Une exposition consacrée à "La maison des jours meilleurs", de Jean Prouvé vient de s'achever à la galerie parisienne Patrick Seguin, spécialisée dans le design et l'architecture du XXe siècle. L'occasion de revenir sur cette construction réalisée par l'architecte en 1954, à la demande de l'Abbé Pierre, pour venir en aide aux sans-abris.
"Jean Prouvé a installé sur le quai Alexandre III la plus belle maison que je connaisse, le plus parfait moyen d'habitation, la plus étincelante chose construite. Et tout cela est en vrai, bâti, réalisé, conclusion d'une vie de recherche. Et c'est l'Abbé Pierre qui la lui a commandée !", a écrit Le Corbusier qui visite "La maison des jours meilleurs", en février 1956, tandis qu'elle est présentée sur les bords de Seine.
Alors que Nancy, la ville de naissance de Jean Prouvé, célèbre en 2012 l'architecte qui a marqué son époque, la galerie parisienne Patrick Seguin a choisi de lui rendre hommage en présentant, parallèlement à son mobilier, ses architectures démontables, dont sa "Maison des jours meilleurs".
Une naissance remarquée
"La réflexion sur la logique constructive est la base de toute l'œuvre de Jean Prouvé qui disait : il n'y a pas de différence entre la construction d'un meuble et celle d'un immeuble", nous explique Patrick Seguin, directeur de la galerie. "La Maison des jours meilleurs incarne la pensée constructive de Jean Prouvé, une pensée qu'il applique à l'architecture comme au mobilier. Il y développe sa conception d'un habitat individuel durable, léger, économique et confortable", poursuit le galeriste.
C'est en janvier 1954 que l'Abbé Pierre fondateur de l'association "Les compagnons d'Emmaüs" qui vient en aide aux sans-abris, demande à Jean Prouvé de concevoir et construire une maison correspondant à un appartement normalisé (environ 50 m2) comprenant deux chambres, un vaste séjour prolongé par une cuisine ainsi qu'un bloc sanitaire ménager. Cette maison devait servir de démonstration et inciter la fabrication de logements individuels ou collectifs suivant des procédés industriels.
La suite de l'article en page 2.
Un appartement "normalisé"
"L'idée constructive est basée sur un concept créé en 1952, dans l'usine de l'architecte basée à Maxéville : sur le soubassement en béton formant une cuvette, vient se poser un bloc central préfabriqué en acier, abritant la cuisine et les pièces d'eau et qui, supportant une poutre en tôle pliée, forme l'ossature porteuse", nous explique Patrick Seguin.
Et de poursuivre : "A la demande de l'Abbé Pierre de construire un logement de 50m2 (ce qui correspond à un appartement normalisé F3), Jean Prouvé répond avec une maison de 57m2 comprenant deux chambres, un vaste séjour prolongé par une cuisine ainsi que le bloc sanitaire ménager. L'enveloppe est constituée de panneaux-sandwich en bois thermoformé. Les panneaux sont de différents modèles : pleins, avec porte, avec fenêtres à guillotine, arrondis pour les angles. La couverture est constituée de bacs d'aluminium débordant de 50 cm sur toutes les façades, avec un auvent de 1,20 m sur la façade principale et protégeant la baie vitrée."
Révolutionnaire et très actuelle
Un projet sponsorisé par la lessive Persil ! Prouvé marqua les esprits ce jour-là, sur les quais de Seine où la maison fut montée et démontée en sept heures devant les journalistes et les Parisiens. Non homologuée par le ministère de la Construction, elle restera cependant à l'état de prototype.
"La Maison des jours meilleurs" est une réponse remarquablement efficace à une situation d'urgence à laquelle Jean Prouvé avait déjà réfléchi, notamment à travers les maisons des sinistrés de Lorraine (1944-1945). Mais cette réflexion dépasse le contexte de l'urgence : Jean Prouvé montre que l'on peut concevoir un habitat préfabriqué de qualité, c'est un postulat très révolutionnaire. Cette maison est une icône de l'architecture et elle demeure parfaitement pertinente dans sa conception comme dans son esthétique", conclut Patrick Seguin.
Découvrez en pages suivantes et en images, "La Maison des jours meilleurs".
C'était en 1956
"La Maison des jours meilleurs" est installée sur les bords de Seine, à Paris en 1956.
Loger les sans-abris
Conçue dans l'usine de l'architecte située à Maxéville, Meurthe-et-Moselle, la maison devait aider à loger les sans-abris en situation d'urgence. Son installation devait interpeller le public et les autorités.
Un concept constructif
"L'idée constructive est basée sur un concept créé en 1952, dans l'usine de l'architecte basée à Maxéville : sur le soubassement en béton formant une cuvette, vient se poser un bloc central préfabriqué en acier, abritant la cuisine et les pièces d'eau et qui, supportant une poutre en tôle pliée, forme l'ossature porteuse", nous explique Patrick Seguin.
Montage des sanitaires à la galerie
Ici, les équipes de la galerie Patrick Seguin sont en train de monter le bloc sanitaire ménager.
Galerie Patrick Seguin
La Galerie Patrick Seguin a commencé à faire l'acquisition de maisons de Jean Prouvé il y a plus de 20 ans (maison Ferembal en 1991) et de façon plus active ces dernières années, si bien qu'aujourd'hui la Galerie possède la plus importante collection d'architectures démontables de Jean Prouvé, avec l'ambition de les présenter dans des expositions internationales.
Différents modèles de panneaux
"Les panneaux sont de différents modèles : pleins, avec porte, avec fenêtres à guillotine, arrondis pour les angles. La couverture est constituée de bacs d'aluminium débordant de 50 cm sur toutes les façades, avec un auvent de 1,20 m sur la façade principale et protégeant la baie vitrée", précise Patrick Seguin.
D'avant-garde
Encore aujourd'hui, "La Maison des jours meilleurs" fait figure d'avant garde, d'autant que cette solution n'a jamais été retenue par les gouvernements successifs pour aider à reloger les sans-abris.
Une maison démontable
Lors de son exposition sur les bords de Seine, sept heures ont suffi à monter et démonter la maison.
Jean Prouvé, Le Corbusier et les autres
"Jean Prouvé a installé sur le quai Alexandre III la plus belle maison que je connaisse, le plus parfait moyen d'habitation, la plus étincelante chose construite. Et tout cela est en vrai, bâti, réalisé, conclusion d'une vie de recherche. Et c'est l'Abbé Pierre qui la lui a commandée !", a écrit Le Corbusier qui visite "La maison des jours meilleurs", en février 1956.