Lucien Longueville est fils et petit-fils de ferronnier, et travaille l'acier avec passion depuis plus de quarante ans. Spécialisé dans la serrurerie ancienne, il cultive la connaissance de son art et aime le transmettre. Rencontre.
Dans le bureau situé juste au dessus de l'atelier centenaire, des volutes et autres ornements d'architecture sont présents un peu partout. Dessinés à main levée sur des feuilles volantes, ou accrochées sur les murs dans des reproductions de monuments, ces œuvres de ferronnerie sont le quotidien de Lucien Longueville. «Notre chance, c'est que nous avons un vieux pays qui n'a pas été démoli. Depuis quelques années, les gens reviennent vers l'acier, parce qu'ils réalisent qu'avec ce matériau on n'a aucune limite : avec une barre d'acier, on peut faire les choses les plus extraordinaires et les plus excentriques !»
«Je n'ai pas l'impression de travailler»
Troisième génération de ferronnier, Lucien Longueville aime parler de son art. «C'est un métier tellement passionnant que je n'ai pas l'impression de travailler». Dans son atelier de Saint-Ouen (93) qui emploie une vingtaine de personnes, les pièces à restaurer appartiennent principalement à des particuliers de toute la France. Deux ouvriers travaillent sur une marquise qui vient de loin, puisqu'elle arrive d'une maison de Bordeaux. «Les ferronniers sont peu nombreux, et nous sommes très spécialisés dans la serrurerie ancienne», explique Lucien Longueville. «Les gens ne prennent plus le risque de s'aventurer n'importe où. Ils veulent reprendre contact directement avec les artisans et ont besoin d'être rassurés. On nous appelle pour faire des choses qui ne sont pas ordinaires, et nous apportons notre culture. Nous faisons des choses qui sortent du contexte industriel».
Transmission
Pour Lucien Longueville, l'amour de la ferronnerie est aussi une histoire de famille. Son deuxième atelier, qui se trouve à Agen, est tenu par sa fille et porte le nom de son petit-fils, Alexandre, à qui il a aussi appris son art. Mais c'est aussi une histoire de transmission. Contre un mur dans le bureau, une collection de livres est adossée. Seize volumes retraçant l'histoire de la serrurerie et de la ferronnerie d'art, du XIVe au XXe siècle. Le maître artisan est devenu pour l'occasion éditeur, proposant dans ces ouvrages de nombreux plans et esquisses «issus de mes archives familiales et de 35 ans de recherche». Une culture de son art que Lucien Longueville entretient en vouant une véritable passion à son métier. «J'ai 61 ans, et je n'ai pas vu passer 30 ans de ma vie» aime-t-il plaisanter. «Dans notre métier, ce qui a changé, c'est surtout la qualité et l'application du vitrage et des joints. Car au fond, la ferronnerie, c'est toujours un fer, un marteau et une enclume ; ce qui n'a pas changé, c'est la culture du dessin sur des visions anciennes».
Atelier
Lucien Longueville (au centre) avec ses ouvriers dans l'atelier de Saint-Ouen.
Démontage
La marquise de la maison de Bordeaux a dû être démontée, pour être ensuite remontée à blanc dans l'atelier.