FISCALITÉ. Dans un rapport publié ce jeudi, la Cour des comptes alerte avec "insistance" l'État sur le coût des dépenses fiscales liées au logement, qu'elle a chiffré à 18 milliards d'euros pour la seule année 2018.

C'est un porte-feuille de crédits d'impôts, exonérations fiscales et autres prêts à taux réduit qui coûtent de plus en plus cher à l'État : 18 milliards d'euros en 2018, selon la Cour des comptes qui rend public le 21 mars 2019 un rapport, à la demande de la commission des Finances de l'Assemblée nationale.

 

A l'échelle du budget de l'État, les dépenses fiscales liées au logement représentent "près de 20%". Totalisant un montant à 11 chiffres, ces dépenses "excèdent parfois le montant des crédits inscrits dans les programmes budgétaires auxquels ils sont rattachés".

 

Une "absence de pilotage et d'évaluation de ces dispositifs complexes"

 

De ce qui ressemble à un dérapage budgétaire, la Cour des comptes préfère parler d'une "absence de pilotage et d'évaluation de ces dispositifs complexes", et appelle "avec insistance" l'État à "limiter la durée d'existence de ces dispositifs et de ne laisser perdurer que les dépenses fiscales, qui, après avoir été évaluées avec rigueur, ont fait la preuve de leur efficience".

 

Ce que le Logement rapporte à l'État
Le secteur du Logement a rapporté, en 2017, 74,4 milliards d'euros de prélèvements, comme le révélait en août 2018 le ministère lui-même. Ils se déclinent comme suit : 15,7 milliards pour les prélèvements sur la consommation associée au service de logement (dont 11,4 milliards de TVA), 31,4 milliards pour les prélèvements sur les producteurs de service de logement (dont 22,1 milliards de taxe foncière sur les propriétés bâties), 14,1 milliards pour les prélèvements sur l'investissement en logement (dont 6,5 milliards de TVA sur logements neufs) et enfin 13,1 milliards de prélèvements sur les mutations (dont 11,5 milliards sur les droits de mutation à titre onéreux).

 

TVA à taux réduit pour les travaux sur logement, TVA réduite pour les opérations réalisées par des organismes de logement social (qui passera à 10% au lieu de 5,5%), déduction des revenus fonciers des dépenses de grosses réparations sont les dépenses fiscales qui coûtent le plus à l'État, qui se chiffrent respectivement à 3 milliards, 2,45 milliards et 1,845 milliard d'euros. Non loin, en quatrième position, le crédit d'impôt pour la transition énergétique, qui a coûté 1,682 milliard d'euros, d'après le projet de loi finances 2019.

 

Rapport Cour des Comptes mars 2019
Rapport Cour des Comptes - "La gestion des dépenses fiscales en faveur du logement" - 21 mars 2019 © Cour des Comptes

 

Pilotage, mesure, présentation, évaluation, conception, contrôle. Telles sont les 7 antiennes adressées par la Cour des comptes à l'égard de l'Etat, dans un objectif de meilleur pilotage et évaluation des dépenses fiscales pour le secteur du logement.

 

En ce sens, la juridiction administrative appelle en premier lieu à réaliser "des arbitrages" entre les différents dispositifs existants, dont elle estime que certains sont "datés". A titre d'exemple, "plus d'un tiers" des 66 dépenses fiscales recensées par la Cour des comptes "ont été conçues avant 2000", la plus ancienne datant de 1936.

 

Le bilan "limité" du pilotage des dépenses

 

Malgré le détail des dépenses fiscales apporté par le rapport de la Cour des comptes, les Sages de la rue Cambon estiment que "le montant global affiché dans la loi de finances (2017) sous-estime le volume réel des dépenses fiscales en faveur du logement". De plus, le fait que ces chiffrages soient réalisés a posteriori (N+2) a tendance à "priver les parlementaires de l'information pendant deux ans".

 

 

En ce sens, la Cour des comptes appelle à un meilleur chiffrage des dépenses fiscales, en incluant le coût des mesures dérogatoires, et en présentant de manière concrète l'efficience, sinon l'efficacité de ces mesures sur la politique du logement. La juridiction note néanmoins que "des progrès indéniables ont été réalisés ces dernières années".

 

Si le pilotage des dépenses fiscales est rendu possible par les conférences fiscales du ministère de la Cohésion des territoires et menée par la Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), la Cour des comptes affirme que le bilan reste encore "limité".

 

"Renoncer" aux dispositifs inefficaces, et impossibles à mesurer

 

Il en est de même pour l'évaluation des dispositifs fiscaux, particulièrement "délicate" quand il s'agit de logement, affirme le rapport. A l'heure actuelle, les "lacunes" quant à ces mesures se justifieraient par des données qui "n'étaient pas transmises par l'administration fiscale chargée de leur recueil". Pire, "ces informations ne peuvent même pas être collectées en raison de la carence des déclarations fiscales des bénéficiaires de ces mesures". Pour tenter de palier ce flou statistique, le rapport préconise un plus grand partage d'informations et un "travail conjoint" entre l'Insee, Bercy et le ministère du Logement.

 

Cette illisibilité des dispositifs fiscaux rend ainsi "illusoire" toute initiative de contrôle, quand bien même "le législateur a introduit de façon croissante des contreparties que devraient respecter les bénéficiaires des dépenses fiscales", comme le rappelle la Cour des comptes. Pour les dispositifs trop dispersés pour être effectivement recensés, la juridiction appelle à y "renoncer".

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