Devant la pénurie de bois et l'augmentation des prix qui en découlent, les industriels du bois estiment qu'il est urgent de «rationaliser l'utilisation» de cette matière première. En ligne de mire, le bois de chauffage, vu par ces industriels comme un concurrent direct, puisant dans des ressources de moins en moins disponibles. Explications.
Les industriels du bois tirent la sonnette d'alarme. Plus d'un an après le discours du président de la République à Urmatt, plaidant pour la production de 12 millions de m3 supplémentaires à l'horizon 2012, plusieurs organisations se sont réunies pour signaler leur inquiétude. «A la suite d'arrêts momentanés de leurs usines faute d'approvisionnement, les fabricants européens de panneaux de process ont décidé d'une journée de mobilisation afin d'alerter les pouvoir publics», indiquait vendredi l'Union des industriels des panneaux de process (UIPP). A l'heure actuelle, le secteur de la construction représente 50% des besoins de bois en France. La filière bois représente 40 milliards de chiffre d'affaires, et exporte la moitié de sa production vers des pays dont la demande augmente constamment.
L'UIPP explique que la pénurie de matières premières fait grimper les prix et oblige les industriels à aller se ravitailler de plus en plus loin des usines. De plus, l'augmentation des prix est dommageable pour l'utilisation du bois dans la construction, le matériau étant «en concurrence directe avec le béton et le métal». Pour ces industriels, l'heure est à la «rationalisation de l'utilisation du bois». Surtout, précise Laurent de Sutter, président de l'UIPP, «nous ne voulons pas que l'on subventionne le circuit court qui va de la forêt à la chaudière». En d'autres termes, les industriels voient d'un mauvais œil la multiplication, via le Grenelle de l'environnement, des subventions pour le chauffage au bois, alors qu'ils peinent à trouver assez de matière première pour la construction ou la fabrication de meubles et prônent l'utilisation de bois en fin de vie pour la conception de pellets (granulés de bois servant au chauffage).
«On a surestimé la ressource mobilisable»
Bien sûr, ces arguments auraient pu être avancés un an plus tôt, lorsque Nicolas Sarkozy a annoncé que sur les 23% d'énergie renouvelable produite par la France d'ici à 2020, 23% devrait provenir de la biomasse forestière. «On a surestimé la ressource mobilisable, et on n'a pas su regarder ce qui se faisait autour de nous, en Europe», admet Laurent De Sutter. «Il faut remettre à plat tout ce qui est subventionné et savoir que notre filière stocke le CO2. Et le bois, en fin de vie, peut être transformé en énergie». La surestimation, c'est aussi d'avoir pris en compte les rémanents, ces résidus de branches ou de troncs mal coupés abandonnés en forêt. S'ils sont comptabilisables en théorie, leur exploitation s'avère en réalité très couteuse au niveau économique, mais aussi écologique, d'après l'UIPP. De plus, tous les types de bois ne sont pas voués à n'importe quel usage.
Utiliser le bois énergie intelligemment
Pour Laurent Denormandie, président de la Fédération nationale du bois, «le bois énergie, c'est une chance pour la filière à condition que les choses soient faites intelligemment. Car si l'on doit parcourir 400 km pour l'acheminer vers la chaudière, c'est un non-sens». Mais pour l'heure, devant l'urgence de la situation pour les industriels, ces derniers ont du mal à accepter la montée en puissance du chauffage au bois, qui, en utilisant du bois «neuf», vient directement piocher dans leurs matières premières. Autre argument des industriels, le bois matériau est un puits de carbone, son utilisation dans la construction est donc aussi vertueuse que celle des pellets pour le chauffage.
«L'offre de bois n'est pas suffisante, il faudrait donc privilégier les industries qui existent déjà avant de chambouler le marché», estime Luc Charmasson, président de l'Union des industries du bois. «Nous n'avons pas fait suffisamment d'efforts pour valoriser les déchets sur les chantiers», reconnait-il cependant. Une autre solution à explorer pour la transformation en chauffage du bois en fin de vie ?
Les acteurs de l'industrie du bois demandent que soit nommé un médiateur interministériel pour arbitrer toutes ces questions. En plus d'une réorientation des subventions vers l'industrie, des incitations à brûler le bois en fin de vie et à utiliser le bois en tant que matériau, ils veulent impliquer la filière en amont, notamment dans les décisions d'implantation des sites énergétiques et de leurs plans d'approvisionnement.