PANORAMA. Dix ans après le lancement des premiers écoquartiers, qui ont mobilisé nombre d'acteurs locaux pour aménager durablement les villes, une nouvelle tendance semble se dessiner, qui prône davantage le "lien social". Analyse avec Taoufik Souami, architecte-urbaniste et enseignant-chercheur.
Batiactu : Quelle est la réalité des écoquartiers, quels sont leurs secrets de fabrication ?
Taoufik Souami : L'engouement est tel aujourd'hui que des dizaines de projets foisonnent sur tout le territoire français et l'État a annoncé, il y a un an la réalisation d'un écoquartier dans la plupart des communes. La question mobilise les maires français, leurs techniciens, les architectes, les urbanistes, mais aussi les entreprises et les citoyens qui participent activement à l'aménagement des villes. Mais, les réponses apportées à ce jour sont rares et consistent à décrire rapidement les exemples du nord de l'Europe en les désignant comme modèles : on y consomme moins d'énergie en isolant les bâtiments, on y pollue moins en se déplaçant à vélo et en tram, on y réutilise la pluie pour économiser l'eau, on y préserve les plantes et les animaux.
Taoufik Souami : L'engouement est tel aujourd'hui que des dizaines de projets foisonnent sur tout le territoire français et l'État a annoncé, il y a un an la réalisation d'un écoquartier dans la plupart des communes. La question mobilise les maires français, leurs techniciens, les architectes, les urbanistes, mais aussi les entreprises et les citoyens qui participent activement à l'aménagement des villes. Mais, les réponses apportées à ce jour sont rares et consistent à décrire rapidement les exemples du nord de l'Europe en les désignant comme modèles : on y consomme moins d'énergie en isolant les bâtiments, on y pollue moins en se déplaçant à vélo et en tram, on y réutilise la pluie pour économiser l'eau, on y préserve les plantes et les animaux.
Batiactu : "Un regroupement d'immeubles écologiques ne suffit pas à faire un quartier agréable", commentent la plupart du temps les architectes. Espaces verts, aires de jeux, jardins familiaux font désormais partie du cahier des charges de ces éco-cités...
Taoufik Souami : En, effet, en France, ce qui est particulier, par rapport à l'Europe du Nord, c'est l'importance donnée à la dimension sociale. Les politiques l'affirment aujourd'hui et le clament : il n'est pas question de reproduire l'erreur de Malmö en Suède. Les aménageurs consacrent de gros moyens sur les logements sociaux. Mais ils veulent aussi attirer des acquéreurs privés. Et au final, les gens exigent surtout une qualité environnementale et urbaine. Or, lorsqu'on demande aux gens : "Si nous vous vendons un logement 10 % plus cher parce qu'il consomme moins d'énergie, moins d'eau, qu'il a des espaces verts, des toitures végétalisées, l'achèterez-vous ?" Et une grande majorité répond non…
Batiactu : Les concepteurs créent-ils du lien social dans un écoquartier ?
Taoufik Souami : Même si les concepteurs ont tendance à le clamer, c'est totalement faux. Certes, on dispose, en France, de quelques outils durant la phase de conception. Toutefois, on n'est pas outillé sur notre territoire comme aux Pays-Bas. Ici, on touche uniquement aux aspects physiques. Ensuite, au cours de la mise en œuvre du chantier, les concepteurs proposent soit des solutions comme des lieux de solidarité, soit, ce que les sociologues surnomment des "coalitions". D'où certains programmes qui forment les lieux suivants : jardins potagers, lieux d'animations, une crèche parentale, la mise en place d'une AMAP…
Batiactu : Et qu'en est-il de l'initiation par les habitants ? Est-ce un passage obligé ?
Taoufik Souami : Pas du tout. En France, seules quelques personnes ont initié des projets de ce type comme l'écoquartier du four à pain à Faux-la-Montagne (Creuse). En France, les quartiers durables sont principalement initiés par des collectivités et plus précisément par un couple formé par le technicien et le politique. L'élu -maire ou délégué à l'environnement ou encore délégué à l'urbanisme- réalise souvent le portage politique de cette initiation. Il commande des études, encourage les échanges, voire impose parfois dans l'agenda de la collectivité les votes et les programmations budgétaires nécessaires à l'émergence de l'idée de quartier durable.
En revanche, cette idée d'initiation est généralisée dans le nord de l'Europe, sur la base de quelques cas particulièrement visibles reposant sur une adhésion idéologique et politique. Le cas extrême est celui d'Eva-Lanxmeer (Ndlr : nom de l'écoquartier de la ville de Culemborg aux Pays-Bas). Il a été créé par des intellectuels et militants de la cause écologiste réunis au sein de la Fondation EVA. Ils ont d'abord conçu leur projet d'écoquartier. Puis, pour le mettre en oeuvre, ils ont recherché un territoire et une collectivité susceptibles de les accueillir.
