Alors que le gouvernement s'apprête à dévoiler mardi des propositions sur la protection du littoral, la Datar confirme les côtes sont menacées d'engorgement, la loi littoral de 1986 n'ayant eu qu'un impact limité sur l'urbanisation.

Le littoral français est menacé d'engorgement : au rythme actuel, les départements littoraux gagneraient à l'horizon 2030 3,4 millions d'habitants, menaçant un territoire fragile, met en garde la Datar (Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale) dans un rapport publié cette semaine.

Au cours de la dernière décennie, la population des communes littorales (7,3 millions d'habitants) a augmenté à un rythme supérieur à celui de la France (+5,7% contre +3,6% entre 1990 et 1999). Le nombre de résidences secondaires (plus d'un million en 1999) s'est accru de 20%.

Les départements littoraux accueillent déjà 21 millions d'habitants (37,8% de la population française) avec une densité de population deux fois et demi supérieure à la densité nationale.
"Globalement, la loi littoral a permis d'éviter les grandes opérations immobilières et changé certaines pratiques, en favorisant la densification et l'urbanisation plus en retrait de la mer, moins fréquemment en site vierge", estime la Datar. "Elle n'a cependant empêché ni les constructions illégales, ni le grignotage des espaces naturels".

En clair, la dernière décennie a vu sortir de terre moins de marinas et de complexes touristiques, mais n'a pas empêché les maisons individuelles et résidences secondaires de pousser comme des champignons.
Pire: la construction en zone littorale est "plus étalée" (chacun veut sa vue sur la mer) et plus individualiste que dans le reste de la France: appropriation de criques ou chemins côtiers.

L'engouement pour la maison individuelle et la résidence secondaire menace particulièrement le littoral, qui ne représente que 4% du territoire métropolitain.
La part des résidences secondaires atteint 85% des logements neufs dans certaines communes du Languedoc-Roussillon. Au total, un logement sur 5 construits dans les communes littorales est une résidence secondaire, occupée en moyenne seulement 40 jours par an.

Pour prévenir ce "gaspillage" d'espace, les experts recommandent de favoriser les hébergements marchands (gîte rural notamment) plus créateurs d'emplois et au meilleur taux d'occupation.

Pour éviter le "mitage" des côtes, la Datar plaide pour des projets concertés d'aménagement. Exemple: le syndicat mixte d'aménagement de la côte picarde associe communes, région, chasseurs et écologistes dans la gestion d'espaces naturels (parc du Marquenterre) et de structures touristiques respectueuses de l'environnement.

L'objectif du "tiers sauvage" (un tiers du littoral préservé) ne sera atteint qu'au prix d'un accroissement des moyens du Conservatoire du littoral, qui a acquis 10% de côtes françaises depuis sa création en 1975.

La maîtrise de la construction est "centrale", estime enfin la Datar, à contre-courant d'élus qui réclament un allègement des contraintes d'urbanisme pour développer les activités économiques.

Le Sénat proposait dans un rapport en juillet d'"adapter les règles d'urbanisme" de la loi littoral de 1986 (interdiction de construire dans les zones non urbanisées sur une bande de 100 mètres du rivage, limitation dans les zones proches du rivage) "afin de permettre un meilleur équilibre entre protection et aménagement".

Faute de politique volontariste, la Datar esquisse un "scénario suicidaire" d'"occupation-prédation de l'espace", détruisant les meilleurs atouts du littoral: qualité de vie et richesse de l'environnement.

actionclactionfp