CHANTIER. Le chantier de la tour D2 progresse vite : premier immeuble de grande hauteur à exo-structure métallique et noyau béton du quartier de La Défense, il constitue également un terrain d'expérimentation pour plusieurs solutions innovantes. Le béton auto-plaçant, utilisé pour réaliser le noyau, intègre des puces RFID contenant des informations utiles à la traçabilité des matériaux. Reportage.

La tour D2, érigée à l'emplacement de l'ancien immeuble Bureau Veritas à La Défense, est un projet atypique à plus d'un titre. Cette tour de bureaux de 171 mètres de haut, est la première du quartier d'affaires à adopter une structure mixte avec exo-structure en acier et noyau interne en béton armé. "La tour D2 possèdera un jardin en terrasse et une animation lumineuse des façades la nuit", déclare Philippe Rouchette, directeur adjoint du projet pour GTM Bâtiment. La silhouette arrondie de l'édifice, habillée d'une résille en losanges, entraîne "une complexité géométrique des façades au niveau des nœuds", poursuit le directeur de projets. Le dessin impose que les vitrages et capots soient déposés par phases de trois niveaux. Une rythmique qui se retrouve dans la progression de tout le chantier : "Le noyau possède une avance de trois niveaux environ sur la charpente métallique, qui elle-même en a trois d'avance sur les façades", confie Philippe Rouchette.

 

"Le radier de 6.500 m3 a été réalisé en béton prêt à l'emploi auto-plaçant sur une épaisseur de trois mètres, afin d'améliorer les conditions de travail, de réduire les nuisances sonores et d'accélérer la mise en œuvre", explique t-il. Selon le directeur adjoint du projet, la vitesse de cette mise en œuvre serait de 80 m3/heure/pompe contre environ 25 m3/heure pour une méthode plus classique avec des vibreurs. "Il n'y avait tout simplement pas de vibreurs sur le chantier ! Le béton auto-plaçant a été utilisé pour le radier, mais également pour les verticaux, avec des épaisseurs de voiles pouvant aller jusqu'à 2 mètres, et les piliers". Les dimensions de l'ouvrage ont amené à choisir des options nouvelles, comme la réalisation du noyau avec ce béton auto-plaçant dans un outil de coffrage auto-grimpant. Et les innovations ne s'arrêtent pas là : ce béton est "tracé" de façon à faire de la tour un bâtiment "connecté".

 

Les puces RFID porteuses de l'ADN de l'ouvrage
Des puces RFID (Radio frequency identification) ont ainsi été intégrées dans le mélange à la centrale Lafarge de Nanterre. Une méthode permettant l'identification incontestable du béton frais puis durci, dans sa masse, afin de garantir sa nature (et donc ses performance) et sa localisation dans l'ouvrage. "La traçabilité permanente du béton coulé permet de suivre la qualité du matériau, y compris pour des critères de certification environnementale, car il est possible de joindre des métadonnées", argumente Philippe Rouchette. "Il existe une exigence croissante de traçabilité dans le BTP", renchérit Pascal Marpeau, directeur Marketing du pôle Industrie chez Lafarge, qui évoque l'informatisation et l'accès rapide aux données comme moteurs. Les puces passives, d'à peine plus d'un centimètre de diamètre, sont encapsulées dans une coque en plastique afin de résister aux contraintes du milieu (pH, température, contraintes mécaniques, etc.). Le lecteur spécifique émet des radiofréquences qui "activent" les puces à courte distance (15-20 cm) en leur fournissant de l'énergie. Il identifie alors en retour chaque puce qui possède un numéro de série unique auquel on fait correspondre toutes les informations voulues : numéro de bon de livraison, centrale d'origine, nom commercial du béton, date et heure de fabrication… Environ deux puces sont introduites dans le malaxeur pour chaque mètre cube de béton, de façon à ce que leur répartition lors de la coulée soit homogène. "La quantité de puces est adaptée en fonction des dimensions de l'ouvrage et du nombre de détections au m² souhaitées par le client", précise-t-on chez Lafarge. Pour le recueil des informations, un lecteur pourra être fixé à la goulotte du camion toupie, afin de s'assurer que le bon béton est coulé au bon endroit, tandis que pour consulter les données dans un béton durci, un lecteur portatif sera employé.

 

Découvrez le projet en images dans les pages suivantes.

