EXPERT DS AVOCATS. De quelle manière la loi Elan vient changer la donne en matière de contrats globaux ? Décryptage avec Marie-Pierre Alix, associée et Aude Leprince, collaboratrice au sein de DS avocats.
Au lendemain de la publication au journal officiel de la loi pour l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite "loi Elan", le temps est venu de s'interroger sur les conséquences concrètes de ces nouvelles dispositions sur la commande publique et notamment sur la passation de marchés de conception-réalisation, autrement appelés "contrats globaux".
Sur la notion de marché de "conception-réalisation" et le régime antérieur à la loi Elan
La notion de marché de conception-réalisation permet au maître d'ouvrage de déroger au principe de droit public selon lequel les missions du maître d'œuvre et de l'entrepreneur pour la réalisation d'ouvrages publics sont nécessairement distinctes.
Des dérogations strictes à ce principe sont intégrées dans la loi du 12 juillet 1985 relative à la maitrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée, dite "loi MOP".
Selon les dispositions prévues par l'article 18 de cette loi, le maître d'ouvrage public peut passer outre le processus de passation de deux contrats distincts et confier la conception (maîtrise d'œuvre) et la réalisation (entrepreneur) d'un ouvrage via un marché de "conception-réalisation" à un groupement d'opérateurs économiques ou à un seul opérateur de droit privé uniquement dans deux hypothèses, à savoir :
- lorsque l'ouvrage présente une "technicité particulière", par exemple les ouvrages en grand volume ou bien en souterrains exceptionnels ;
- lorsque l'ouvrage a fait l'objet "d'un engagement contractuel d'amélioration de l'efficacité énergétique", depuis la loi Grenelle II du 12 juillet 2010.
Le recours à ce type de marchés faisait l'objet d'une interprétation stricte par le juge administratif.
Désormais, l'objectif non dissimulé du gouvernement à travers la loi Elan est de permettre aux autorités adjudicatrices de "construire plus, mieux et moins cher". A cette fin, la loi Elan étend le champ d'application du marché de conception-réalisation et assouplit le processus de passation de ces contrats pour les bailleurs sociaux (II).
Les modifications apportées par la loi Elan aux profit des bailleurs sociaux
D'une part, la loi pérennise l'autorisation des bailleurs sociaux et autorise jusqu'en 2021 les centres régionaux d'œuvres universitaires et scolaires (Crous) à disposer librement de la procédure de conception-réalisation pour les marchés portant sur la construction de logements sans avoir à justifier d'une technicité particulière de l'immeuble à construire.
Cette possibilité, introduite par la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion du 25 mars 2009, avait été reconduite une première fois pour les bailleurs sociaux jusqu'au 31 décembre 2018.
Les architectes se sont naturellement mais vainement opposés à ces nouvelles dispositions, qui les écartent du processus de construction issu de la commande publique.
Denis Dessus, Président du Conseil national de l'ordre des architectes et membre du collectif "Ambition logement", a déploré l'adoption de ce texte, prédisant que le bailleur social se tournera naturellement vers les géants du BTP, dotés des moyens techniques et humains pour assurer la mission de conception et de réalisation à eux seuls.
Cette évolution se fera au détriment des architectes mais également des acteurs essentiels du milieu de la construction, les artisans et PME.
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