CHANTIER - Comment rendre agréable à vivre une petite maison mitoyenne, coincée entre deux bras de la Bièvre, présentant de gros problèmes d'humidité ? Les propriétaires ont opté pour le tempérage, un système de distribution de chaleur servant à la fois à assécher et à utiliser la masse des murs comme stockage de chaleur par inertie. Explications avec Tankred Schöll, architecte spécialisé dans la construction et la rénovation écologique.
Une petite maison, située à Verrières-le-Buisson (Essonne), connaissait d'importants problèmes d'humidité. "L'ancien propriétaire avait bien tenté de résoudre les problèmes mais avec des matériaux inappropriés : carreaux de plâtre sur le socle du mur, enduit au plâtre et plaques de plâtre par-dessus, deux couches de carrelage scellées au ciment directement sur la terre…", nous explique Tankred Schöll, architecte, membre de l'association Bâtir sain depuis 2009. Mais les remontées capillaires causaient continuellement des dégâts. Comment faire alors pour rendre cette bâtisse plus saine ? "L'isolation par l'intérieur, très répandue en France, supprime la masse thermique des maisons, ce qui génère des problèmes en été pour garder la fraîcheur. D'où des problèmes de condensation, d'apparition de moisissures et des dégâts sur les parties en bois. Nous avons donc mené une réflexion sur l'isolation par l'extérieur". Mais la disposition de la maison, mitoyenne sur deux murs, aurait empêché cette solution d'être réellement efficace.
"L'idée est venue de recourir au tempérage", poursuit l'architecte, spécialisé dans les constructions et rénovations écologiques. Le système repose sur la distribution de chaleur par l'installation de tubes de chauffage dans les surfaces de perte, les murs donnant sur l'extérieur. Ces murs, massifs, procurent une grande inertie thermique : ils agissent comme un réservoir de calories qu'ils emmagasinent et restituent lentement, permettant d'obtenir un climat ambiant stable. "La bâtisse présente très peu de déperditions thermiques. Par rapport à des radiateurs classiques, le tempérage permet de baisser la facture de 30 %", explique Tankred Schöll.
Une installation sans matériel particulier
"Les dégâts étaient tels que les travaux à prévoir étaient lourds. D'où l'intérêt, en refaisant tous les enduits, de poser les tuyaux du système de tempérage. Mais il est également possible de poser ces tubes grâce à de simples saignées dans les murs. Et il est même envisageable de poser les tuyaux en applique, à même le mur, tant qu'ils sont en contact avec lui. Mais cette dernière option est moins efficace", tempère le spécialiste. La mise en œuvre, dans la maison de Verrières-le-Buisson, fait appel à des boucles montantes encadrant les fenêtres, afin de compenser le rayonnement de cette zone froide. Techniquement, le principe de l'installation de tempérage est similaire à celle d'un plancher chauffant, "sauf que les mètres linéaires de longueur de tuyaux installés sont moindres et que, par voie de conséquence, les températures requises sont plus hautes, de l'ordre de 60 °C", précise Tankred Schöll.
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Une seule difficulté : bien dimensionner l'installation
Quant aux précautions à prendre, l'architecte explique : "Les soudures des tubes de cuivre doivent être bien faites et bien nettoyées. Mais il n'y a pas de risque particulier. Malheureusement, très peu de plombiers-chauffagistes ont déjà l'expérience de ce type d'installation". Pour le fonctionnement, une chaudière à condensation en sous-pente de toiture dispose d'une bouteille de découplage qui sert de tampon et permet une distribution de chaleur plus douce et une réduction de la consommation d'énergie. Le système, n'ayant pas recours à des radiateurs, serait finalement d'un coût équivalent à un chauffage classique. "En revanche, le temps de chauffe du volume des murs, qui une fois secs isolent encore mieux, est trop long pour qu'une telle installation soit indiquée pour des résidences secondaires par exemple", conclut Tankred Schöll.
Une solution plus répandue en Allemagne
Le tempérage, encore très peu répandu en France, serait de plus en plus employé dans des bâtiments historiques outre-Rhin : l'impossibilité d'intervenir sur des façades historiques rendrait cette technique particulièrement indiquée pour les musées ou châteaux. Quant à une éventuelle utilisation en été pour rafraîchir le bâtiment, elle est théoriquement possible mais ne serait pas utile étant donné l'épaisseur des murs de plus de 50 cm permettant déjà de conserver la fraîcheur. La seule condition pour réussir l'installation serait en fait de faire réaliser des calculs spécifiques, afin de bien dimensionner le réseau de distribution et la puissance de la chaudière.
Maison avant les travaux
La maison de Verrières-le-Buisson, mitoyenne sur deux côtés et située à proximité de la Bièvre, connaissait d'importants problèmes d'humidité.
Intérieur avant les travaux
L'intérieur de la maison avant les travaux : le propriétaire précédent avait tenté de résoudre les problèmes d'humidité avec des matériaux inapropriés.
Dégâts
Dégâts liés à l'humidité : efflorescence de salpêtre sur enduit de plâtre.
Début des travaux
Le chantier débute par l'évacuation des matériaux inappropriés.
Ancien escalier
Le poteau et le bois sous le revêtement stratifié étaient entièrement pourris.
Solives du plancher
L'état des solives du plancher au premier étage après évacuation du plafond en baculat : 80 % d'entre elles étaient à remplacer.
Percement du pignon Sud
Percements dans le pignon sud (mitoyen) : des briques de verre à isolation renforcée (remplies d'argon) amélioreront les apports solaires.
Avancée des travaux
Après décaissement de 35 cm, pose d'un hérisson en granulat de mousse de verre. Résistant à l'humidité, ce produit de recyclage offre une très bonne résistance thermique et est efficace contre les remontées capillaires. Du géotextile est posé au sol et sur les murs.
Mise en oeuvre
Dalle chaux et billes d'argile. Première couche d'enduit en 20 mm tradical PZ (chaux/pouzzolane) contre l'efflorescence des sels. Le circuit de tempérage est en tubes de cuivre souple pré-gainé de 16 mm. Deux circuits du rez-de-chaussée font une longueur totale de 100 mètres linéaires.
Chaudière à condensation
La chaudière à condensation sous lapente de la toiture au dernièer étage. La bouteille à découplage sert de tampon et permet une distribution de la chaleur plus douce et une réduction de la consommation.