La parité réseau est presque atteinte : les coûts de production ont chuté de façon drastique au cours des dernières années alors que le prix du courant électrique a augmenté dans le même temps. Explications avec Arnaud Mine, du Syndicat des Energies Renouvelables et Philippe de Ladoucette, président de la Commission de Régulation de l'Energie.
Lors de son allocution d'ouverture du colloque annuel du photovoltaïque, la ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, a renouvelé sa confiance et a rappelé sa fierté de la filière solaire française : "La France a la capacité de développer sa compétitivité. Cette énergie, dont les prix ont baissé de 75 % en 5 ans, se trouve à la convergence des enjeux économiques et environnementaux. Un 'New Deal' écologique, permettra une relance par la transition énergétique". Une annonce accueillie avec enthousiasme par les professionnels : "La filière photovoltaïque a été bousculée et chahutée par des changements politiques et réglementaires. Il y a eu des mesures d'urgence prises par le ministère - réponse aux appels d'offres, relèvement des tarifs d'achat, bonification des contenus technologiques européens. Désormais, le photovoltaïque arrive presque à la parité réseau ; il n'est donc plus budgétivore et son développement aura un impact réduit sur la CSPE".
La Contribution au service public de l'électricité est, rappelons-le, un prélèvement fiscal effectué auprès des consommateurs et destiné à rembourser aux opérateurs des surcoûts liés aux obligations de mission de service public. Son montant global a fortement progressé ces dernières années, passant de 1,94 Md€ en 2010, à 2,88 Md€ en 2011 puis 4,3 Md€ en 2012. En 2013, elle devrait même dépasser les 5 Md€, dont 3 Md€ liés aux EnR. Une explosion que la Commission de régulation de l'énergie (CRE) explique par l'obligation des contrats d'achat. "En 2017, la CSPE atteindra les 7,65 Md€ par an, dont 4,8 Md€ pour les énergies renouvelables, y compris 2,5 Md€ pour le photovoltaïque", expose Philippe de Ladoucette, président de la CRE, pour qui le plus dur serait déjà fait…
Polémique autour de la CSPE
"Il faut revoir le mode de calcul de la CSPE !", réclame donc Eric Vincent, de GDF Suez. "Le solaire photovoltaïque est l'énergie qui a connu la croissance la plus impressionnante dans le monde en 10 ans. La hausse des rendements et la baisse des coûts de production vont se poursuivre. La parité réseau, nous y sommes déjà dans certaines régions". Car dans le sud, plus favorisé en termes d'ensoleillement, la majorité des installations solaires sur des maisons individuelles seront très prochainement (2014 ou 2015) à même de produire une électricité à un coût égal - voire inférieur - au tarif de l'électricité acheminée par le réseau. Mais, Philippe de Ladoucette explique l'impact des EnR sur la CSPE : "Nous importons plus d'électricité d'Allemagne et d'Espagne qu'auparavant, particulièrement depuis le début de cette année compte tenu des conditions météorologiques. Or, ils produisent fortement des énergies renouvelables. En choisissant d'importer de l'énergie moins chère, le prix de l'électricité de gros diminue, passant de 50 €/MWh à 42 €/MWh, tiré vers le bas par le tarif allemand de 38 €/MWh. Un phénomène qui entraîne un manque de rentabilité pour les centrales traditionnelles qui sont de plus en plus souvent stoppées. La différence entre le prix de gros et le prix d'achat du courant des énergies renouvelables s'accroît, générant de ce fait un impact sur la CSPE. Les tarifs réglementés, payés par les consommateurs finaux, vont donc continuer à augmenter, de l'ordre de +30 % d'ici à 2017". Une mécanique implacable qui tendrait finalement à favoriser les EnR… chez nos voisins européens plutôt qu'en France.
Une situation absurde pour Arnaud Mine : "Le photovoltaïque est une production décentralisée qui n'est pas obligée d'utiliser le réseau de distribution de l'électricité. Il n'est donc pas justifié de faire peser sur elle la CSPE !". Un plaidoyer pour l'autoconsommation soutenu par Eric Vincent (GDF Suez) : "Avec la poursuite de la baisse des coûts de production de l'énergie photovoltaïque, on atteint maintenant la parité réseau, et l'autoconsommation devient souhaitable dans des îlots urbains par exemple". Pour autant, des investissements lourds sur les réseaux devront tout de même être réalisés. Gilles Gallean, directeur technique à ErDF, explique : "Le fort développement des EnR, avec 3,3 GW de puissance photovoltaïque raccordés depuis 2009, entraîne de grosses fluctuations dans le nombre de demandes de raccordements. Il existe un risque de saturation de capacité du réseau de distribution et d'accueil. C'est pourquoi il faudra investir 100 Md€ d'ici à 2030". Le débat n'est donc pas clos.