Dans le cadre du 34e colloque de la CSEEE et des rencontres organisées conjointement avec le GCCP, Jacques Chanut (vice-président de la FFB) et Alain Maugard (président de Qualibat) ont évoqué l'avenir de la construction lors d'une table ronde. Ils ont dressé un état des lieux et dessiné les perspectives pour le secteur.
La reprise est-elle là ? Selon certains observateurs, la situation économique, dégradée depuis 2008, connaîtrait un mieux indiscutable. En Île-de-France en particulier, et dans les grandes villes plus que dans les agglomérations moyennes, les courbes seraient en train de se stabiliser. Jacques Chanut, vice-président de la FFB, explique : "Il y a une réelle disparité géographique en France. Et les chiffres de 2013 sont moins mauvais que prévu : nous anticipions une baisse de l'activité de -3,5 %, qui, finalement, sera moins grave avec -2,6 %. Environ 330.000 logements neufs seront produits et le non résidentiel restera stable. Pour le marché de la rénovation, avec -1 %, ce n'est pas catastrophique non plus. Il y a une certaine capacité de résistance des entreprises. Il n'y a pas eu d'affolement et de catastrophisme chez les entrepreneurs. Mais il existe aujourd'hui des signes importants de faiblesse".
Effondrement des prix
Des propos qui rejoignent ceux de Geoffroy Roux de Bézieux (vice-président du Medef) : "Sur l'Île-de-France, nous sommes relativement préservés par rapport à d'autres régions réellement sinistrées. Mais nous n'avons jamais eu autant de défaillances d'entreprises". Les raisons, multiples mais liées, seraient la division par deux de la profitabilité des entreprises, et celle, par trois, de leur trésorerie. "L'effondrement des prix est une cause. Car il n'y a pas de corrélation entre leur niveau et celui de l'activité réelle des sociétés", poursuit Jacques Chanut. Une situation qui entraînerait un autre problème, la réponse à des appels d'offres avec des tarifs toujours plus bas nécessitant le recours à de la main d'œuvre et/ou des sous-traitants étrangers. "C'est tout le modèle social de la profession qui est mis en danger", prédit-il.
Pour 2014, si les estimations ne sont pas encore rendues publiques, le vice-président de la FFB dresse les grandes tendances : "Il n'y aura pas de reprise importante, il ne faut pas se leurrer, notamment pour le neuf. L'espoir porte sur la rénovation qui devrait être soutenue grâce au taux de TVA réduit à 5,5 % pour les travaux. Cependant, pour ajuster l'outil de production à la demande, il devrait encore y avoir des pertes d'emploi dans le secteur de la construction". La FFB s'est toutefois prononcée contre l'obligation de travaux, évoquée parfois. "Le portefeuille des Français n'est pas extensible, et les travaux qui seraient entrepris se feraient aux dépens d'autres. Il y a un risque qu'ils soient faits à minima, comme ce qui est arrivé dans le cas de la mise en sécurité des piscines, avec les capteurs les moins chers qui captent 90 % du marché. Enfin, une obligation signerait la fin des incitations", se justifie Jacques Chanut. Il estime que la pénurie de logements en Île-de-France pourrait, en revanche, fournir du travail : "Il faudrait construire deux fois plus : 100.000 logements sont nécessaires alors que 50.000 seulement sont bâtis".
Elargissement de la valeur ajoutée du bâtiment
De son côté, Alain Maugard, le président de Qualibat, envisage l'avenir sous un angle plus technique : "La question de l'énergie est centrale, notamment avec la production décentralisée au niveau des immeubles, îlots et quartiers, reliés par des smart grids. La population vieillit et le maintien de l'indépendance et la question de la santé à domicile se posent également. Le bâtiment doit donc s'adapter à cette nouvelle donne et être un objet de la transition de société. Les bâtiments on les construit, maintenant il faut également les piloter. De nouveaux métiers vont apparaître, et la valeur ajoutée du secteur va s'élargir". Celui qui a également été pendant 15 ans à la tête du CSTB estime que le secteur a besoin d'un effort d'acquisition et de maintien de la compétence et soutient l'idée d'une qualification évolutive, reconnaissant la valeur des compétences et des interactions entre les métiers au sein d'une entreprise.