A maintes reprises décriés, notamment par les architectes, les partenariats publics privés sont, cette fois, la cible d'un rapport du Sénat. Sont pointées du doigt la dérive des coûts et l'utilisation à outrance de cette procédure. Détails.
"Les PPP sont nés en Grande-Bretagne et sont en train d'y mourir", le constat dressé par Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, et co-rédacteur du rapport très attendu sur les PPP : "Les contrats de partenariats : des bombes à retardement ?" est sans appel. En dix ans d'existence, cet outil a su déchaîner les passions. Soutenu par certains et vivement critiqué par d'autres (notamment par les architectes), le dispositif est clivant.
Dans le rapport publié ce mercredi 16 juillet, les sénateurs Jean-Pierre Sueur et Hugues Portelli épinglent certaines pratiques, tout en éludant une éventuelle suppression : "Aujourd'hui, on sort de l'idéologie du tout PPP [...] mais il ne s'agit pas d'exclure cet outil", a indiqué Jean-Pierre Sueur lors d'une conférence de presse. Selon lui, restreindre l'utilisation du PPP serait une solution : Il faut "une définition plus stricte du critère de complexité soutenant le recours au PPP", note Hugues Portelli. Et d'ajouter : "Les PPP doivent être prévus pour des opérations qui ont un véritable coût". Le coût justement. Selon le rapport, le montant moyen des PPP des collectivités territoriales (qui représentent 80% des PPP) serait de 69 millions d'euros. Souvent évoquées par les opposants du contrat : la durée excessive des contrats, et l'explosion des loyers qui alourdissent la facture.
Des dérives sur certains chantiers
Résultat : cet outil, qui a été utilisé pour construire de nombreux équipements publics, laisse parfois un goût amer. Certains chantiers comme celui du canal Seine nord Europe ou encore du TGI de Paris piétinent ou ont été ralentis par des procédures, d'autres sont malmenés comme celui du CHU de Rennes ou encore l'université Paris-VII Diderot. Mais l'échec le plus retentissant revient au Centre hospitalier sud-francilien (CHSF). L'établissement, situé entre les villes de Corbeil-Essonne et Evry, a définitivement signé la résiliation du PPP qui le liait au groupe Eiffage, via sa filiale Héveil au mois de mars dernier.Les détracteurs épinglent le manque de concurrence
Outre le coût, le manque de mise en concurrence est souvent cité par les détracteurs du contrat. Dans une tribune de mars 2013, Denis Dessus, alors délégué juridique de l'Union nationale des syndicats français d'architectes (Unsfa), soulignait que "92% des marchés revenaient aux grandes entreprises. La concurrence est limitée que ce soit pour la maîtrise d'œuvre, les avocats, etc., et forcément, cela se répercute sur les prix", s'indignait-il. Avant d'affirmer : "Lorsque l'on regarde les candidatures, on trouve souvent une offre sérieuse, une offre trop élevée et une troisième insignifiante. Dans le bâtiment, les PME se battent dans une concurrence féroce pour décrocher une opération alors que sur les gros marchés, il n'y a pas de réelle concurrence". Un sentiment que le rapport semble partager puisqu'il préconise une part minimale de l'exécution du PPP à confier aux PME et artisans.Des réussites...
Reste que certains PPP semblent bien fonctionner comme celui signé pour la construction de la rocade de Tarbes. D'ailleurs, les défenseurs du système n'hésitent pas à mettre en avant sa réussite. Christian Germa, directeur des partenariats public-privé chez Vinci Construction France, indiquait lors d'une table ronde en novembre 2012 "que depuis leur existence, seulement deux [PPP] n'ont pas été achevés sur les 150 signés." Et de compléter : "Son avantage? La simplification de procédures et la qualité de services rendus qui n'ont pas d'équivalent en maîtrise d'ouvrage public." Toutefois, Olivier Miens, directeur adjoint d'Eiffage Concessions en charge du développement, admettait que le dispositif pouvait être amélioré notamment en termes juridiques : "On se rend compte, en effet, que les tribunaux administratifs ne le comprennent pas toujours très bien et ils ne s'adaptent pas forcément aux complexités du contrat en cas de recours", jugeait-il. Un point de vue que semblent partager les rapporteurs qui ont émis 13 propositions dont l'exclusion du choix de l'équipe d'architecture du champ du PPP. Une proposition qui devrait satisfaire les intéressés. Mais pas forcément tout le monde. Pas de doute, les PPP sont "loin" de faire consensus. Et le sujet est "loin" de ne plus faire débat…
Découvrez en page 2 les 13 propositions du rapport
Marc Teyssier d'Orfeuil, Délégué Général du club des PPP, n'a pas été surpris par les conclusions : "Il n'y a rien de bien neuf dans le rapport. Concernant l'accession aux marchés par les PME et TPE, c'est déjà le cas. Ainsi, les petits PPP bénéficient aux groupes de taille moyenne". Quant au choix de l'équipe d'architectes, il faudrait, selon lui, "laisser la liberté de le faire dans le PPP ou à l'extérieur". Enfin, sur l'encadrement des PPP réservés à des opérations à coûts élevés, il se montre davantage favorable "à l'efficience économique comme critère de choix accompagné d'une bonne analyse du projet en amont".