Les économies d'énergie dans le bâtiment sont un thème central de la politique de transition écologique. Le calcul et la mesure réelle des consommations deviennent des enjeux essentiels de la mise en œuvre de garanties de performance. L'Ifpeb propose une méthodologie qui intègre le "commissioning" afin d'assurer le suivi et le pilotage d'une construction basse consommation. Explications.
Comment concevoir, réaliser et exploiter un bâtiment efficace énergétiquement afin d'atteindre une réelle basse consommation ? Quels outils méthodologiques pourront prévoir et interpréter les écarts mesurés entre estimations et consommations réelles ? Voilà quelques questions auxquelles tente de répondre une communauté de l'Ifpeb (Institut français pour la performance énergétique des bâtiments) animée par son directeur, Cédric Borel. "Nous faisons une proposition méthodologique pour réaliser le suivi et le pilotage d'un bâtiment autour d'une valeur cible de consommation, ce qui est différent d'une garantie de performance énergétique", prévient-il.
Adopter la bonne unité de mesure
"Mon propos est orienté sur la construction neuve mais le socle commun est adaptable aux différentes configurations en fonction des besoins et destination d'un projet", poursuit le directeur de l'Ifpeb. Cette méthodologie repose sur l'IMPVP (International performance measurement and verification protocol), une démarche destinée à prouver les gains d'énergie réalisés à la suite de la mise en œuvre de solutions d'efficacité énergétique. Cédric Borel distingue quatre piliers, le premier étant une bonne définition des usages du bâtiment, de leur intensité et du potentiel d'usage. "Il faut une conception énergétique orientée vers l'utilisateur, qui prenne en compte l'évolution et la nécessaire flexibilité des usages", estime le spécialiste. Se pose alors la question de l'unité de mesure à adopter, les mètres carrés s'avérant notoirement insuffisants. "Il faut choisi une unité fonctionnelle", soutient Cédric Borel : le poste de travail pour un immeuble tertiaire, qui reflétera la densité d'utilisation du bâtiment, le nombre de visiteurs par heure d'un centre commercial illustrant son affluence, le nombre d'élèves d'un établissement d'enseignement ou le nombre de lits d'un centre de soin. "Il faut retenir l'intensité d'usage, afin de mieux dimensionner et de comprendre le lien entre usages et consommation réelle d'énergie", déclare-t-il.
Un juste calcul de ces consommations prévisionnelles est le deuxième prérequis de la méthodologie développée par l'Ifpeb. "Il ne faut pas oublier que les 2/3 des consommations sont hors Réglementation thermique dans le tertiaire", souligne le directeur de l'institut. La conduite de la performance, grâce à la Gestion technique du bâtiment (GTB) et à un Plan de mesure et de vérification (PMV), constituera le troisième point d'importance, en intégrant toutes les données possibles, dont les comptages ultimes adressés par les fournisseurs d'énergie. Enfin, le quatrième pilier résidera dans le "commissioning énergétique". "Il s'agit d'un fil rouge entre toutes les étapes, depuis la conception jusqu'à l'exploitation", explique Cédric Borel. Cette mission, dévolue à une tierce partie qui ne soit pas ni conceptrice, ni exécutante, sera donc confiée à un cabinet spécialisé ou un bureau d'études techniques. Elle se définit comme un processus intensif et expert d'assurance qualité appliqué à l'énergie.
Différentes formes de commissioning
Il s'agit donc d'une mission transversale qui permet à la maîtrise d'ouvrage de ne pas supporter seule les risques de non atteinte des objectifs énergétiques et environnementaux. Hicham Lahmidi, du Bureau Veritas, explique que le "commissioning", qui vient des Etats-Unis, est issu de la construction navale où la mise en service d'un navire résulte de l'installation d'équipements de sécurité assortie d'une vérification de leur fonctionnement et du bon entraînement de l'équipage à la manœuvre du bateau. Selon lui, les retombées financières d'une telle démarche seraient à prendre en compte dans la gestion d'un projet immobilier (neuf ou rénovation, on parlera alors dans ce cas-là de "recommissioning"). Même un bâtiment existant, ne faisant pas l'objet de travaux profonds mais d'aménagements légers, peut bénéficier d'un "rétro-commissioning", dont le délai de retour sur investissement est extrêmement court (3 ans). Des principes sans doute appelés à se développer de ce côté-ci de l'Atlantique, dans un contexte de renchérissement de l'énergie.