Les nouveaux tarifs de rachat de l'électricité font-ils de l'ombre au développement de la filière photovoltaïque ? Le projet d'arrêté tarifaire récemment rendu public par le gouvernement soulève de vives inquiétudes parmi les professionnels de l'énergie photovoltaïque. Les nouveaux tarifs et leur caractère dégressif pourraient en effet compromettre la survie de certaines installations. Explications.
La filière photovoltaïque s'inquiète. Pourtant portée par la vague verte des intentions du Grenelle de l'environnement, la filière a découvert avec perplexité le nouveau projet d'arrêté fixant les conditions d'achat d'électricité produite par des installations utilisant l'énergie solaire.
Ce projet d'arrêté tarifaire modifie en effet les conditions de rachat sur plusieurs points. A compter du 1er janvier 2010, les tarifs changeront pour les installations ne bénéficiant ni de la prime d'intégration au bâti, ni de la prime d'intégration «simplifiée» au bâti. Ils seront de 40 centimes d'euros/kWh pour les installations en Corse et dans les DOM ; 30 centimes d'euros/kWh en métropole continentale ; et 60 centimes d'euros/kWh pour les installations bénéficiant de la prime d'intégration au bâti. En outre, les installations bénéficiant de la prime d'intégration au bâti resteront stables jusqu'à fin 2012, avant de baisser de 10% par an. Pour les autres installations, le répit sera de courte durée car la dégressivité commencera dès janvier 2012.
Affrontements sur la rentabilité
Selon le rapport du gouvernement, ces modifications vont permettre de maitriser les couts du développement de la filière photovoltaïques pour la collectivité, mais surtout, elles tiennent compte «de la baisse de coût structurelle des systèmes photovoltaïques». En effet, d'après le rapport de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) sur lequel est basé l'arrêté fixant les nouveaux tarifs de rachat, le prix des équipements aurait baissé de 30 à 50% cette année. «Les tarifs soumis à l'examen de la CRE n'intègrent pas la baisse importante du prix des équipements intervenue au cours de l'année écoulée. Il en résulte une rentabilité très élevée des projets dont les conséquences, sur les choix d'investissement, doivent être mesurées avec vigilance», indique le CRE. Mais tous les acteurs du photovoltaïques ne partagent pas cet avis. «Le discours sur la rentabilité des investissements tenus par la CRE et les responsables du Budget fait froid dans le dos», indique Christian Cachat, président de l'Association des producteurs d'électricité solaire indépendants (Apesi). «Les hypothèses de rentabilité des capitaux investis sont basés sur un taux de coût moyen pondéré du capital de 5,5%, qui ressemble étrangement à celui de l'emprunt obligataire de l'opérateur historique lancé il y a quelques mois».
Les surfaces industrielles privées de prime
L'Apesi dénonce par ailleurs une autre mesure du décret, qui selon elle va à contre courant du développement du photovoltaïque ; car désormais, pour être éligible à la prime d'intégration au bâti, le système devra être installé sur la toiture d'un bâtiment d'habitation ou à usage de bureaux. Cette condition vient remplacer le terme plus général de «bâtiment clos et couvert» dont l'absence de définition au code de l'urbanisme, selon l'arrêté, «impliquait un risque de contentieux important concernant son application concrète et un traitement inégal entre différents types de bâtiments et systèmes photovoltaïques». Ainsi, «alors qu'en septembre dernier, les surfaces industrielles entraient encore dans le champ d'application, celles-ci vont devoir absorber une baisse subite du tarif de 25% sans que ne soient clairement définies les techniques de pose admissibles à ce tarif», dénonce l'Apesi.
Pour l'Apesi, ce sont «plusieurs dizaines de milliers d'emplois» qui sont menacées par «une série de projets de décrets, concoctés discrètement en cette fin d'année», qui «menace l'émergence d'une filière photovoltaïque digne de ce nom et créatrice d'emplois», jusqu'à faire de celle-ci une «filière d'espoir morte née», malgré les annonces faites lors des Grenelles 1 et 2 qui avaient permis «à des centaines d'entreprises de se créer et d'embaucher en masse, intéressant des investisseurs français et étrangers».