RENCONTRE. Des sujets d'actualité à sa garde à vue, en passant par son dernier livre qui évoque sa matière de prédilection, le béton, l'architecte Rudy Ricciotti s'est livré à un exercice théâtral devant un parterre de professionnels venu l'écouter ce mardi 21 avril lors de la première édition du World of Concrete Europe organisée conjointement avec Intermat.
Rencontrer Rudy Ricciotti est toujours étonnant ! L'architecte du MuCEM de Marseille, du Département des Arts de l'Islam au Louvre de Paris ou encore du Musée Jean Cocteau a endossé, mardi 21 avril, le costume de parrain et de comédien, en conférence plénière, à l'occasion de la première édition du Wolrd Concrete of Europe organisée conjointement avec Intermat. L'occasion pour lui de s'exprimer devant une centaine de participants : constructeurs, entreprises de TP et maîtres d'ouvrages. Et de leur rappeler qu'il ne cesse d'expérimenter les possibilités et créativités offertes par le béton, son matériau de prédilection.
Le béton ? Pas "une terre rare"
En petit comité, c'est le même message et sans langue de bois. Le concepteur de la Passerelle du Pont du Diable à Gignac ou du Stade Jean Bouin à Paris, revendique haut et fort sa passion pour le matériau, en affirmant sa différence, et en profite à chaque fois pour marteler le même discours : le béton n'est pas "une terre rare", mais un produit spéculatif que l'on peut fabriquer très facilement sur toute la planète. D'ailleurs, il défend ardemment cette filière du béton qui crée "des emplois territorialisés dans une économie circulaire de partage.""Et quand je dis merci, et même s'il vous plaît aux maçons, je passe pour un démagogue"
Alors, qu'ils soient maçons, ingénieurs, chefs de chantier, compagnons ou artisans, ceux qu'il appelle les "sachants", Rudy Ricciotti reste ébloui par leur savoir-faire. "Et quand je dis merci, et même s'il vous plaît aux maçons, je passe pour un démagogue", s'exclame-t-il. Et la vertu environnementale du béton ? "Qu'on cesse de dire des conneries sur ce sujet", coupe-t-il en une phrase.Unique en son genre, l'architecte varois, lauréat du Grand Prix national d'architecture en 2006, aime susciter la controverse et oser, dans ce monde "aseptisé", et refuse bien évidemment le politiquement correct.
Une comédie théâtrale en trois actes
Justement, dans son dernier livre, "Le béton en garde à vue - Un manifeste architectural et théâtral"*, Rudy Ricciotti ne prend pas de gants et le commente aux professionnels du bâtiment. Une comédie théâtrale en trois actes, où le béton est cette fois-ci le sujet principal d'une garde-à-vue opposant un architecte à un capitaine des gendarmes et une juge d'instruction.Il s'en prend, par la même occasion, à ses cibles favorites, "les Tartuffe de notre époque" : les normes environnementales, les écologistes "non-fumeurs et végétariens", "la bureaucratie qui, en fabriquant de la nuisance, renouvelle son territoire existentiel", sans oublier le consumérisme : "Les architectes se sont colonisés et assujettis à la forme la plus critiquable du consumérisme." Même les détecteurs de fumée sont épinglés par l'architecte ! " 400 millions en ont été vendus ! C'est un désastre environnemental, une boucherie",clame-t-il.
"Un livre et peut-être bientôt une pièce de théâtre, pour de vrai, confie-t-il. Cela me permet d'ironiser sur la garde à vue et sur l'affaire d'ailleurs qui n'est pas close. Car je vous le garantis, j'ai vécu un désastre. Et ce sont quand même 12 gendarmes du Groupement d'intervention régional (GIR) qui sont venus chez moi !", ajoute l'architecte.
Enfin, fidèle à son habitude, il commente les sujets d'actualité d'architecture et parle de ses projets à l'étranger. "Pour autant, je n'aime pas aller à l'étranger : pour moi ça n'a jamais abouti, à quelques exceptions près comme le Centre international d'art et de culture à Liège ou l'auditorium symphonique à Gstaad (Suisse). Sinon, je travaille sur un programme de logements, à Monaco, adossé à un musée… Je livre bientôt également un auditorium à Nantes Rezé", poursuit-il. Par ailleurs, ses équipes poursuivent les travaux de conception d'un complexe cinématographique de grande envergure à Cannes, prévu pour une livraison fin 2017-début 2018.
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"Ce contrat de PPP se nourrit de la mortification de l'économie"
Autre sujet qui le chatouille, les PPP ? "Ce contrat de PPP se nourrit de la mortification de l'économie. C'est déplacer ainsi la dette sur le dos des générations futures." Alors, la faute à qui ? Aux banques, s'emporte-t-il. S'agissant du plan de relance fixé par le Gouvernement pour redresser la situation du logement, Rudy Ricciotti estime que "cela va dans le bon sens", précisant, que la problématique demeure le manque de foncier et l'incontournable "surréglementation" : "Les contraintes et les normes ont augmenté de 10 % en 10 ans !" Et un dernier coup de griffe à la justice, qui d'après lui, n'a pas à dire sur ce qui est beau ou à se mêler d'architecture. A bon entendeur…*Edition : Lemieux Editeur, livre paru le 18 février 2015.