CONJONCTURE. Rénovations énergétiques, constructions de logements, difficultés de recrutements, dispositifs d'aide... Les sujets n'ont pas manqué lors des États généraux de la construction organisés par la Fédération française du bâtiment ce 10 juin 2021 à Lyon. Il en est cependant un qui a cristallisé les inquiétudes : celui des difficultés d'approvisionnement. L'État assure qu'il sera aux côtés des professionnels.

L'actualité du BTP était chargée lors des États généraux de la construction organisés par la Fédération française du bâtiment (FFB) ce 10 juin 2021 à Lyon. Aux côtés d'autres acteurs de la construction, l'une des principales organisations professionnelles du secteur a effectivement abordé tous les sujets auxquels le Bâtiment est actuellement confronté, de la massification des rénovations énergétiques aux dispositifs d'aide post-pandémie en passant par le manque de constructions de logements et les difficultés de recrutements.

 

 

Faire participer les collectivités aux constructions de logements

 

Sans surprise, tous les intervenants se sont accordés sur la nécessité d'amplifier encore les opérations de rénovations pour, non seulement donner de l'activité aux artisans et entreprises du bâtiment, mais aussi s'assurer que le parc de logements réponde aux ambitions environnementales de la France. "Il faut requalifier, rénover", a ainsi lancé Valérie Fournier, présidente de la Fédération des entreprises sociales pour l'habitat. "Cela fait des années qu'on dit qu'il manque 100.000, 150.000, 200.000 logements. Nous savons faire mais il faut travailler sur le temps long", a abondé le président de l'Unicem (Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction), Alain Boisselon. Et d'ajouter : "Il faut qu'on ait un plan cohérent et financé, dans lequel les collectivités territoriales prennent leur part".

 

Tandis que Patrick Martin, président-directeur général du groupe Martin Belaysoud et président délégué du Medef, regrettait "des incompréhensions criantes dans la décision publique" et "un problème d'offre" expliquant selon lui les difficultés de recrutements de la filière, Jean-Marc Torrollion, président de la Fnaim, a lui aussi réclamé "une visibilité au temps long", proposant "un vrai statut du bailleur privé comme producteur de services au logement".

 

"On a un risque pénurique à nos portes"

 

Mais c'est bien le sujet des difficultés d'approvisionnement en matières premières qui a cristallisé les inquiétudes lors des échanges organisés sous la houlette de la FFB. Rappelant que "l'acier et le bois sont des marchés mondiaux", le président de la commission économie de la fédération, Samuel Minot, a détaillé la situation à laquelle seraient confrontés de nombreux professionnels : "On a une désynchronisation complète, une flambée des prix, un allongement des délais d'approvisionnement, et un risque pénurique à nos portes. 80% des marchés du Bâtiment sont des marchés privés, 20% des marchés publics. Ce qui veut donc dire que 80% sont des marchés non-indexés, avec des prix d'achat prévus en amont, ce qui par la suite représente pour le professionnel un risque de ne plus tenir ses marges face à des engagements pris sur les délais."

 

Un contexte qui pourrait amener certaines entreprises à "se dédire de leurs marchés", selon le représentant de la fédération. D'où l'appel réitéré de la profession à lier la facturation à la hausse des prix des matériaux, de sorte à "corriger" les aléas économiques indépendants des artisans et entreprises du bâtiment. Lui aussi impacté de plein fouet par ce risque de pénurie, le bois a encore et toujours fait parler de lui, alors que les industriels sylvicoles viennent de lancer une pétition "pour sauver la scierie française" face aux importations excessives de chênes vers la Chine. Pour Alain Boisselon, le BTP a plus que jamais besoin d'un marché équilibré, qui n'oppose pas les matériaux mais les rend complémentaires, afin de compenser les fragilités inhérentes à la filière bois : "La demande en matériaux biosourcés dans le cadre de la RE2020 va être structurellement supérieure à l'offre. Du bois, on n'en a pas tant que cela ; cela fait des années que la France essaie avec difficulté de structurer sa filière bois", a-t-il prévenu.

 

30% de chantiers pourraient être bloqués d'ici la rentrée de septembre

 

La solution pour les professionnels pourrait résider dans leur maîtrise des flux et des stocks. Les entreprises à la production locale peuvent aussi espérer avoir plus d'indépendance par rapport aux fluctuations internationales. Mais une telle rationalisation ne pourra pas tout face à des marchés mondialisés qui sont perturbés par la crise du Covid et par la reprise qui s'ensuit désormais : "Il faudra compter sur l'innovation, avec des matériaux répondant à la RE2020 et à la décarbonation, le tout à un rythme soutenable, intelligent et efficace", a poursuivi Alain Boisselon. De son côté, Samuel Minot a recommandé d'"aller voir chaque donneur d'ordre pour trouver une solution de gré à gré" et de demander à l'État de faire un geste pour soutenir économiquement le secteur.

 

Le président de la FFB lui-même, Olivier Salleron, est également monté au créneau : "Nos artisans sont confrontés à des hausses quasi-hebdomadaires. Le problème, c'est qu'on n'arrive pas à voir la fin de cette crise. Des sociétés vont bientôt devoir arrêter les chantiers", a-t-il affirmé, estimant à 30% la proportion de chantiers risquant d'être bloqués avant la rentrée de septembre 2021. Et de craindre que les difficultés d'approvisionnement ne viennent compromettre l'emploi de la filière : "Depuis l'an dernier, on a embauché 48.000 salariés de plus mais les matières premières compromettent cette lancée. Il risque d'y avoir des liquidations d'entreprises, quand d'autres entreprises ne vont peut-être pas commencer de nouveaux chantiers à cause des prix." Afin d'éviter les faillites, le patron de la fédération demande donc une nouvelle fois d'indexer les marchés sur la période de hausse des prix, mais aussi de faire bénéficier le Bâtiment d'une activité partielle intégralement prise en charge par l'État, sans quoi le secteur "va mettre un genou à terre".

 

 

"Nous avons montré notre résilience mais, cette année, il faut nous aider."
- Olivier Salleron, président de la FFB

 

Olivier Salleron a d'ailleurs indiqué à cette occasion qu'une réunion est prévue à ce sujet le 15 juin prochain avec Bruno Le Maire, Élisabeth Borne et Emmanuelle Wargon, respectivement ministres de l'Économie, du Travail et du Logement. Également invitée aux États généraux de la construction, cette dernière a tenu à assurer la filière du soutien de l'État : "On va accompagner le secteur du bâtiment durant cette crise", a-t-elle soutenu, reconnaissant que "c'est une menace potentielle pour la reprise de l'activité économique". "Si Bercy a répondu si vite en étant clair sur les marchés des collectivités locales et en installant une médiation de filière, c'est parce qu'on considère que c'est un sujet important sur lequel on doit agir. J'espère que c'est une crise aigüe mais courte", a-t-elle conclu, admettant toutefois que "c'est encore un peu tôt pour le dire".

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