CRISE SANITAIRE. Bien que la relance soit bien amorcée, le retour à une activité à plein régime demandera du temps. Le préfet de région, Michel Cadot, en a bien conscience, et poursuit les échanges avec la Fédération régionale des Travaux publics (FRTP) d'Ile-de-France pour accompagner les entreprises.
C'est dans le hall de la Fédération régionale des Travaux publics d'Ile-de-France, en petit comité, à bonne distance les uns les autres et tous masqués, que le président de la FRTP, José Ramos, et le préfet de région Michel Cadot ont tenu une conférence de presse le 14 mai, en cette première semaine de déconfinement, à l'issue d'une réunion de travail. "J'y tenais pour marquer de cette façon l'excellente collaboration depuis deux mois avec la fédération et l'ensemble des acteurs, pendant le confinement, et pour la reprise de l'activité", s'est félicité le représentant de l'État.
Il souhaitait également faire un point en personne avec les professionnels, "pour voir comment s'effectue la reprise économique dans un des secteurs les plus cruciaux d'une région comme la nôtre, et pour identifier, s'il y en a, les difficultés qui persistent pour les régler collectivement". Et même si cette relance reste plus faible dans la région capitale que dans les autres, "le rythme de reprise est réel, que ce soit dans les grands projets ou dans des activités plus courantes".
Les TP reprennent plus vite que le bâtiment
Et le préfet d'indiquer que l'activité du BTP dans son ensemble s'était remise en route à hauteur de 40% de celle connue avant le confinement dans la région. "C'est un peu plus rapide dans les TP, puisque nous dépassons les 50% partout", a-t-il précisé. L'enjeu est dans tous les cas stratégique pour la région capitale, et le préfet a insisté à plusieurs reprises sur le rôle "central" du BTP, et notamment des travaux publics.
Car les TP en Ile-de-France, ce sont à la fois des majors, des entreprises de taille intermédiaire, des PME, qui ont réalisé un chiffre d'affaires de 8,8 Mds€ en 2019 dans la région, soit 20% de l'activité nationale de la profession. Et au total, ce sont plus de 60.000 salariés, permanents ou en intérim, qui résident et travaillent dans le secteur en Ile-de-France.
Sans compter les "grands déplacés", ces ouvriers venant d'autres régions pour réaliser les chantiers, absolument nécessaires au bon déroulement des grands projets comme le Grand Paris Express. Michel Cadot le juge également essentiel car "il est le maillon charnière pour la reprise et le cœur d'une chaîne qui comprend l'approvisionnement, l'ingénierie, la mise en œuvre des travaux, la distribution, la logistique…"
Le secteur particulièrement touché dans la région
Si les travaux publics se sont massivement mis à l'arrêt sur tout le territoire national au moment du confinement, il semblerait que la situation soit un peu plus préoccupante en Ile-de-France. En effet, les TP dans leur ensemble n'ont réalisé que 17% de leur chiffre d'affaires en avril 2020, comparé à avril 2019. Ce qui est bien peu. Or, en Ile-de-France, c'est encore plus bas : 10%. De même, la proportion des entreprises encore à l'arrêt au 30 avril est plus importante en région parisienne (21%) que la moyenne nationale (17%). A cette date, le niveau d'activité dit "instantané" s'élève par ailleurs à 24% sur le territoire francilien, quand il est de 36% en moyenne au niveau national.
Pourtant, une fois le guide de recommandations sanitaires de l'OPPBTP disponible et appréhendé, "dès le 14 avril, nous avons rapidement repris sur les grands chantiers et sur des travaux plus locaux, a assuré le président de la FRTP, José Ramos. En fonction des chantiers, nous atteignons entre 55 et 70% de l'activité, et la reprise sera plus soutenue d'ici à la fin mai. De sorte que nous serons proche des 100% de notre potentiel d'activité à fin juin." Ce qui ne représente pas 100% de l'activité "car nous avons encore des freins qui ne nous permettent d'avoir une capacité de production de 85%", a-t-il averti.
Avances des surcoûts et ralentissement des appels d'offres
Ces difficultés similaires au reste du territoire national. A commencer par l'impact et le surcoût des mesures sanitaires indispensables à mettre en place. "Nous avançons ces frais afin de pouvoir reprendre le plus rapidement possible, mais il faudra faire les comptes et voir comment nous les partageons. Nous avons fait l'effort, maintenant, il faut négocier", a averti José Ramos. D'autant plus que si les entreprises de TP réalisent en moyenne 2% de marge, ces coûts supplémentaires sont "plus élevés".
Les TP ont également "besoin de dates pour se projeter", alors que subsistent toujours des inconnues concernant le second tour des élections municipales. L'horizon commence cependant à s'éclaircir, avec l'installation d'ici à la fin mai des conseils municipaux élus dès le 15 mars. Reste le point noir de la relance des appels d'offres : selon les chiffres de la FRTP, la commande publique a chuté de 57% dans la région pendant le confinement. "La baisse a été de 75% sur le seul mois d'avril, a indiqué José Ramos. Il est vrai que nous avions souhaité que la maîtrise d'ouvrage les repousse de 2 à 5 semaines, le temps pour tout le monde de s'organiser au mieux en télétravail. Mais cela a duré plus longtemps et la baisse est encore de près de 50% pour le mois de mai."
Une relance rapide est indispensable, selon lui, pour éviter un "trou d'air" d'activité dans quelques mois. "Mais il faudra ensuite un plan de relance massif, pour que 2021 nous fasse oublier les résultats désastreux de 2020." Tout apprenant à "apprivoiser la covid-19, pour vivre avec".