DIAPORAMA. Avec son exposition "Le Corbusier - Mesures de l'homme", le Centre Pompidou propose un nouvel éclairage sur le travail de l'architecte. Ses sources d'inspiration, ses théories maîtresses ainsi que ses réalisations les plus emblématiques sont passées au crible pour nous permettre d'en appréhender les aspects méconnus, en particulier son attachement au corps humain.
Le Corbusier, de dos, accoudé à une colonne effondrée du Parthénon. C'est avec cette photo en noir et blanc tirée en grand format que s'ouvre "Le Corbusier - Mesures de l'homme", actuellement en cours au Centre Georges Pompidou, à Paris. Une photographie qui résume bien l'objet de l'exposition. Déjà parce que l'architecte était fasciné par le monument. Mais aussi et surtout parce que l'homme occupe sur le cliché le premier plan, exactement comme dans le travail de l'architecte. "Lorsque Le Corbusier découvre le Parthénon en 1911, lors de son voyage en Orient, il en a une vision psychophysique", explique Frédéric Migayrou, l'un des commissaires de l'exposition. "Il voit la segmentation du rythme des colonnes et elle a pour lui une résonance avec l'idée du corps". La meilleure illustration de cette importance accordée à l'humain étant Le Modulor, système de mesure imaginé par Le Corbusier basé sur la taille de l'homme moyen le bras levé. Un exemple connu étayé par plein d'autres moins connus qui sont mis à jour au sein de l'exposition...
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Le Corbusier, fasciste ? La question polémique relancée...
Après la parution des ouvrages de Xavier de Jarcy ("Le Corbusier, un fascisme français"), Marc Perelman ("Une froide vision du monde") et François Chaslin ("Un Corbusier") quelques jours seulement avant l'inauguration de l'exposition au Centre Pompidou, la polémique concernant l'éventuelle implication de l'architecte dans le régime de Vichy a inévitablement refait surface. Le Corbusier était-il fasciste ? La question reste cependant entière car elle n'est pas abordée dans l'exposition.
Interrogés sur le sujet, les commissaires Frédéric Migayrou et Olivier Cinqualbre ont confirmé que Le Corbusier avait "très certainement" parmi ses proches des amis appartenant à des mouvements d'extrême-droite mais, de là à aller plus loin, ils ont exhorté à ne pas faire trop vite des raccourcis. "Cela mérite des recherches approfondies pour savoir si l'on peut lui attribuer une quelconque implication dans le régime de Vichy mais plus largement pour comprendre la position de tous les architectes et les urbanismes dans cette période de trouble de l'histoire", a indiqué Frédéric Migayrou, à l'issue de la visite de presse organisée le mardi 28 avril. "Il nous faut prendre le temps de relire les écrits de l'époque pour déterminer le contexte social, politique, institutionnel et c'est seulement à partir de ce moment-là que nous pourrons savoir ce qu'il en est réellement", a-t-il poursuivi, visiblement très agacé par la coïncidence de date entre les publications et l'inauguration de l'exposition.
Souhaitant cependant mettre un terme à cette controverse et bien la dissocier de l'exposition, ils ont annoncé la tenue en 2016 d'un grand colloque scientifique, organisé conjointement par le Centre Pompidou et la Fondation Le Corbusier réunissant des historiens et des architectes. Le but ? Faire toute la lumière sur le passé de l'architecte.
L'humain comme leitmotiv
Afin de bien faire comprendre à quel point cette question du corps occupait une place centrale dans le travail de l'architecte, Frédéric Migayrou et Olivier Cinqualbre, les commissaires de l'exposition, reprennent une à une ses œuvres les plus emblématiques et remontent jusqu'à leurs origines. Et à chaque fois, l'humain revient, comme un leitmotiv. Cela est vrai dans l'œuvre architecturale de Le Corbusier comme dans son travail de designer.
Ci-dessus, l'empreinte du Modulor, système de mesure imaginé par Le Corbusier basé sur la taille de l'homme moyen le bras levé.
Le Corbusier architecte mais aussi peintre et sculpteur
Le corps, Le Corbusier le connaissait bien. Parallèlement à son travail d'architecte, il s'adonnait en effet à la peinture et à la sculpture. "Tous les matins avant d'aller à son agence, Le Corbusier s'enfermait dans son atelier pour peindre", indique Frédéric Migayrou. Plusieurs salles de l'exposition illustrent d'ailleurs cette facette artistique méconnue de Le Corbusier. Elles regroupent des toiles sur lesquelles sont représentés des corps de femmes, colorés et généreux.
Les cinq sens stimulés pour une expérience spatiale inédite
Pour Le Corbusier, l'architecture se devait de stimuler les sens : la vue, l'ouïe mais aussi le toucher. Les espaces proposent ainsi à leurs occupants une vraie expérience, cela est vrai dans les lieux publics comme les chapelles et les églises mais aussi dans les nombreuses habitations privées que dessina l'architecte.
Une architecture fondée sur 5 points
Le corps devait, par ailleurs, pouvoir déambuler librement d'où une attention particulière portée sur les flux de circulation et la relation entre bâti et espaces extérieurs. Elle se trouve notamment concrétisée dans les cinq points de l'architecture nouvelle énoncés en 1927 par le Corbusier : pilotis, toit-jardin, plan libre, fenêtre en longueur et façade libre.
"Le corps organise tout l'équipement de la maison"
Le corps est également une notion récurrente dans son travail de designer. "Le Corbusier invente avec Charlotte Perriand, l'idée d'ergonomie. C'est le corps qui organise tout l'équipement de la maison, depuis la salle de bains à la cuisine", commente Frédéric Migayrou. La plus belle illustration étant la fameuse chaise longue LC4 dont un exemplaire totalement inédit - le tout premier prototype - est exposé au centre Pompidou.
Regard sur des réalisations emblématiques
Au-delà de cette question du corps, l'exposition est aussi l'occasion de découvrir ou re-découvrir les plus emblématiques réalisations de l'architecte : la villa Savoye, bien sûr, mais aussi La Chapelle Notre-Dame-Du-Haut Ronchamp, la ville de Chandigarh qu'il fût invité à bâtir de toute pièce parle gouvernement indien ou encore Le Cabanon de Roquebrune Cap Martin.
Grâce aux multiples documents d'époque regroupés, les plans, les vidéos, les esquisses et les dessins, l'œuvre corbuséenne s'explique, se dévoile mais elle se densifie et se complexifie aussi.