ensuite travailler avec les promoteurs sur les marchés privés.
Quand les contrats sont déjà passés, les entreprises les plus en difficulté peuvent se tourner vers le médiateur des entreprises. Les décisions s'y font au cas par cas, et quand elles sont prises, cela se sait, les autres maîtres d'ouvrage sont donc plus attentifs. Nous estimons que le partage des surcoûts doit se faire de manière équitable entre les acteurs. Sur le terrain, les situations peuvent être catastrophiques, avec par exemple un menuisier qui doit faire face à des hausses de coûts de 80%. Dans un tel cas, il n'y a que deux solutions : soit il met la clé sous la porte, soit les parties prenantes trouvent un compromis.
La cellule de crise mise en place, en parallèle, par Bercy, fonctionne bien. Elle permet notamment de faire passer certains messages ; comme celui de dire que la marge des industriels de la construction est actuellement en hausse, alors que celle des entreprises de bâtiment en baisse...
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