Un pavé dans la mare. L'UNPI (Union nationale de la propriété immobilière) dénonce des dysfonctionnements en matière d'aide de l'Etat au logement social. Elle a porté l'affaire devant la commission européenne, et espère obtenir une enquête. Explications.
"Nous n'attaquons pas le parc public ou les HLM. Il y a une réelle nécessité d'avoir un parc public, mais nous pointons du doigt le rôle de l'Etat et le coût exorbitant des aides dans le budget", le président de l'Union nationale de la propriété immobilière, Jean Perrin, ne mâche pas ses mots à propos de la gestion du parc public. Selon lui, il y aurait des dysfonctionnements et des anomalies responsables d'un gaspillage financier.
Allant encore plus loin, l'UNPI a déposé une plainte devant la commission européenne. Une procédure qui date de mai 2012 à laquelle la France avait apporté des réponses jugées satisfaisantes par Bruxelles. Contestant une nouvelle fois ces conclusions, l'UNPI a relancé le débat.
Si le logement relève des états membres de la communauté européenne, la commission vérifie l'application des règles de libre concurrence et des exceptions sur la base du SIEG (service d'intérêt économique général). Celui-ci regroupe la location de logements destinés à des personnes de ressources modestes plafonnées sur la base de convention PLAI et PLUS (+10% de PLI/PLS).
Des dérives financières
Pour l'UNPI, le service d'intérêt général serait en proie à des dérives et ne serait pas respecté selon les principes de Bruxelles. Selon France Bauvin, administratrice en charge du dossier à l'UNPI, les aides au logement serait "noyées" dans un flot de subventions, d'avantages et de bonifications et déborderaient au-delà du SIEG comme défini par l'Europe. Résultat : selon les bailleurs privés, les organismes bénéficieraient de surcompensations.
Les trois points principaux soulevés sont le plafond des loyers fixés "commercialement" en fonction d'un écart constant de -20% vis-à-vis des loyers du secteur privé ; les plafonds des ressources qui seraient ouverts à 63% de la population ; et la localisation avec 75% des logements HLM construits là où n'existe pas de besoin manifeste.
Le ministère du Logement se défend
En réponse à ces charges, le Gouvernement a tenu à souligner "qu'il n'y avait pas d'opposition entre le parc privé et le parc public" : "Le parc privé répond à une logique de marché tandis que la mission du parc social est de permettre à ceux qui éprouvent des difficultés à se loger dans le parc privé d'avoir accès à un logement", nous a précisé une porte parole du ministère du Logement. Selon elle, les loyers du parc privé sont très élevés et évoluent bien plus vite et plus forts que les revenus. "Dans les zones tendues, les loyers sont 3 à 4 fois supérieurs dans le parc privé", note le ministère. Concernant la construction, le Gouvernement souligne sa volonté de transférer les fonds là où il y en a le plus besoin. Dans un accord signé en juillet 2013, les différentes parties ont conclu un pacte visant la mise en place d'un fonds de mutualisation d'une partie des fonds propres des organismes HLM. Il s'élèvera à 280 millions d'euros pour 2013. Outre le ministère, le président de l'Union sociale pour l'habitat, Jean-Louis Dumont, a réagi en fustigeant l'instrumentalisation du droit européen par l'UNPI : "Il faut clairement rappeler les termes du débat : derrière la question du logement social, c'est le modèle français que l'on attaque (…). Je constate que beaucoup de pays et de citoyens européens envient aujourd'hui notre système. Il doit donc avoir des vertus. En appeler à l'Europe pour le mettre à mal, et donc fragiliser le corps social, est une démarche socialement inconséquente".
Quid de la suite ? Le Gouvernement, qui nous a confirmé avoir envoyé ses dernières conclusions le 5 novembre dernier, attend désormais les décisions de la commission européenne. Examinant actuellement le dossier, elle statuera par la suite d'une procédure ou non.