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Des possibilités infinies

Tour D2
Tour D2 © Grégoire Noble
Cette nouvelle technologie permettra donc de recueillir rapidement et par une méthode non destructive les informations liées au béton, qui seront de plus stockées de façon illimitée, pendant toute la durée de vie du bâtiment. En 2014, d'autres données pourront même être associées : émissions de COV, origine du matériau, pourcentage de matières recyclées, FDES, bilan carbone, résultats de contrôle qualité post-livraison... les possibilités sont infinies. Une piste pour le cimentier qui envisage un nouveau service de lecture et de stockage des données qui constitueront à terme un véritable ADN de l'ouvrage, jusqu'au moment de sa déconstruction et du traitement de ses déchets. Vus les progrès rapides des technologies, il est envisageable que des instantanés d'ouvrages dans leur ensemble, avec géolocalisation individuelle des puces, soient possibles dans un avenir relativement proche. De quoi intéresser de nombreux acteurs du secteur : entreprises de BTP, maîtres d'ouvrages, gestionnaires de parcs immobiliers, assureurs… Le bâtiment vit donc, à son tour, une révolution numérique.

 

Fiche technique :
Projet : immeuble de grande hauteur à usage de bureaux
Maître d'ouvrage : Sogeprom et Bouygues Immobilier
Architectes : Anthony Béchu et Tom Sheehan
Maîtrise d'œuvre d'exécution : EGIS Bâtiments Management
Réalisation : Vinci Construction
Bureaux d'études : Setec TPI/DVVD, Setec Bâtiment, BERIM
Hauteur : 171 mètres (37 niveaux)
Surface : 54.000 m² SHON, dont 46.730 m² de bureaux et 2.142 m² RIE, 1.670 m² SHOB/étage courant
Structure : mixte béton (infrastructure et noyau) et acier (charpente et exo-structure), planchers mixtes
Budget : 176,2 M€
Calendrier : livraison mai 2014 (31 mois de travaux)

Maillage en losange

Tour D2
Tour D2 © Grégoire Noble
La trame de la résille métallique qui englobe la tour D2 possède un motif en losanges qui suit la courbure de l'immeuble. Chaque demi-losange, formé d'un triangle isocèle, mesure trois étages de haut. La façade se pare peu à peu des vitrages et des capots de protection grâce à un outillage spécifique et une logistique très étudiée.

Exo-structure

Tour D2
Tour D2 © Grégoire Noble
La charpente métallique représente un poids de 5.300 tonnes dont 2.000 tonnes pour l'exo-structure en losanges (ou en "X") ici vue en gros plan, munie de ses capots de protection.

IGH

Tour D2
Tour D2 © Grégoire Noble
La tour D2 culminera à 171 mètres. Entièrement dédiée au tertiaire, elle abritera 3.750 personnes dans ses 37 niveaux.

Noyau central

Tour D2
Tour D2 © Grégoire Noble
Un aperçu du noyau central en béton contenant les cages d'ascenseurs, les escaliers et des locaux techniques ce qui libère tout l'espace périphérique des plateaux.

Structure mixte acier-béton

Tour D2
Tour D2 © Grégoire Noble
Les planchers mixtes sont soutenus par des solives en acier.

Lecture des puces RFID

Tour D2
Tour D2 © Grégoire Noble
Un lecteur portable actif permet, par balayage, de relever l'identité des puces RFID noyées dans la masse de béton des voiles verticaux. Une fois le numéro capturé, il renvoie vers les informations associées comme la provenance du béton, son type et ses caractéristiques, la date et l'heure de sa fabrication, etc.

Puces RFID

Tour D2
Tour D2 © Grégoire Noble
Les puces mesurent 1,2 cm de diamètre et ne modifient pas les caractéristiques du béton dans lequel elles sont incorporées. Environ 4 puces sont nécessaires par gâchée pour être certain d'obtenir une lecture par la suite. Le ferraillage augmente les interférences.

Fondations

Tour d2
Tour d2 © Celine Galoffre- batiactu
La tour D2 est construite à l'aplomb de la galerie technique Alsace, qui dessert le quartier de La Défense, notamment en vapeur. Une proximité qui a imposé la réalisation de 86 barrettes de fondation profondes (23 mètres), de part et d'autres de la galerie, et de structures de béton qui l'enjambent.

Achevée

Tourd2
Tourd2
La tour D2 sera achevée à la mi-2014 : elle sera alors couronnée d'une structure métallique de 30 mètres de haut qui contiendra des locaux techniques et un jardin d'agrément suspendu (non accessible).