Présentée comme une priorité de Jacques Chirac, la lutte contre la désindustrialisation doit passer selon des chefs d'entreprise par l'innovation et la recherche, mais des politiques et des syndicalistes insistent eux sur les risques des délocalisations d'emplois peu qualifiés.

Schneider, mais aussi Alcatel, Daewoo, Metaleurop, Moulinex, STMicroelectronics... les fermetures d'usines et les délocalisations se multiplient depuis un an.
Pour discuter des moyens de maintenir un fort tissu industriel en France, à l'heure où l'Europe subi une concurrence croissante de la Chine ou de l'Inde, le chef de l'Etat a réuni jeudi à l'Elysée des économistes, des patrons et des syndicalistes.

Il a insisté sur l'innovation technologique, la recherche-développement et la formation, qui devraient selon lui être tournées vers les secteurs d'avenir.
Cette politique, partagée par les grands patrons dfrançais, doit trouver son prolongement en Europe, notamment avec la proposition anglo-franco-allemande de créer un poste de vice-président de la Commission européenne chargé des réformes économiques.

Reste que cette politique misant sur l'emploi très qualifié peut très bien s'accompagner d'un abandon des secteurs de fabrication à emplois peu qualifiés, comme le textile, l'électroménager, l'électronique grand public ou même maintenant des services comme les centres téléphoniques ou la comptabilité.

"Notre problème en France, ce n'est pas tellement qu'on va perdre des emplois dans certains secteurs (...) de main d'oeuvre non qualifiée, ça c'est normal. Le problème c'est qu'on n'en perde pas, qu'on en gagne, qu'on en développe dans les secteurs où nous avons des avantages", a déclaré sur France Inter le président du groupe de matériaux Lafarge, Bertrand Collomb.
"Les fabrications à fort contenu de main d'oeuvre non qualifiée, ça doit aller se faire aux endroits où il y a une main d'oeuvre pas chère", a-t-il assuré.

Invité au débat à l'Elysée, le syndicaliste CGT Christian Larose, président de la section Travail du Conseil économique et social, a assuré avoir contesté cette position, parce qu'un ouvrier du textile retrouve rarement un emploi hautement qualifié après son licenciement.
"A 50 ans, il est fréquent qu'un licencié du textile n'ait jamais suivi de formation de sa vie", a-t-il expliqué en substance aux intervenants du débat.
D'où les difficultés de reclassement, la perte de pouvoir d'achat et, au final, la langueur de la consommation à mesure que les plans sociaux s'ajoutent les uns aux autres.
"Il y a deux Metaleurop par mois dans le textile, 50% des emplois ont disparu en dix ans. En terme de politique commerciale, j'aimerais que vous me disiez sincèrement si vous souhaitez garder du textile en France", a-t-il lancé.

En campagne électorale dans les Pays de la Loire, le sénateur UDF Jean Arthuis a quant à lui appelé à un "vrai débat" sur la politique commerciale, qui passe notamment par les tarifs douaniers que l'Union européenne fixe aux produits venant des pays à faibles salaires.
"On ne peut pas à la fois poser des contraintes sociales et environnementales de haut niveau chez nous et rendre notre territoire totalement accessible à des opérateurs qui n'ont pas ces contraintes" en Chine ou en Inde, a-t-il estimé.
"Même si le mot protection est tabou, il y a forcément un moment où il faut sécuriser nos emplois", a ajouté cet ex-ministre de l'Economie qui avait consacré dès 1993 un rapport sur "les délocalisations et l'emploi".

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