CONJONCTURE. D'après la dernière étude réalisée par BTP Banque, même si la reprise économique est indéniable, les trésoreries des entreprises du BTP souffrent encore et toujours. La faute notamment aux prix bas et à la hausse du coût des matériaux.
La reprise est bien là, mais les entreprises du BTP ne sont pas encore guéries. Ainsi pourrait-on résumer le contenu de la dernière étude de conjoncture réalisée par BTP Banque (1). Cette publication annuelle est réputée pour être la plus proche du vécu des entreprises parmi celles qui concernent le secteur de la construction. "2015 aura été le point bas. 2016 est l'année du retournement", explique Claude Lavisse, président du directoire de l'organisme, à Batiactu. "La situation évolue donc plutôt favorablement, mais cela reste dur pour les entreprises."
Preuve de ces difficultés, en 2016, le taux de la valeur ajoutée a diminué, alors même que les carnets de commandes se regarnissaient (de l'ordre de +3 à +4% de chiffre d'affaires). "C'est le résultat d'une concurrence toujours agressive, qui se concrétise par des prix bas", nous explique Claude Lavisse. "Ce à quoi s'ajoute une hausse des coûts des matériaux." Dans le gros oeuvre, ainsi, le taux de valeur ajoutée baisse légèrement, de 0,3 point (à 37,6%), ainsi que dans le second oeuvre (-0,5 point, à 39,8%) et les travaux publics (-0,1 point, à 40,4%).
La productivité des salariés a augmenté
"Un point positif : celui de la baisse du poids des charges de personnel dans la valeur ajoutée", observe toutefois Claude Lavisse. Cette part ne cesse d'augmenter depuis le début de la crise, en 2008. Elle a atteint son point haut en 2015 (89,2% dans le second oeuvre, 88% dans le gros oeuvre, 82,3% dans les TP), avant de décroître légèrement en 2016. "La reprise de l'activité fait que les entreprises, qui avaient l'habitude d'être en léger sureffectif ces dernières années, trouvent assez de travail pour employer tout le monde", nous éclaire Claude Lavisse. "Ainsi, la productivité augmente."
Un autre point encourageant est celui du rebond du taux de marge nette pour toutes les catégories d'entreprises. Dans le gros oeuvre, il passe de 1,4% à 1,6%, dans le second oeuvre de 1,5% à 1,9% et dans les TP de 1,7% à 2,3%. "Cet état de fait s'accompagne d'une chute très nette de la part des entreprises en perte", ajoute Claude Lavisse. En effet, dans les TP notament, on passe de 17,4% à 12,9% entre 2015 et 2016 (environ 17% dans les deux autres segments d'activité).
Les besoins en fonds de roulement élevés en 2016-2017
L'étude BTP banque révèle par ailleurs une augmentation en 2016 de l'utilisation de personnel extérieur à l'entreprise (surtout dans le gros oeuvre, où on passe de 5,3% à 6,4%). Ce qui concerne les salariés intérimaires et détachés.
En matière de délais de paiement, les délais clients restent élevés (de 83,4 jours de production pour le second oeuvre à 90,1 jours pour les travaux publics), et les délais fournisseurs augmentent assez fortement depuis 2014. Résultat, les trésoreries souffrent. Mais elles subissent également le contrecoup de la reprise économique : certaines sociétés priorisent le carnet de commandes plutôt que de se concentrer sur les affaires les plus rentables - comme conseille de la faire BTP Banque. Elles prennent ainsi le risque de mettre à mal leurs trésoreries, déjà échaudées par des années de crise. "Il ne suffit pas d'une année d'activité correcte pour reconstruire la santé financière d'une entreprise", illustre Claude Lavisse.
Qu'en est-il en 2017 ? "Nous nous situons dans la même lignée que 2016", nous révèle Clause Lavisse. "Il semblerait que les prix s'améliorent un peu, mais les besoins en fonds de roulement restent fort. Nous le voyons au niveau très élevé de demande en crédits de trésorerie." Les récentes annonces d'Emmanuel Macron aux 24 heures du bâtiment devraient également contribuer à soutenir le secteur dans les annees à venir. "Le secteur entre probablement dans une période de quelques années où il bénéficiera de conditions plus favorables. Le Grand Paris sera d'ailleurs un grand pourvoyeur d'activités en Île-de-France", conclut Claude Lavisse.
(1) Etude réalisée sur la base d'un échantillon 3.636 entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ayant un CA compris entre 500.000 et 150 millions d'euros (gros oeuvre, second oeuvre et travaux publics).