D'après un rapport d'information parlementaire, dévoilé ce mercredi, des députés déplorent que "la mise en application de la Loi sur la Transition énergétique adoptée en août 2015 prenne trop de retard." Quelles sont donc les lacunes ? Précisions.
Après le constat sévère en septembre dernier du World Wide Fund for nature (WWF) qui avait pointé du doigt la lenteur de la Transition énergétique, c'est au tour des rapporteurs de la mission d'information de l'Assemblée nationale de déplorer que "sa mise en application prend du retard."
L'occasion pour Frédérique Massat (PS, Ariège), présidente de la Commission des Affaires économiques et Jean-Paul Chanteguet (PS, Indre), président de la Commission du Développement durable de détailler, mercredi 26 octobre, dans un rapport d'information, quelles sont les lacunes de la mise en application de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la Transition énergétique pour la Croissance verte.
"Avec 150 heures de débat, le dépôt de 5.000 amendements, la création d'une commission spéciale, le chantier de son application a été titanesque, a rappelé la députée Frédérique Massat (PS, Ariège) aux parlementaires. Elle restera d'ailleurs l'une des lois les plus importantes adoptées pendant la présente législature (2012-2017)."
Très volontariste, reconnaissent aussi les deux rapporteurs, cette loi s'est fixée comme objectifs tant la réduction de la consommation énergétique que le recours à des sources décarbonées et diversifiées de mix énergétique, dans les secteurs divers comme les constructions de bâtiments neufs et les rénovations, l'implantation d'éoliennes mais aussi le remplacement des compteurs électriques et de gaz.
Sans compter que la loi s'est fixée des enjeux d'avenirs tels que le plafonnement en volume de la part d'énergie d'origine nucléaire, le démantèlement de réacteurs, le prix de l'électricité, le rôle et financement d'EDF, d'AREVA ou d'ENGIE, puis la précarité énergétique.
"Tout retard aurait un effet cumulatif et ses conséquences seraient amplifiées par la suite."
Toutefois, la mission d'information parlementaire qui a passé au crible ses 215 articles a relevé de nombreux retards. Elle reconnait que l'atteinte de tous les objectifs "impose que les actions soient rapidement entreprises : tout retard aurait un effet cumulatif et ses conséquences seraient amplifiées par la suite. Or la mission constate (...) des retards qui paraissent ralentir la poursuite de ces objectifs", estime ce rapport de 411 pages.
Certains "traduisent des blocages de fond non tranchés par la loi", juge le rapport, citant notamment le feuilleton de la publication de la feuille de route énergétique, appelée
Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE)
, qui se penche sur le sujet sensible de l'évolution du nucléaire."Cette première PPE qui doit couvrir la période 2016-2023, et désormais attendue pour cette semaine, après plusieurs mois de consultations, a ainsi "incontestablement ralenti le mouvement d'ensemble d'application de la loi", complète le rapport.
"La PPE devrait faire l'objet d'une loi et non d'un simple décret", Jean-Paul Chanteguet
"La PPE devrait faire l'objet d'une loi et non d'un simple décret, car c'est un élément central de la politique énergétique, a estimé le député Jean-Paul Chanteguet.
Concernant le soutien public aux
énergies renouvelables
, les rapporteurs demandent de "faire paraître le plus rapidement possible" les décrets attendus et réclament au Gouvernement de "justifier le retard".
Le Fonds de garantie pour la rénovation énergétique
n'est pas épargné par les parlementaires. Pour rappel, laPPE
rappelle que l'objectif en matière de financement public est de mobiliser trois milliards d'euros au niveau de la Caisse des dépôts et consignations afin de financer le plan de rénovation des logements sociaux à hauteur de 1,5 milliard d'euros et la rénovation des bâtiments publics à hauteur de 1,5 milliard d'euros. Malgré tout, "le dispositif peine à monter en puissance, comme en témoigne l'application du présent article (Ndlr : article 3)", souligne la députée Sabine Buis (PS, Ardèche).Avant d'ajouter en séance ce mercredi : "La Mission ne peut que regretter que l'application différée de cet article traduise la faiblesse de l'implication financière des pouvoirs publics dans la transition énergétique."
Autre exemple parmi d'autres: un décret doit définir les
critères minimaux de performance énergétique
en cas de location d'un logement mais il se fait attendre alors que sa publication "était envisagée en juin 2016", révèle le rapport. Dans ce contexte, la mission défend le rôle du Parlement pour contrôler la suite de la mise en application de la loi, ajoute, la députée socialiste Sabine Buis. Elle souhaiterait même que les députés puissent se prononcer sur les prochaines PPE qui sont prévues pour prendre la forme d'un décret gouvernemental.Sur le
dossier nucléaire
, le rapport affirme "regretter" que la PPE "ne joue pas (...) son rôle programmatique", en détaillant mieux comment la France entend réduire de 75 à 50% d'ici 2025 la part du nucléaire dans la production de courant.Outre, la fermeture de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin), d'autres fermetures de réacteurs sont évoquées sans être spécifiées, alors que "plusieurs pistes de réflexion" auraient pu être envisagées, basées sur les situations géographiques des centrales ou les activités économiques de substitution, juge enfin le rapport.