« Où sont les femmes ? Avec leurs gestes pleins de charme… » La chanson de Patrick Juvet résonne toujours en 2010, quand on s'interroge sur la place des femmes dans le monde du travail et dans le secteur du bâtiment en particulier. Journée de la femme, proposition de loi pour accroître leur nombre dans les instances dirigeantes, label décerné aux entreprises qui oeuvrent pour la valorisation de celle-ci… les démarches sont légion, mais qu'en est-il de la réalité sur le terrain et autour des tables de patrons ? Eléments de réponse et portraits d'actrices du BTP.
Le BTP se féminise. C'est un fait à en juger les chiffres. Autrefois très majoritairement dominé par les hommes, le secteur du bâtiment est en pleine mutation. En mars 2004, le président de la Fédération du bâtiment (FFB), Christian Baffy, lance le défi de tripler le nombre de femmes en production dans le bâtiment pour atteindre 30.000 à l'échéance de 2009. Pari presque réussi, puisqu'elles étaient 28.500 à travailler ou à se former dans ce secteur à la fin de l'année dernière. A la Confédération artisanale des petites entreprises du bâtiment (Capeb), le bilan est plus mitigé : « Elles ne seraient que 3% de femmes chef d'entreprise, beaucoup par reprise d'entreprise », note Roselyne Lecoultre, administrateur et présidente de la Commission nationale des femmes d'artisans. Elle qui a milité depuis le début de son premier mandat en 2000, pour l'obtention du statut de conjoint d'artisan, demeure « loin d'être satisfaite » tout de même quant au nombre de femmes qui ont adopté ce statut. En effet, la Capeb dénombre à ce jour 12.000 conjoints collaborateurs, dont beaucoup de salariées. Du côté de la formation aux métiers du bâtiment, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) ne cesse de se mobiliser pour la valorisation de la place des femmes dans le monde du travail. Ainsi, depuis 10 ans, la formation dans les secteurs visés par le plan égalité homme-femme, à l'AFPA, se féminise lentement, mais de façon régulière, passant de 26.4% en 1997 à 30.85% en 2009. Toutefois, l'année dernière a été marquée par une chute du nombre de femmes accueillies à l'AFPA, puisqu'elles étaient 35.5% en 2008 !
A l'occasion de la Journée de la femme, le 8 mars dernier, la FFB a renouvelé sa communication et multiplié les événements sur tout le territoire. Depuis 10 ans, la Fédération a entrepris une politique d'ouverture du secteur du bâtiment, avec la signature d'un protocole, dès 2000, avec le ministère de l'Equipement et des partenaires de la branche BTP, avec pour objectif de promouvoir des actions d'intégration et de maintien des femmes dans le secteur. L'année suivante, elle lance ainsi sa première campagne de communication s'adressant aux femmes « Osez le bâtiment et les travaux publics ». En 2005, la Fédération édite un guide des bonnes pratiques « Les femmes dans le Bâtiment, c'est possible ! », et lance la campagne d'affichage « Le bâtiment nous va si bien… ». Cette journée du 8 mars aura aussi été l'occasion de reparler au sein de toutes les entreprises de la mixité. Un thème qui est même devenu un label !
Un label pour parler d'égalité
En 2005, au sein de l'organisme de certification Afnor, le label Egalité Professionnelle est créé. Lancé à l'initiative des pouvoirs publics et des partenaires sociaux, il se veut un signe d'exemplarité qui distingue une organisation quels que soient son statut, son activité et sa taille, oeuvrant efficacement et en permanence pour l'égalité et la mixité professionnelles. A ce jour, 40 organisations représentant plus de 800.000 collaborateurs bénéficient de ce label ! « C'est le reflet de la réalité et c'est loin d'être satisfaisant ! », avoue Thierry Geoffroy, chargé de mission auprès de la direction générale d'Afnor Certification. Délivré pour une durée de trois ans renouvelable avec une évaluation intermédiaire à 12 ou 18 mois, le label Egalité Professionnelle est attribué selon 15 critères s'articulant autour de 3 domaines : la prise en compte de l'égalité professionnelles dans les relations sociales, l'information et la culture de l'organisme ; la gestion des ressources humaines et le management ; la parentalité dans le cadre professionnel. « Les entreprises ont une obligation d'évoluer une fois qu'elles ont reçu le label », précise Thierry Geoffroy. D'ailleurs, certaines ont vu leur certification retirée suite à des engagements non tenus… « Il s'agit davantage d'une approche grands groupes que PME, car la question se pose sur plusieurs secteurs d'activités en général », ajoute-t-il.
Dans le secteur du BTP, seule une entreprise peut se targuer de détenir ce label : la société Quille, filiale régionale du groupe Bouygues Construction, a obtenu cette distinction fin 2008. « Il faut réussir à lutter contre les stéréotypes, surtout dans ce secteur plein de préjugés », souligne l'homme de l'Afnor. Ainsi, l'entreprise qui s'engage à vouloir le label Egalité Professionnelle participe, en amont, à un dialogue social, puis, s'engage sur des chantiers, cahier des charges à l'appui. « Le label est un point de départ, explique Jacques Crémer, Directeur des Ressources Humaines de Quille. Cela oblige les entreprises à suivre les actions mises en place ». Quille compte actuellement 270 femmes sur un total de 1.900 collaborateurs. Pour accroître le nombre de femmes au sein de l'entreprise, Quille a instauré des indicateurs dans le cadre de l'égalité en matière de gestion de carrière, qui visent à ne pas créer d'inégalité salariale, qui prône l'accès à la formation ou qui indique le taux de promotion. Dans le cadre de la parentalité, par exemple, Quille s'engage à compléter à 100% la rémunération du père qui prend son congé de paternité.
·Elles représentent 42% des formations de niveau techniciens contre 29% pour les niveaux supérieurs.
·Les femmes en formation à l'AFPA sont plus âgées que les hommes : 78% ont plus de 25 ans contre 70% pour les hommes.
·Les femmes ont une formation initiale supérieure aux hommes avant leur entrée en formation : 30% des femmes sont titulaires d'un niveau supérieur ou égal au BAC contre 22% des hommes.
·Elles sont moins mobiles : seules 6 % ont suivi une formation dans une autre région que celle de leur résidence contre 16% pour les hommes.
·Elles sont généralement plus assidues que les hommes : 46 % des abandons sont pour fait de placement et seulement 33,4% pour raison de santé.
·Leur réussite à l'issue des formations est identique à celle des hommes : 36% des femmes sont diplômées à l'issue de leur formation.
·En 2009, 21 052 femmes ont obtenu un titre professionnel (diplôme)