INTERVIEW. Alors que plus d'un milliard de personnes vit dans des bidonvilles et deux milliards n'ont pas accès à l'électricité, le cimentier Lafarge entend démocratiser la microfinance pour faciliter la construction de logements "durables et à prix réduits", notamment dans les pays africains. Décryptage avec François Perrot, responsable du projet chez Lafarge.
Le groupe Lafarge poursuit ses initiatives en matière de microfinance notamment pour accélérer ses actions dans le cadre du programme mondial du logement abordable lancé en 2012. Justement du 8 au 10 juillet derniers, le cimentier français a organisé à Nairobi, capitale du Kenya, une Université pour la microfinance logement en partenariat avec l'International Finance Corporation (IFC), l'une des structures de financement de la banque mondiale, en présence de 45 établissements bancaires, issus de pays comme le Kenya, le Malawi, la Tanzanie, le Cameroun, le Nigéria ou le Zimbabwe. L'enjeu est effectivement de taille car les solutions apportées en matière de logements demeurent réduites et les besoins sont immenses dans un continent où la croissance démographique est forte. François Perrot, responsable du projet s'explique à Batiactu.
Batiactu : Quels ont été les objectifs de l'université organisée autour de la microfinance en Afrique du 8 au 10 juillet derniers ?
François Perrot : L'objectif de cette session à Nairobi a pour but de former des banques et des instituts de microfinance à la question du microcrédit logement. Notre ambition est claire : nous souhaitions développer le programme logement abordable sur le continent africain dont la population urbaine doit plus que tripler dans les 40 années à venir.
Nous avons expliqué aux établissements bancaires à Nairobi comment Lafarge apportait des réponses sur-mesure, adaptées aux besoins des populations locales. A partir de notre expérience sur le terrain, nous pouvons proposer de véritables catalogues de maisons, à différents coûts et mettant en œuvre différentes techniques de construction.
Batiactu : Quelles sont ces techniques que vous développez in situ ?
François Perrot: Au Malawi (Ndlr : Afrique australe), notre premier 'terrain d'application', fin décembre 2013, où la construction de maisons en briques nécessite une consommation importante de bois pour la cuisson de l'argile, les équipes de Lafarge ont mis au point un nouveau liant, Durabric. Conçu avec notre centre de recherche, ce nouveau liant se mélange avec de la terre pour fabriquer des blocs qui ne nécessitent pas de cuisson. Une fois terminés, ces logements permettent également de réaliser une économie de 25 % comparé au coût d'un logement traditionnel. Cette solution simple, fiable et bon marché est en cours de duplication dans 7 autres pays africains : Cameroun, Kenya, Ouganda, Rwanda, Tanzanie, Zambie et Zimbabwe.
Par ailleurs, les solutions ciment et béton s'adaptent et se déclinent selon les ressources et les projets locaux complète le responsable du projet chez Lafarge. Nous collaborons avec des entreprises de construction locales et des jeunes architectes issus d'écoles afin de proposer des solutions de construction globales qui permettent d'importantes économies. D'ailleurs, nos équipes ont utilisé une technique de coffrage perdu au Cameroun permettant de construire plus vite et moins cher.
Batiactu : Quid de votre partenariat avec l'Agence française de développement (AFD)?
François Perrot: Sur notre lancée, on a signé en octobre 2013, un partenariat avec l'Agence française de développement (AFD) sur un projet au Nigeria, le pays le plus peuplé (Ndlr: 170 millions d'habitants). Au Nigeria, en effet, l'AFD a apporté 5 millions d'euros à la banque locale de microfinance Lapo (Lift Above Poverty Organization) la première banque de microfinance du pays avec 900.000 clients. Un crédit logement a été ainsi mis en place et adapté à la capacité financière des ménages. Le montant moyen des prêts d'une durée de 2 ou 3 ans varie de 500 à 1.500 €. Les emprunteurs peuvent acheter des matériaux nécessaires chez les revendeurs locaux et bénéficier d'un accompagnement par Lafarge tout au long de leur projet grâce à des conseillers.
Batiactu: Est-ce une action à court terme ?
François Perrot: Pour le groupe, ce programme de microfinance lancé en 2012 pour faciliter la construction de logements 'durables et à prix réduits' n'est pas une action à court terme mais bien une réponse économique adaptée aux besoins locaux. Ces projets de microcrédit ont déjà atteint leur seuil de rentabilité en Indonésie, en Serbie, aux Philippines, en Zambie et au Nigeria. On enregistre au total 6.600 microcrédits accordés entre janvier 2013 et juin 2014 dont 500 au Nigéria. Aux Philippines, par exemple, des banques et des distributeurs proposent des microcrédits associés à l'achat de matériaux de construction. Près d'un millier d'agents de crédits ont déjà été formés et nous recensons déjà plus de 200 points de vente. Déjà développé autour d'un portefeuille unique de projets, notamment en Asie, nous comptons sur cette formation à Nairobi pour continuer à étendre notre programme de logement abordable sur le continent africain.