Jeudi soir, les députés ont voté la création d'un compte personnel de prévention de la pénibilité, prévu dans le projet de loi sur les retraites débattu depuis lundi en première lecture. Les acteurs du secteur du bâtiment, largement opposé à ce dispositif, entendent poursuivre leurs actions tant que le décret qui l'instituera n'est pas paru. Explications et réactions.
Encore une annonce qui n'est pas pour plaire au monde du bâtiment… Le compte pénibilité, prévu dans le cadre de la réforme des retraites examinée depuis lundi 7 octobre, a été voté jeudi soir par les députés. "Ce compte personnel de pénibilité sera financé par une cotisation des employeurs", avait dévoilé Jean-Marc Ayrault dans son discours de présentation de la réforme. Concrètement, ce nouveau dispositif doit permettre aux salariés exerçant des métiers pénibles de partir plus tôt à la retraite ou de se reconvertir. Deux cotisations des employeurs, dont les niveaux seront définis par décret, financeront la prise en compte de la pénibilité. La première sera prélevée sur toutes les entreprises, sur la base de leur masse salariale. La seconde sera établie en proportion des salaires versés aux seuls employés exposés à la pénibilité.
Haro sur la pénibilité !
Aussitôt annoncée, aussitôt décriée, les représentants du secteur du bâtiment s'étaient mis vent debout contre cette mesure. "Nous ne sommes pas favorables, en effet, à la création d'un compte-temps pénibilité ou d'un compte épargne. Nous misons davantage sur la prévention et l'évolution des conditions de travail à l'intérieur de chaque branche professionnelle", déclarait alors Pierre Burban, secrétaire général de l'UPA. "Ce n'est pas aux entreprises du bâtiment à payer la pénibilité. C'est un arbitrage injuste", s'écriait, de son côté, Didier Ridoret, Président de la FFB. "Comment déterminer les métiers pénibles, et qui va payer ?", s'interrogeait aussi Patrick Liébus, président de la Capeb.
Pas de résignation, mais des concertations encore et toujours
Alors, après le vote de jeudi soir, comment réagissent ces professionnels ? "Nous allons poursuivre notre action au niveau des Sénateurs, en attendant la seconde lecture, nous confie, ce vendredi, Pierre Burban. Mais nous continuons de penser qu'il va y avoir un vrai problème d'application !". Et de rappeler : "Le Parlement vote un principe, une loi virtuelle, car la mise en œuvre de cette mesure est renvoyée à un décret, qui idéalement devrait être pris avant septembre 2014. D'ici là, nous maintiendrons les concertations et nous mobiliserons pour limiter la casse". Et Didier Ridoret de lui faire écho : "Les décrets seront importants. D'ici là, nous allons écrire aux Parlementaires pour tenter de les convaincre que cette mesure n'est pas raisonnable dans notre secteur".
Le président de la FFB s'étonne toutefois du "vrai problème de pédagogie et de communication" lors de ses échanges avec les Parlementaires. "On a du mal à être compris, car eux partent du principe que cette mesure est attendue, et donc ne comprennent pas nos prises de position. Il y a un réel décalage entre la théorie à propos de ce compte pénibilité, et la réalité du quotidien de nos entreprises !". Pour sa part, Pierre Burban, secrétaire général de l'UPA, estime que les politiques sont "conscients et comprennent la problématique. Mais ça s'arrête là ! Je leur ai dit : 'Mettez-vous à la place d'une entreprise qui a deux salariés. Comment remplir des fiches journalières ?'. Je crois surtout que cette mesure a été présentée comme 'la cerise sur le gâteau' pour compenser les hausses de cotisations et autres allongements de durée. Mais aujourd'hui, il y a danger : les politiques ont du bon sens, sont conscients du problème, mais ont les pieds et poings liés".
Désormais, c'est presqu'un dialogue de sourds qui est engagé…