La France dépense 40 milliards d'euros par an dans sa politique publique du logement. Pourtant, les résultats ne seraient pas à la hauteur de cet effort budgétaire, selon le think tank Fondation Ifrap. Dans une étude sur le logement social, il dresse un constat décevant et propose de… stopper la création de tels logements. Zoom.
La crise du logement ne serait pas celle du logement social, à en croire l'analyse faite par la Fondation Ifrap, un groupe de réflexion sur les politiques publiques. Le parc de logements sociaux représente en effet 17 % de l'ensemble du parc français, soit deux fois plus que la moyenne dans l'Union européenne (8,6 %). Ainsi, 40 Mrds € (soit 2,3 % du PIB) seraient dépensés chaque année pour soutenir cette politique volontariste, là encore deux fois supérieure à ce qui se pratique chez nos voisins. "Les aides publiques en direction des bailleurs sociaux représentent 9 Mrds €, auxquels s'ajoutent 7 Mrds € d'aides personnelles que perçoivent directement les bailleurs sociaux (…) Les aides personnelles au logement sont, avant tout, des aides sociales : leur montant (17 Mrds €) est supérieur aux allocations familiales (12,5 Mrds €) ou encore au RSA socle (7,8 Mrds €)", décortique le rapport du think tank.
Les auteurs poursuivent : "Le résultat n'est pourtant pas à la hauteur (…) dans les zones tendues, où la crise du logement se concentre, la puissance publique est incapable de trancher entre loger les plus pauvres et 'faire de la mixité sociale'". La Fondation Ifrap note ainsi qu'en zone urbaine, les locataires les plus pauvres seraient majoritairement logés dans le parc privé, alors qu'un quart des occupants de logements sociaux appartiendraient aux franges dont les revenus sont les plus élevés. En tout, 66 % des Français seraient éligibles à entrer dans un habitat social. Outre cette situation paradoxale, le rapport pointe "un déchaînement normatif et bureaucratique en matière de logement", une nouvelle étape étant franchie avec la loi SRU renforcée et le projet de loi Egalité et citoyenneté. L'étude souligne les taux de vacances de ces logements créés dans les zones détendues : "Alors que la moyenne nationale est de 1,6 %, ce taux atteint dans certains territoires près de 10 %. A Saint-Etienne, le taux atteint les 7 % (alors même que l'agglomération est soumise à la loi SRU)". Une modulation serait prévue mais les élus locaux feraient pression afin d'obtenir toujours plus de constructions. "Le comble étant que des organismes HLM, faute de candidats, proposent leurs logements sur Leboncoin ou dans des agences immobilières", s'étonnent les auteurs.
Diviser par deux les aides aux organismes HLM
Ils souhaitent un radical changement de politique, avec l'abandon du rôle généraliste du logement social en "limitant son intervention à l'hébergement des personnes qui, souvent provisoirement, ne peuvent pas se loger par elles-mêmes". La Fondation Ifrap formule plusieurs propositions afin de libéraliser les initiatives et encourager les bailleurs privés à investir dans le logement intermédiaire. Elle propose notamment de déléguer la politique du logement aux régions et de supprimer l'article 55 de la loi SRU qui fixe à 25 % le taux de logements sociaux au niveau national. De même, elle suggère de ramener progressivement les aides publiques au logement à 1 % du PIB (soit 3 Mrds € de baisse sur cinq ans), afin d'atteindre des valeurs comparables à celles observées en moyenne dans l'UE. Pour les zones détendues, les auteurs estiment qu'il faut cesser de construire des logements sociaux et même de "les revendre à leurs occupants ou à des bailleurs privés". De même, dans certaines zones tendues, "obliger les villes qui (en) comptent plus de 30 % (…) à les céder progressivement". Pour le cas particulier de Paris, ils conseillent de stopper la politique de préemption qui conduirait à un "mitage" défavorisant le secteur libre, et de "limiter la part des logements sociaux dans les opérations de promotion neuves". Le but ? Ramener le parc dans la moyenne européenne de 10 %, y compris en incitant les organismes à revendre les biens une fois les prêts remboursés, à l'image de ce qu'il se fait en Allemagne.
Outre ces propositions libérales, les auteurs vont encore plus loin et recommandent de "supprimer le prélèvement pesant sur les entreprises (0,45 %)", de "baisser la fiscalité immobilière en privilégiant d'abord (…) les transactions et les revenus locatifs" ou de "supprimer l'encadrement des loyers issu de la loi Alur". Enfin, pour relancer la construction privée, ils avancent l'idée de laisser les intercommunalités délivrer les permis de construire et de faciliter la constructibilité des terrains "notamment face aux réglementations agricoles". Dans sa conclusion, le rapport explique : "Le logement est un facteur d'efficacité économique : un marché du logement fluide favorise la mobilité des travailleurs. A l'inverse, une politique qui fige les situations, que ce soient les propriétaires, les locataires du parc social ou privé par le biais de rentes ou de coûts de mutation, va entraver le marché du travail". L'Etat, selon Ifrap, serait donc trop interventionniste et devrait laisser libre-cours à une libéralisation beaucoup plus poussée…