ASSISES DU LOGEMENT. Longtemps associé aux territoires en déprise, le phénomène de vacance de logements n'épargne pas les métropoles, à commencer par la capitale parisienne. Une diversité de situations qui appelle un panel d'outils, de l'incitation à la coercition.
Phénomène difficilement cerné par les pouvoirs publics, bête noire des édiles, la vacance ne cesse de progresser dans les territoires dits détendus. Dans les dernières estimations annuelles de l'Insee (2018), plus de 3 millions de logements avaient disparu des radars immobiliers. Pour Jessica Brouard-Massion, directrice de l'expertise et des politiques publiques à l'Agence nationale de l'habitat (Anah), "la vacance est un sujet qui inquiète beaucoup de maires, ce qui nous a amené à publier un guide d'action contre le phénomène".
Avant même de définir des stratégies de remise de logements sur le marché, "l'enjeu est de déterminer les territoires à enjeux", rappelle-t-elle. En France métropolitaine, "la vacance s'est disséminée dans les Hauts-de-France, la Bretagne, et un peu entre la Nouvelle Aquitaine et l'Occitanie", dépeint Jessica Brouard-Masson.
Dans cette cartographie, il faut désormais inclure Paris, qui concentre aussi cette problématique de vacance, pour des raisons différentes. "L'ensemble de logements sous-occupés ne cesse de croître et devient presque le problème majeur pour la politique du logement à Paris", alerte Jacques Baudrier, conseiller délégué à la Ville de Paris en charge des constructions publiques, du renouvellement urbain et de l'architecture.
Paris victime de son attractivité
A Paris, l'Insee a recensé 107.000 logements vacants auxquels s'ajoutent 115.000 résidences secondaires, lieux idoines pour des locations meublées touristiques. A l'échelle de la capitale, "c'est comme si le 16e et le 17e arrondissement étaient inoccupés", symbolise Jacques Baudrier.
Victime de son attractivité, Paris a toujours accueilli des résidences secondaires ou logements occupés quelques semaines dans l'année. Mais en plein contexte de crise du logement, "le phénomène devient massif et participe du renchérissement des prix et de la spéculation", fustige l'élu parisien.
Pour tenter de remettre ces biens sur le marché, ou de dissuader les propriétaires de conserver leur point de chute parisien, la municipalité planche depuis plusieurs années sur la fusion des taxes sur le logement vacant et sur les résidences secondaires.
Encouragée par la maire de Paris Anne Hidalgo, régulièrement soumise au vote du budget à l'Assemblée nationale, la mesure consisterait "à fusionner les deux outils, et déplafonner leur taux pour permettre le retour de dizaines de milliers de logements sur le marché", explique Jacques Baudrier.
Une ressource en hausse mais qui ne freine pas l'évolution de la vacance
La taxe sur les logements vacants redistribuée à l'Anah a engrangé en 2019 la rondelette somme de "61 millions d'euros", selon Jessica Brouard-Masson, soit un montant "supérieur à ce que l'agence collecte par le biais des certificats d'économie d'énergie".
Mais cette croissance exponentielle de taxes collectées et de logements vacants démontre les limites de la dissuasion fiscale. Et que la lutte contre le vacance s'accompagne d'un panel d'outils et d'aides à la rénovation énergétique, à la revitalisation des centres-villes anciens et d'attractivité économique.
Pour Jessica Brouard-Masson, le phénomène "nécessite un portage politique fort". Reprenant l'expérience du Réseau national des collectivités mobilisées contre le logement vacant, elle rappelle que "le premier enseignement tiré est la question du coût de l'ingénierie, de la mise en place des diagnostics, du repérage, du partenariat avec les services fiscaux qui permettront de déployer les solutions adaptées".
Au delà d'une acculturation des élus sur cette problématique, il reste encore un important chantier de sensibilisation auprès des propriétaires, quand les logements ne sont pas des biens sans maître ou soumis à l'indivision. "Les propriétaires ne connaissent pas suffisamment bien les possibilités pour la mise en location de leur bien, le financement des travaux ou l'intermédiation pour louer ce bien", regrette la directrice de l'Anah en charge de l'expertise et des politiques publiques.