Un centre de recherches et d'études sur la thermique de l'enveloppe du bâti est actuellement en construction à Carcassonne (Aude). Ce futur laboratoire coopératif ambitionne de procéder à des essais comportementaux de murs complets selon un large panel de conditions météorologiques afin d'enrichir les connaissances sur les matériaux de construction et d'isolation. Explications avec Patrick Denieul, à l'origine de ce projet.

Les recherches sur les matériaux de construction devraient connaître un coup d'accélérateur au mois de septembre prochain, après l'inauguration prévue du Cresteb, le Centre de recherches et d'études scientifiques sur la thermique de l'enveloppe du bâtiment. Patrick Denieul, président d'Aerebat, nous dévoile l'ambition du projet : "Mener des études comportementales sur différents matériaux, dans des conditions climatiques hivernales comme estivales, du froid extrême à la chaleur caniculaire, ce qui est unique en Europe. Le but est d'enrichir les données".

 

Le laboratoire, qui devrait être inauguré en septembre 2016 par Corinne Lepage, ancienne ministre de l'Environnement et marraine du Cresteb, permettra en effet de recréer l'ensemble des conditions météorologiques européennes, y compris celles rencontrées en Outre-mer. "Les températures pourront aller de -30 °C à +80 °C, car la température de surface d'une toiture en ardoise ou en tôle peut facilement monter à cette température, contrairement à la température de l'air ambiant", nous précise le spécialiste. "De même, l'humidité pourra varier de 0 %, un air totalement sec, à presque 100 %, la saturation en eau, tandis que le vent sera lui aussi simulé jusqu'à 30 km/h, comme un grand vent dominant", poursuit-il.

 

La preuve par la mesure et non par le calcul

 

Car toutes les conditions atmosphériques influent sur les performances des matériaux du bâtiment : "Le lambda n'est pas une valeur constante, elle est très variable. L'objectif est de tester des murs complets, de parement intérieur à parement extérieur, pour étudier tous les matériaux et les nouvelles technologies - isolants réfléchissants, minces ou à changement de phase ; lames d'air étanches, inertes ou ventilées ; barrières d'infiltrométrie et hygrométriques - en vérifiant les interactions. Cela aidera les architectes et bureaux d'études à choisir les solutions les plus adaptées à chaque région". Selon la documentation du Cresteb, "il ne s'agit plus de mesurer thermiquement un matériau seul et une seule donnée climatique, mais un complexe de matériaux et technologies associées, allant jusqu'au mur complet, selon toutes les conditions météorologiques". L'association de différents matériaux et technologies permettraient en effet d'augmenter les performances et de réduire les épaisseurs utilisées, entraînant mécaniquement une baisse des coûts.

 

Une banque de données, accessible aux architectes, bureaux d'études et collectivités, sera peu à peu enrichie. Elle doit faire évoluer le mode d'évaluation actuellement utilisé en intégrant ces données "dans les moteurs de calculs comme mesure finale sans passer par la formule lambda et empilage de R, dont l'inexactitude est démontrée et prouvée scientifiquement". Le Cresteb précise : "Si nous savons parfaitement mesurer (…) la résistance thermique d'un complexe multi-matériaux et multi-technologies, à ce jour, compte tenu des multitudes de combinaisons possibles, de l'inter-réactivité des matériaux, des facteurs climatiques régionaux, il n'est actuellement pas possible d'en définir préalablement la performance par calcul, mais uniquement par mesures. Ainsi, pour chaque complexe, le laboratoire permettra de valider une courbe de R en tenant compte des différences thermiques, d'humidité résiduelle et de vitesse du vent".

 

Compléter les données recueillies par d'autres laboratoires

 

Le futur laboratoire envisage de délivrer des pré-certifications de mise sur le marché puis des avis techniques thermiques quatre saisons (ATT4S) aux industriels. Il sera également mis à disposition des universités et des organismes publics (Ademe, Anah, conseils d'architecture d'urbanisme et de l'environnement, syndicats d'énergie…) afin de faire progresser les recherches dans le domaine de la performance thermique de l'enveloppe du bâti. Juridiquement, le Cresteb prendra la forme d'une société coopérative d'intérêt collectif ouverte à des membres associés et des adhérents. Une fois installés, les instruments de mesure du laboratoire seront certifiés et étalonnés Cofrac, tandis que l'ensemble visera une certification Iso 9001 v. 2015 (contrôle qualité), "afin que personne ne puisse contester les résultats des mesures, essais et travaux de recherche fondamentale". D'ores et déjà, le Cresteb plancherait sur une étude comparative entre différents isolants (laine de verre, laine de roche, ouate de cellulose) afin de les tester à de multiples températures extérieures (la température intérieure étant stabilisée à 20 °C). De quoi venir compléter les connaissances déjà accumulées par d'autres institutions de recherche comme le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), l'Association pour la certification des matériaux isolants (Acermi) ou le Laboratoire national de métrologie et d'essais (LNE).

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