UNION SACRÉE. Réunis lors d'un point presse commun, plusieurs acteurs du logement et élus ont lancé un appel à "un pacte de construction" pour une "politique plus ambitieuse".

C'est un portrait de famille peu courant, pour ne pas dire rarissime. De la Fédération française du bâtiment à la Fondation Abbé Pierre, en passant par l'Union sociale pour l'habitat, l'Association des maires de France et France urbaine, plusieurs acteurs du logement se sont passé le micro pour décrire un même constat.

 

"Nous sommes collectivement très inquiets face à la crise du logement qui risque de s'aggraver", a introduit le président de l'USH Jean-Louis Dumont en ouverture des prises de parole. Ce qui suscite cet état d'alarme au point de réunir des acteurs très divers, n'est autre que le peu d'espace accordé à la thématique du logement dans le Grand débat national, "singulièrement peu ou mal posée dans les questionnaires", peste Jean-Louis Dumont.

 

Présent au débat d'Evry-Courcouronnes tenu le 4 février dernier autour du président Macron, Christophe Robert de la Fondation Abbé Pierre rappelle avoir "vu revenir le sujet du logement sans arrêt, preuve qu'il faut y apporter une réponse". Pour le délégué général de l'association de lutte contre le mal-logement, il ne faut pas perdre de vue la dimension humaine, "et considérer le sujet du logement à la mesure de tout ce qu'il impacte à l'échelle de la société".

 

Car le premier point de convergence de ces acteurs se trouve plutôt dans les derniers chiffres de la construction - à la baisse - qui n'ont épargné ni les bailleurs sociaux ni les acteurs du marché privé. Les dernières données ministérielles font état d'une baisse respective de -7,1 % et de -7% des logements autorisés, et ceux mis en chantier au cours de l'année 2018, en comparaison avec 2017. En ce début d'année, de nombreux acteurs de la production du logement ont témoigné de ce même décroissement.

 

Pacte de construction

 

Parmi eux, les dirigeants de LCA-FFB qui accusaient, le 14 février dernier, un début de récession avec une chute de 11,3% sur les ventes de maisons individuelles en secteur diffus. Même morosité du côté des bailleurs sociaux, alors que le ministre Julien Denormandie annonçait la production de 109.000 logements sociaux en 2018 contre 113.000 l'année précédente.

 

Le ralentissement fait tâche d'huile, et touche les différents maillons de la chaîne de production d'habitat, notamment les entreprises de construction qui constatent "une sérieuse et brutale détérioration des résultats du 4e trimestre", selon Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment. "Si les carnets de commande sont encore bien garnis, nous nous inquiétons quant à leur alimentation au cours des prochains mois", a-t-il alerté.

 

Dans ce qui ressemblait ce matin à une union sacrée, ses membres ont appelé à l'unisson à "une politique du logement plus ambitieuse", se disant prêts à œuvrer ensemble pour un "pacte de construction de logement durable et abordable". L'occasion pour certains, d'engager une nouvelle réflexion sur la négociation, voire le retrait de certaines dispositions du projet de loi Finances 2018. "On sent un souffle, le Grand débat national a rouvert des dossiers, alors nous en rouvrons également", confiera plus tard la directrice générale de l'USH Marianne Louis.

 

Contribution commune

 

Disparition programmée du prêt à taux zéro sur le neuf en zones B2 et C, suppression de l'APL Accession, réduction de cinq euros sur les APL, hausse de la TVA sur la construction et la rénovation, doublement de la réduction du loyer de solidarité (RLS)…voici, pêle-mêle les mesures qui touchent et toucheront des acteurs du logement, dont certains s'agacent. "Il faut arrêter de dénigrer systématiquement la politique du logement sous le simple prétexte d'une réduction du déficit budgétaire", a tempêté Jacques Chanut.

 

Du côté des collectivités, le président de l'AMF, maire de Troyes et ancien ministre François Baroin estime que "tous les clignotants sont au rouge depuis l'affaire de l'APL". "Nous sommes à la veille, si rien n'est fait, d'une crise globale à dimension sociale, économique et d'anticipation de l'équilibre de nos collectivités territoriales", a-t-il mis en garde, brandissant son passif à Bercy en tant que ministre du Budget.

 

Alors que les bailleurs sociaux collectent moins de recettes des loyers du fait de la RLS , "cela les pousse à siphonner leur auto-financement", rappelle François Baroin. Une perte de fonds propres qui pourrait mettre à mal les communes, qui assurent des garanties d'emprunt lors d'opérations de construction de logement sociaux, dont le stock avoisinerait les 140 milliards d'euros selon le maire de Troyes.

 

Preuve des interdépendances entre des secteurs parfois cloisonnés, les professionnels et élus présents ce matin veulent désormais tirer profit de cette entente pour l'expliciter dans une contribution commune au Grand débat national. "Nous sommes capables, collectivement, de faire des propositions. Au lieu de s'arrêter à la baisse des moyens et de la production, nous préférons inverser la tendance et se donner des objectifs pour construire encore plus de logement", proclame Marianne Louis.

 

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