Le numéro un mondial de l'acier, qui annonce des suppressions de postes et une grande restructuration, est en butte avec les syndicats et les politiques.

La fermeture de Renault Vivorde, la plus vieille usine de construction automobile belge, en 1997, a marqué les esprits, et transformé l'approche politique des restructurations des grands groupes. Les dernières annonces d'Arcelor ne rassure ni les syndicats, ni les élus des bassins d'emplois du XIXème siècle dont la reconversion n'est pas achevée.

Vendredi 24 janvier, la direction du numéro un mondial de l'acier, issu de la fusion de l'espagnol Aceralia, du luxembourgeois Arbed et du français Usinor, a annoncé son intention de fermer progressivement, sur une période de dix ans, quatre sites de production d'aciers plats au carbone : Liège (Belgique), Florange (France), Eisenhuettenstadt et Brême (Allemagne).

Cette décision, annoncée par Guy Dollé, le président du groupe, fait suite aux conclusions des études stratégiques menées depuis un an. " Pour le secteur 'Aciers Plats au Carbone', il a été constaté que les objectifs de compétitivité visés ne peuvent être atteints qu'à travers la réalisation d'une stratégie de concentration des outils de la phase liquide sur les sites les plus performants, c'est à dire sur des usines dites littorales ayant les coûts de production les plus avantageux ", explique le communiqué.

Cette décision a été évidemment mal reçue par les employés. 150 salariés de Cockerill Sambre, la filiale belge d'Arcelor, ont manifesté vendredi. " Des initiatives seront prises au cours des prochaines semaines et prochains mois pour réaliser une mobilisation européenne des travailleurs d'Arcelor ", a ainsi annoncé Miguel Fernandez, membre de la délégation reçue vendredi au siège luxembourgeois, avenue de la Liberté.

Les représentants du syndicat FGTB, qui avait remporté 70% des suffrages lors des dernières élections professionnelles, ont décidé " la suspension des négociations sur la mise en œuvre du plan Delta qui sont actuellement en cours ". Ce plan vise à restructurer pour les rendre plus compétitives les phases à chaud et à froid de Cockerill Sambre.

La Wallonie attaque en justice

La région Wallonne s'est mise sur le banc des plaignants, et a décidé d'attaquer le groupe. " Le choix stratégique vers lequel se dirige Arcelor est inacceptable pour le gouvernement wallon au nom des engagements contractés par Usinor puis par Arcelor ", a déclaré Serge Kubla, ministre de l'Economie de la région. Il y a " rupture par rapport à l'esprit de la convention avec pour conséquence une analyse et des actions en justice ".

En 1998, lors du rachat par le français Usinor de Cockerill Sambre à Liège, l'un des principaux symboles du passé industriel de la Wallonie, Usinor s'était engagé à moderniser les hauts fourneaux du site. Aujourd'hui, c'est pour ne pas le faire que le groupe annonce les fermetures des quatre sites.

Côté français, la réaction aussi a été immédiate. " C'est devenu une préoccupation du gouvernement français, et Jean-Pierre Raffarin, vis-à-vis de Jean Claude Van Cauwenberghe [le président de la région wallonne], a bien précisé qu'il allait suivre et demander à Francis Mer, ministre de l'Economie [et prédécesseur de Guy Dollé], et à Madame Nicole Fontaine, ministre de l'Industrie, de s'impliquer fortement dans ce dossier ", a déclaré Gérard Longuet, président de la région Lorraine à la télévision publique belge RTBF.

La presse a pris parti contre la direction du groupe. Le quotidien Le Soir annonce en Une que " les métallos sont prêts à en découdre ". La Libre Belgique évoque le " vendredi noir " de la sidérurgie belge et note que " le séisme social marquera la région ", invitant néanmoins les décideurs à favoriser rapidement la reconversion.

Eclats de voix et chaises renversées

Le Conseil d'entreprise de Cockerill Sambre, qui se tenait lundi 27 au matin a été perturbé par des manifestants affiliés au syndicats FGTB. " Entre 400 et 500 travailleurs de Cockerill se sont rendus au château de Colonster [banlieue de Liège] où se tient un conseil d'entreprise ", a déclaré Fabrice Jacquemart, porte-parole des métallos de la FGTB. " Certains travailleurs ont pénétré de force dans la salle de réunions. Il y a eu des éclats de voix et des tables renversées ", a-t-il ajouté.

" Nous n'allons pas lancer de mot d'ordre de grève dans les prochains jours, car nous sommes sans doute partis pour un combat de plusieurs mois et ce n'est pas la peine de sortir tout de suite la grosse artillerie ", a prévenu Fabrice Jacquemart.

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