Batiactu : Quelle est alors la bonne place des habitants en France ?
Taoufik Souami : Pour les concepteurs des projets, politiques, techniciens et même habitants, les solutions environnementales adoptées dépendent d'un bon usage mais aussi d'une gestion attentive et directe. Par exemple, la mixité sociale visée dans ces quartiers suppose une animation, le maintien de l'identité et de la solidarité sur la base d'une adhésion idéologique que les habitants doivent assurer eux-mêmes. Mais en aucun cas, l'habitant doit substituer le politique !
Batiactu : Enfin, l'écoquartier est-il, d'après vous une solution miracle pour tisser du lien social ? Que dites-vous aux architectes ?
Taoufik Souami : Non on ne fabrique pas du lien social. L'écoquartier est loin d'être une solution miracle. Il faut plutôt le voir comme une expérimentation qui va passer son temps ou comme une parenthèse que certains ouvrent pour clamer : on va fabriquer la ville autrement, expérimenter, innover, avec le droit de se tromper et de s'y échapper en cours de route. Enfin, aux architectes je leurs dis en deux mots : bon courage (Eclat de rire) ! Plus sérieusement : ils doivent faire preuve de créativité pour répondre aux enjeux de la société contemporaine, aujourd'hui. On peut dépasser les contraintes environnementales mais on ne réduit en rien les démarches de comportement des habitants.
Découvrez dès la seconde page, les projets "d'écoquartiers, d'écocités, d'écodomaines, d'écovillages" découverts et visités au cours de ces dix dernières années par la rédaction de Batiactu, et qui illustrent cette tendance vers la création de lien social.
La Tisanerie : un projet intergénérationnel écologique
La Tisanerie, c'est un ensemble de logements bioclimatiques à Chaveyriat (Ain) à vocation intergénérationnelle, permettant d'accueillir à la fois des personnes âgées et des jeunes actifs autour d'un jardin partagé. Une initiative voulue par Jérôme Triquet, le maître d'ouvrage propriétaire du terrain.
La Cité Allende à Villetaneuse
La Cité Allende, un poumon vert au cœur de Villetaneuse (Seine-Saint-Denis). C'est un programme, livré, en octobre 2011, à caractère social, mixte et BBC. Conçu par le cabinet Architecture Pèlegrin, spécialiste de la construction bioclimatique depuis de nombreuses années, il exprime la volonté de sortir du schéma urbain classique.
''Récipro-Cité''
Une résidence intergénérationnelle, en Rhône-Alpes, entourée de jardins et qui favorise l'échange entre les voisins, telle est l'idée de l'ingénieur lyonnais Patrick Rheinert à travers "Récipro-Cité", il y a quatre ans. Ce projet s'appuie sur des installations modernes visant à réduire les coûts de fonctionnement de l'habitat, tout en réintégrant un vieux concept, celui de l'entraide entre voisins.
Des logements individuels au service du collectif
A Tourcoing (Nord), un ensemble immobilier, à l'initiative d'un partenariat ville-bailleur, se veut complètement expérimental en termes d'approche sociale et environnementale. Imaginé par les architectes de l'Atelier 9.81, il pose la question de la densité mesurée.
Un éco-village en Haute-Normandie
En septembre dernier, un éco-village à Paluel ( Haute-Normandie) de 18 logements ressuscite la chaumière, habitat symbolique de la région. Au programme également, des ateliers d'artistes, des jardins partagés ainsi qu'une vaste maison commune.
Kubitus : la nature au cœur des bureaux
Enfin, pour clore le diaporama, plus qu'un concept architectural autour des bureaux Kubitus représente tout une démarche sociale, voire sociétale. Cet immeuble de bureaux, réalisé, à Vaulx-en-Velin, près de Lyon, il y a deux ans par l'architecte Patrick Stefan Rheinert, tourne autour des espaces végétalisés et met l'utilisateur au cœur du projet.
*Taoufik Souami auteur du livre "Ecoquartiers, secrets de fabrication, analyse critique d'exemples européens", montre au sujet des écoquartiers que, entre les belles idées sur le développement durable et leur mise en application, tout ne se passe pas toujours comme prévu. Il est architecte-urbaniste de formation et professeur-chercheur au Laboratoire techniques territoires et sociétés de Marne-La-Vallée (LATTS). De plus, maître de conférences à l'Institut français d'urbanisme, il est docteur en urbanisme et aménagement. Depuis une dizaine d'années, ses travaux portent sur l'introduction du développement durable en urbanisme et dans la fabrication de la ville en France et à l'étranger.